Plaignant
M. Yvon
Descôteaux (fondateur, Club juridique)
Mis en cause
La Presse [Montréal]
et M. Jean-Paul Soulié (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
L’article «En
créant un « club », un avocat radié continue de pratiquer», paru dans
l’édition du 3 août 1995 de La Presse, sous la signature du journaliste
Jean-Paul Soulié, rapporte à tort que des accusations de pédophilie ont déjà
été déposées contre le plaignant.
Faits
La plainte
concerne un article du journaliste Jean-Paul Soulié, paru le 3 août 1995 dans
le quotidien La Presse, sous le titre: «En créant un « club », un
avocat radié continue de pratiquer». Cet article rapporte que M. Yvon Descôteaux,
fondateur du Club juridique, continue de pratiquer le droit alors qu’il a été
reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation pour avoir exercé illégalement
la profession d’avocat et qu’il a été radié à trois reprises et révoqué à vie
par le Barreau du Québec.
Griefs du plaignant
M. Yvon
Descôteaux reproche au journaliste Jean-Paul Soulié et à La Presse d’avoir
publié un article libelleux et diffamatoire à son endroit. Il indique que le
passage suivant de l’article est complètement faux: «Il (M. Descôteaux) avait,
entre autres choses, été accusé de harcèlement de la famille d’un jeune homme
encore mineur –la pédophilie était invoquée — et d’abus de procédures».
Commentaires du mis en cause
En réponse à
cette plainte, M. Claude Masson, vice-président et éditeur adjoint de La
Presse, explique que le point de départ de cet article est un document
publicitaire sur le Club juridique dans lequel M. Descôteaux se présente comme
Me Descôteaux.
Le journaliste
Jean-Paul Soulié a alors communiqué avec le Barreau du Québec pour connaître le
statut exact de M. Descôteaux. Cette recherche lui a appris que ce dernier
avait été reconnu coupable de 47 chefs d’accusation pour avoir exercé
illégalement son ancienne profession d’avocat, qu’il avait été radié à trois
reprises et révoqué à vie par le Barreau du Québec. Il a également appris que
le plaignant avait été accusé de harcèlement d’un jeune encore mineur et d’abus
de procédures. M. Masson indique que le journaliste a également contacté le
plaignant et à nouveau le Barreau pour des informations sur le Club juridique.
D’autres recherches à même les archives de La Presse ont permis de relever
plusieurs articles sur de nombreuses causes judiciaires impliquant M.
Descôteaux, dont un texte publié le 8 février 1990 titré: «Un avocat comparaît
devant le Comité de discipline pour avoir harcelé une famille: les parents
auraient interdit à leur fils de fréquenter l’avocat pour des motifs sexuels».
En conséquence,
M. Masson indique que l’utilisation du mot «pédophilie» est apparu à La Presse
comme synonyme de l’expression «harcèlement sexuel sur un mineur», tel que le
démontrent les documents judiciaires qu’il joint à ses commentaires dans le
présent dossier. Il ajoute que les dictionnaires définissent le mot
«pédophilie» comme une «attirance sexuelle de l’adulte pour les enfants».
M. Masson
signale enfin que c’est par souci de compassion que, malgré tout, La Presse a
accepté d’apporter la précision suivante le 5 octobre 1995: «Dans un article paru
dans son édition du 3 août, La Presse avait fait mention que M. Yvon
Descôteaux, fondateur du Club juridique et ex-membre du Barreau, avait été
accusé de pédophilie à l’endroit de la famille d’un jeune homme encore mineur.
Or, M. Descôteaux n’a pas été accusé de pédophilie mais de harcèlement. Nous
nous excusons pour cette confusion des mots.».
Réplique du plaignant
M. Descôteaux
réplique qu’il prend note que le journaliste Jean-Paul Soulié a reçu des
informations du Barreau, dont celle qu’il avait harcelé un jeune encore mineur.
Il ajoute qu’il est vrai que le journaliste a communiqué avec lui, mais qu’il
n’a jamais été question du harcèlement d’un jeune encore mineur.
M. Descôteaux
souligne par ailleurs que les articles auxquels M. Masson réfère ne font aucunement
allusion à un enfant mineur et qu’il n’est aucunement question de harcèlement
d’un enfant mineur ou de pédophilie dans les documents juridiques qu’il produit
avec ses commentaires sur sa plainte.
En ce qui
concerne la précision publiée dans La Presse le 5 octobre 1995, M. Descôteaux
considère que celle-ci est inadéquate, incorrecte, insuffisante et qu’elle
maintient la position exprimée dans le passage litigieux de l’article du 3 août
1995.
M. Descôteaux
remarque enfin qu’aucune preuve documentaire en possession du journaliste et de
La Presse ne pouvait conclure à une accusation quelconque de pédophilie, mais
qu’il s’agissait, dans le cas de cette information, d’une supposition ou d’une
information verbale non vérifiée.
Analyse
A la lecture des différentes décisions juridiques fournies par La Presse et obtenues par le Conseil relativement à cette affaire, le Conseil de presse constate que le plaignant n’a fait l’objet d’aucune accusation de «pédophilie» ou de «harcèlement de la famille d’un jeune homme mineur». Il s’agissait d’une accusation de «harcèlement de la famille».
La Presse a donc publié deux informations erronées en rapportant dans l’article du 3 août 1995 que le plaignant «avait, entre autres choses, été accusé de harcèlement de la famille d’un jeune homme encore mineur — la pédophilie était invoquée — et d’abus de procédures».
Le Conseil considère par ailleurs que la précision publiée par La Presse, le 5 octobre 1995, était inadéquate, insuffisante, voire inexacte:
«Dans un article paru dans son édition du 3 août, La Presse avait fait mention que M. Yvon Descôteaux, fondateur du Club juridique et ex-membre du Barreau, avait été accusé de pédophilie à l’endroit de la famille d’un jeune homme encore mineur, Or, M. Descôteaux n’a pas été accusé de pédophilie mais de harcèlement. Nous nous excusons pour cette confusion des mots.».
Telle que formulée, cette précision ne vient pas rectifier adéquatement les erreurs publiées dans l’article en litige. En rectifiant que «M. Descôteaux n’a pas été accusé de pédophilie mais de harcèlement», et en ne précisant pas que l’objet réel de l’allégué était de «harcèlement de la famille», La Presse laisse toujours planer un doute sur la nature véritable de l’accusation portée contre le plaignant.
Le Conseil regrette que La Presse, en décidant de publier cette précision, n’ait pas profité de l’occasion pour rectifier adéquatement les informations erronées rapportées dans l’article en litige.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C19B Rectification insatisfaisante