Plaignant
M. François
Matteau, M. Réjean Déziel, M. Raymond Trudeau et M. André Carle
Mis en cause
Le Nouvelliste
[Trois-Rivières] et Mme Louise Plante (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Bernard
Champoux (rédacteur en chef, Le Nouvelliste [Trois-Rivières])
Résumé de la plainte
Trois articles
publiés dans Le Nouvellistes les 12 et 16 septembre 1995, sous la signature de Mme
Louise Plante, laissent croire à tort que les plaignants sont impliqués dans
des activités commerciales illicites. La journaliste porte ainsi atteinte à la
réputation des plaignants, en se fiant sur les propos non vérifiés d’un seul
individu.
Faits
MM. Matteau,
Déziel, Trudeau et Carle portent plainte contre le journal Le Nouvelliste et
Mme Louise Plante, journaliste, pour «avoir tenu et rapporté des propos faux et
non fondés, qui n’ont, par surcroît, fait l’objet d’aucune vérification», dans
trois articles publiés les 12 et 16 septembre 1995.
Griefs du plaignant
Selon les
plaignants, dans une série d’articles publiés entre le 12 et le 16 septembre
1995, Mme Plante aurait laissé «faussement croire» qu’ils auraient été
«impliqués dans des activités illicites dans sept provinces canadiennes sur la
simple base de propos non vérifiés par un dénommé Jean Levasseur».
Ils ajoutent que
l’article du 16 septembre 1995 insinue qu’ils «auraient fait partie d’une
compagnie qui aurait été fondée « principalement pour profiter du gros
fonds La Prade et des subventions du gouvernement conservateur »». Selon
eux, ils n’auraient été, ni de loin, ni directement, ni indirectement, associés
de quelque façon à quelque activité illicite ou aventure dont il est question
dans les articles mentionnés.
Plusieurs mises
en demeure ont été acheminées au journal Le Nouvelliste de même qu’à Les
Journaux Trans-Canada (1982) inc.
Les plaignants
concluent en affirmant que le contenu de ces articles, de même que les propos
qui y sont rapportés sont diffamatoires et leur causent des préjudices
considérables ainsi qu’à leur famille et à leur entreprise.
Commentaires du mis en cause
Le 7 novembre
1995, M. Bernard Champoux, rédacteur en chef du Nouvelliste, répond des griefs retenus
contre son journal et Mme Louise Plante, journaliste. Il précise que:
– le 18
septembre, Le Nouvelliste a publié la réplique des plaignants sur la base d’un
communiqué;
– le 23
septembre, Le Nouvelliste a publié une mise au point dans laquelle il «se
dissociait des propos tenus par M. Jean Levasseur», en échange de quoi MM.
Matteau, Déziel, Trudeau et Carle s’engageaient à ne pas poursuivre le journal.
Le 17 novembre,
Mme Louise Plante réplique que l’article paru le 12 septembre était la traduction
d’un chapitre d’un ouvrage publié en librairie quelques jours auparavant. Les
personnes mises en cause (MM. Vincent, Levasseur et Masse et la firme de
construction Therrien) ont été contactées. Seuls MM. Vincent et Masse ont
répondu à la journaliste.
En ce qui
concerne les articles parus les 16 et 18 septembre impliquant les plaignants,
Mme Plante précise qu’il y a eu trois remaniements et des «amputations
importantes effectuées à son insu»:
– jamais la
journaliste n’y a affirmé que les membres du groupe Mon Ami avaient des
intérêts dans sept provinces canadiennes, mais plutôt que «la formule Mon Ami»
était présente dans sept provinces. Mme Plante ajoute qu’elle a voulu faire
appel à des enquêteurs pour vérifier cette information mais le journal a refusé;
– des
vérifications ont été effectuées quant à la nature des activités du groupe, sa
composition et le projet qui avait été accepté dans le cadre du Fonds La Prade;
– les plaignants
ont toujours refusé de rencontrer un journaliste pour s’expliquer sur les
activités du groupe.
Mme Plante
estime qu’elle a donc permis à toutes les personnes concernées de s’exprimer:
seulement deux, MM. Vincent et Masse, ont accepté de le faire.
