Plaignant
M. Jean-Marie
Touré
Représentant du plaignant
M. Pierre
St-Laurent (avocat)
Mis en cause
Le Soleil
[Québec] et M. Alain Bouchard (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Gilbert
Lavoie (rédacteur en chef, Le Soleil [Québec])
Résumé de la plainte
Le journaliste
Alain Bouchard du Soleil fait le procès du plaignant dans ses articles «Le
« King » de l’immigration sous enquête: 300 000 $ en subventions
auraient été détournés à des fins personnelles» et « »Le cas Touré n’est
pas nuisible aux immigrants »: Le directeur du service estime que les gens
font bien la différence», parus les 11 et 12 mai 1995, alors qu’aucune
accusation criminelle ou civile n’a été portée contre lui.
Faits
La plainte
concerne deux articles parus dans le quotidien Le Soleil, les 11 et 12 avril
1995, sous la signature du journaliste Alain Bouchard.
Le premier
article, titré «Le « King » de l’immigration sous enquête. 300 000 $ en
subventions auraient été détournés à des fins personnelles», rapporte qu’une
enquête criminelle de la GRC et d’Immigration Canada sur de présumés détournements
de fonds risque de tuer la Corporation ethnoculturelle pour l’intégration des
immigrés du Québec (CEIIQ) et que la première personne visée par cette enquête
est l’ancien directeur du CEIIQ, M. Jean-Marie Touré.
Le deuxième
article, titré « »Le cas Touré n’est pas nuisible aux immigrants ». Le
directeur du service estime que les gens font bien la différence», rapporte
l’opinion du directeur des Services d’intégration au travail pour les immigrés
de Québec selon laquelle une nouvelle négative sur un individu de couleur ne
nuit pas à la réputation des communautés culturelles.
Griefs du plaignant
M. Pierre
St-Laurent, avocat représentant le plaignant, M. Jean-Marie Touré, dénonce la
présentation de cette nouvelle comme étant une atteinte au droit à la réputation
et à l’honneur de son client.
Il reproche aux
mis-en-cause le titre «Le « King » de l’immigration sous enquête»;
l’information selon laquelle M. Touré aurait détourné des fonds de 300 000 $;
l’affirmation que M. Touré «fait la pluie et le beau temps de l’immigration
depuis de nombreuses années»; et la publication d’une photo de Guiseppe Sereno,
«un genre de mafioso qui aurait un contrôle occulte, illégitime et illégal sur
des gens et sur l’attribution des sommes d’argent», condamné à plusieurs reprises,
à côté de l’article en litige.
M. St-Laurent
considère que Le Soleil et le journaliste Alain Bouchard ont accusé et condamné
son client d’un acte criminel sans qu’aucune accusation criminelle n’ait été
portée par les autorités ni action civile intentée contre lui relativement aux
faits allégués.
M. St-Laurent
rappelle qu’en matière criminelle, il existe une présomption d’innocence et des
moyens de défense pour les accusés. Le traitement accordé à cette affaire a
pour effet, dans l’esprit du public, de rendre son client coupable sans qu’il
ait eu droit à un procès.
Commentaires du mis en cause
En réponse à
cette plainte, M. Gilbert Lavoie, rédacteur en chef du Soleil, dit constater
que le plaignant ne conteste pas les faits rapportés dans l’article du 11 avril
1995.
M. Lavoie fait
«remarquer que les médias ont à maintes reprises fait état d’enquêtes
policières sur des personnages publics ou responsables de fonds publics. Le cas
de M. Touré n’est pas différent. A partir du moment où sa gestion de fonds
publics fait l’objet d’une enquête policière, il est du devoir des médias d’en
faire état. Lorsque l’enquête sera complétée, nous en ferons également état».
M. Alain
Bouchard indique pour sa part que les articles mis en cause sont rigoureusement
exacts et réitère le fait que M. Touré ne conteste aucun d’entre eux.
Réplique du plaignant
M. Pierre
St-Laurent réplique qu’il existe une différence énorme entre rapporter de façon
objective l’existence d’une enquête et qualifier la personne faisant l’objet de
cette enquête de «King de l’immigration», «qui fait la pluie et le beau temps
de l’immigration depuis de nombreuses années à Québec», alors qu’aucune
accusation n’a été portée ni condamnation prononcée. Ce sont là des
qualificatifs gratuits et sans fondement.
Analyse
Le Soleil et le journaliste Alain Bouchard avaient la liberté éditoriale de rapporter que le plaignant, M. Jean-Marie Touré, faisait l’objet d’une enquête de la GRC et d’Immigration Canada eu égard à de présumés détournements de fonds publics.
Le Conseil leur reproche cependant d’avoir qualifié le plaignant en manchette de « »King » de l’immigration» et d’avoir affirmé que ce dernier «fait la pluie et le beau temps de l’immigration depuis de nombreuses années à Québec», sans avoir aucunement étayé ces informations. Cette omission est d’autant plus regrettable qu’aucune accusation n’était portée à l’encontre de M. Touré. Ces informations non soutenues ont également pour effet de dramatiser indûment l’affaire en question.
Si la presse a la liberté éditoriale de faire état d’enquêtes policières, cette liberté comporte en contrepartie un traitement objectif de l’information pour éviter de compromettre la présomption d’innocence à laquelle tout citoyen a droit.
Le Conseil rejette par ailleurs le grief selon lequel la publication de la photo de Guiseppe Sereno à côté de l’article du 11 avril 1995 porte préjudice au plaignant.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17H Procès par les médias
Date de l’appel
28 February 1997
Appelant
Le Soleil
[Québec] et M. Alain Bouchard (journaliste)
Décision en appel
Après examen, la
commission a conclu au maintien de la décision du tribunal d’honneur.
Griefs pour l’appel
Le Soleil a
interjeté appel de cette décision.