Plaignant
Le Mouvement Raëlien Canadien, Raël et M. Roland Dussault (porte-parole)
Mis en cause
Le Devoir [Montréal] et M. Stéphane Baillargeon (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Bernard Descôteaux (rédacteur en chef, Le Devoir [Montréal])
Résumé de la plainte
Après avoir publié l’article diffamatoire «La curieuse leçon des petits hommes verts» du journaliste Stéphane Baillargeon, le 13 juillet 1993, Le Devoir accepte de publier la réponse de Raël le 7 octobre 1994, à la suite de longues négociations entre les parties. Toutefois, cette réponse est suivie d’une réplique dans laquelle le journaliste cite incorrectement un extrait du livre de Raël traité dans l’article du 13 juillet. Cette réplique déforme les propos de Raël, en plus d’atténuer la portée de sa réponse. Le Devoir refuse de publier une rectification.
Faits
M. Roland Dussault porte plainte auprès du Conseil de presse en son nom, au nom du Mouvement Raëlien Canadien et, de son chef, Raël. Il accuse le journaliste Stéphane Baillargeon et le journal Le Devoir d’avoir publié un extrait tronqué d’un livre de Raël permettant d’étayer les affirmations diffamantes de ce journaliste, faisant ainsi «preuve d’abus de discrétion rédactionnelle».
Griefs du plaignant
Le 17 mai 1995, M. Dussault présente une plainte au Conseil de presse dont le point de départ est la publication, le 13 juillet 1993, d’un article de M. Baillargeon, en première page du Devoir, intitulé: «La curieuse leçon des petits hommes verts», accusant les Raëliens de défendre «des opinions pédophiles». Le 19 juillet, Raël réclame un droit de réponse que Le Devoir refuse de publier. Le 7 octobre 1993, Le Devoir reçoit une mise en demeure qu’il choisit d’ignorer. Le 4 novembre, une action en justice est entamée pour diffamation et publication de «propos mensongers, malicieux, injurieux et calomnieux». Des négociations entre les deux parties débutent qui aboutissent à la publication, le 7 septembre 1994, de la réponse de Raël à l’article du 13 juillet 1993, accompagnée d’une réplique du journaliste, Stéphane Baillargeon. Le litige porte sur le contenu de cette réplique: M. Baillargeon y cite un extrait du livre «la Géniocratie» de Raël en en modifiant le contenu et donc le sens, donnant à croire au lecteur que l’accusation de pédophilie serait vérifiée par le contenu de cet ouvrage. Le 7 novembre 1994, le Mouvement Raëlien demande au journal Le Devoir de publier un rectificatif: par un courrier du 10 novembre le journal refuse, affirmant n’avoir «manqué à aucune règle déontologique». M. Dussault affirme que la publication de la réplique du journaliste avec la réponse de Raël a atténué la portée du droit de réponse de ce dernier. Il ajoute que M. Baillargeon a fait preuve «d’un manque de rigueur intellectuelle» et a utilisé «une méthode incorrecte» en tronquant la citation de Raël. Le mot «donc», qu’il a retranché de la phrase «Il faut [donc] supprimer les lois faisant automatiquement un détournement de mineur un rapport sexuel entre un individu de dix-huit ans et un individu de moins de dix-huit ans […].», n’est pas sans conséquence puisqu’il renvoie à l’explication qui précède cette phrase, laquelle a été citée hors de son contexte. M. Dussault réclame donc «la publication d’un correctif à partir d’un texte prédéterminé, dans un endroit du journal qui offrira une pleine et réelle compensation».
Réplique du plaignant
Le 18 septembre 1995, M. Roland Dussault réagit aux commentaires des mis-en-cause. La plainte porte sur l’omission du mot «donc», sur le sens que M. Baillargeon a ainsi voulu donner au texte, et sur l’interprétation qu’il en a fait. Il ajoute que la publication d’une réponse du journaliste sur le thème de la pédophilie n’a jamais été évoquée lors des négociations entre les deux parties. Estimant que l’échec de l’action en justice ne peut avoir aucune influence par rapport à un recours pour manquement à la déontologie journalistique, M. Dussault maintient sa plainte.
Analyse
Dans le cas présent, le Conseil considère que les deux parties ont négocié un accord à l’amiable aboutissant à la publication d’un droit de réponse le 7 septembre 1994. Il relève exclusivement de la liberté rédactionnelle du journal d’avoir choisi de publier le même jour une réplique du journaliste, M. Baillargeon. Le droit de réplique des journalistes aux commentaires d’un lecteur est en effet une pratique reconnue dans la presse. Ce droit doit être exercé avec discernement et dans le plein respect de ce lecteur. Les journalistes ne doivent pas se prévaloir de ce droit pour le dénigrer, l’insulter ou le discréditer. Dans ce cas, le journaliste a permis au public de prendre connaissance d’une autre version des faits afin que celui-ci forme son propre jugement. En aucun cas le Conseil de presse ne peut blâmer Le Devoir pour avoir voulu confronter deux avis divergents quant à l’orientation du Mouvement Raëlien. En ce qui concerne l’objet du présent litige, à savoir la citation des propos de Raël, extrait de son livre «la Géniocratie», le Conseil rappelle qu’une citation doit être textuelle. Le Conseil estime ici que l’omission de la conjonction «donc» ne change pas le sens des propos de Raël. Cette omission en diminue cependant la portée, car le mot «donc» sert ici à amener la conclusion d’un argumentaire qui précédait et qui n’a pas été présenté par M. Baillargeon dans sa réplique.
Analyse de la décision
- C05A Réplique abusive
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
Date de l’appel
8 July 1996
Appelant
Le Mouvement Raëlien Canadien, Raël et M. Roland Dussault (porte-parole)
Décision en appel
Après examen, la commission d’appel a conclu à l’unanimité de maintenir intégralement la décision de première instance et de rejeter l’appel.
Griefs pour l’appel
M. Roland Dussault a interjeté appel de cette décision.