Dans une seconde
lettre datée du 22 novembre, M. Bernard Champoux estime que les informations
contenues dans le livre «On the Take», publiées le 18 septembre par son
journal, étaient d’intérêt public. Il affirme: «le Nouvelliste ne pouvait
garder le silence sur ce que Stevie Cameron révélait dans son livre, et il a
donné l’occasion aux parties impliquées de s’expliquer».
M. Champoux
affirme que Le Nouvelliste a été d’une «prudence extrême», en vérifiant
l’identité des personnes appartenant au groupe «Mon Ami» et en leur permettant
de répliquer à la une du Nouvelliste. Il conclut que «le Nouvelliste et Mme
Louise Plante ont respecté les règles de l’art dans le traitement de ce
dossier».
Réplique du plaignant
Le 4 janvier
1996, MM. Matteau, Déziel, Trudeau et Carle répliquent aux arguments de Mme
Plante et de M. Champoux.
Les plaignants
rétorquent à la journaliste qu’ils n’ont «jamais été sollicités» pour commenter
les informations parues le 12 septembre. De «nombreuses faussetés» ont donc été
publiées: sur la véritable composition du groupe, sur sa raison d’être, sur les
transactions concernant un terrain du Lac Des Iles, sur les activités du groupe
dans sept provinces.
Les plaignants
estiment qu’il ne leur revenait pas de contacter la journaliste pour donner
leur point de vue sur les informations publiées le 12 septembre. Au vu des
accusations portées par M. Levasseur, Le Nouvelliste aurait dû contacter les
plaignants avant la publication du 16 septembre. Ceux-ci ont dû utiliser leur
droit de réplique par voie de communiqué.
Les plaignants reviennent
également sur «le traitement sensationnaliste» dont a usé Le Nouvelliste en
publiant leurs photos à la une de son édition du 16 septembre, accompagnées
d’un titre accrocheur et erroné.
Ayant conscience
qu’aucune rétractation n’aura assez d’impact, les plaignants s’adressent au
Conseil de presse pour qu’il statue sur le traitement journalistique dont ils
ont été l’objet.
Analyse
L’attention que décide de porter un journaliste à un événement d’actualité relève de sa discrétion rédactionnelle. Le choix, l’importance du sujet et la façon de le traiter lui appartiennent en propre. Ces choix sont fonction du degré d’intérêt public de la nouvelle et du devoir du journaliste de présenter une information authentique et équilibrée pour permettre au public de se forger son propre jugement.
Le Conseil de presse constate que la série d’article publiés par Le Nouvelliste, entre les 12 et 16 septembre 1995, présentait le contenu du livre «On the Take», qui faisait état des agissements de plusieurs hommes publics.
Mme Plante a choisi de traiter de cette nouvelle en publiant, le 16 septembre, le compte rendu d’une entrevue effectuée auprès de M. Jean Levasseur, à l’origine de ces révélations. La journaliste s’en tient uniquement aux faits: elle rapporte les propos du témoin et précise qu’aucune enquête n’est en cours.
De plus, la journaliste émet des doutes sur les motivations de son témoin. Elle évite ainsi de se faire le porte-parole crédule de M. Levasseur.
Cependant dans le cadre d’une information controversée, le Conseil estime que le journaliste doit permettre à toutes les personnes mises en cause de s’exprimer.
Le Conseil se trouve ici face à deux versions contradictoires quant à savoir si la journaliste a contacté ou non les plaignants. Le Conseil déplore que la journaliste ne mentionne jamais, dans son article, qu’elle ait fait ou pas cette démarche pour obtenir leur témoignage. Ainsi, le lecteur aurait eu accès à tous les éléments d’information pertinents.
Par ailleurs, le Conseil déplore que Le Nouvelliste ait choisi de titrer l’article du 16 septembre sur une information non vérifiée: «Mon Ami dans sept provinces», accompagnée de la photographie des plaignants. Même si le journal a publié une mise au point le 23 septembre, il n’est jamais revenu sur la publication de cette information dont il n’avait aucune garantie d’authenticité.
Analyse de la décision
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
- C15C Information non établie
- C17B Diffamation (citation)