Plaignant
L’Université du
Québec à Trois-Rivières [UQTR]
Représentant du plaignant
M. Jacques A.
Plamondon (recteur, Université du Québec à Trois-Rivières [UQTR])
Mis en cause
CBFT-TV [SRC,
Montréal] et Mme Catherine Kovacs (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Claude
Saint-Laurent (directeur général des programmes (information TV), Société
Radio-Canada [Montréal])
Résumé de la plainte
Le reportage «A
la recherche des chiffres perdus» de la journaliste Catherine Kovacs, diffusé
dans le cadre de l’émission «Enjeux» le 25 septembre 1995 sur les ondes de
Radio-Canada, et le 30 septembre sur les ondes de RDI, traite de la gestion
financière de l’Université du Québec à Trois-Rivières [UQTR] de manière
partiale, sensationnaliste et mensongère. La journaliste abuse des personnes
ayant collaboré à ce reportage en changeant son orientation. Elle se porte à la
défense des positions du Syndicat des professeurs, en plus de présenter son
reportage à ce dernier avant sa diffusion. Enfin, la journaliste néglige de
rapporter des informations importantes et laisse malicieusement croire à un
manque de transparence au sein de l’administration de l’UQTR. La présentation
du reportage par l’animateur Pierre Nadeau s’avère erronée.
Faits
M. Jacques Plamondon,
recteur de l’Université du Québec à Trois-Rivières [UQTR], porte plainte contre
la journaliste Catherine Kovacs et la Société Radio-Canada pour le reportage
intitulé «A la recherche des chiffres perdus».
Griefs du plaignant
Le 3 octobre
1995, M. Plamondon, recteur de l’UQTR, porte plainte contre la journaliste
Catherine Kovacs pour le reportage intitulé: «A la recherche des chiffres
perdus», diffusé le 25 septembre 1995 au cours de l’émission Enjeux de la SRC
ainsi que le 30 septembre sur les ondes de RDI.
M. Plamondon
joint à sa lettre les deux courriers envoyés au directeur général des
programmes (information-TV) de Radio-Canada, M. Claude Saint-Laurent, dans
lesquels il expose ses griefs.
– La
présentation de l’émission faite par M. Pierre Nadeau était erronée: celui-ci
affirmait que «l’UQTR prépare des états financiers dont le flou laisse
songeur», alors qu’ils ont été approuvés par les vérificateurs externes,
l’Assemblée des Gouverneurs et le MEQ.
– Le sujet du
reportage devait être «le financement des Universités». Mme Kovacs en a modifié
l’orientation pour finalement l’intituler: «A la recherche des chiffres perdus.
Reportage sur la gestion à l’UQTR», abusant ainsi les personnes qui avaient
collaboré avec elle.
– Mme Kovacs a
manqué à «son devoir d’objectivité»: elle défend la position du Syndicat des
professeurs en insinuant que les gestionnaires de l’UQTR seraient
«incompétents». La journaliste a omis certaines informations: les distinctions
existant entre budget, états financiers et rapport financier auraient pu
expliquer la non-correspondance des lignes budgétaires. De plus, le montage lui
a permis de suggérer «un manque de transparence» au sein de l’administration:
l’image de la chaise vide du directeur adjoint au service financier en est un
exemple.
– Mme Kovacs a
fait montre de partialité en invitant des membres de l’exécutif du Syndicat des
professeurs à visionner le reportage avant sa diffusion, obligeant les
représentants de l’Université à faire face aux assauts de la presse locale.
M. Plamondon
juge que la journaliste Catherine Kovacs a produit un «document biaisé»: elle a
«versé dans le sensationnalisme» en ayant recours à «un habile mélange de
mensonges, d’omissions et d’erreurs grossières». Le Recteur réclame donc une
rétractation publique pour rétablir l’image de l’UQTR qui a déjà eu à souffrir
de la diffusion de ce reportage.
Commentaires du mis en cause
Le 13 novembre
1995, M. Claude Saint-Laurent, directeur général des programmes (information
TV) de la Société Radio-Canada, réplique aux accusations de M. Plamondon.
M. Saint-Laurent
reconnaît que la présentation de M. Nadeau était «imprécise». Mais le propos du
reportage n’a jamais été de dénoncer l’incompétence des gestionnaires de
l’Université: il démontrait «la difficulté de comprendre et de comparer des
données financières».
M. Saint-Laurent
affirme que Mme Kovacs a agi en toute bonne foi: la première entrevue avec le
Syndicat des professeurs portait sur la question des coûts d’administration,
mais finalement s’est posé la «question préalable de l’accès aux données
financières». L’administration a donc su immédiatement que «la journaliste
cherchait à identifier des postes de dépenses». De plus, Mme Kovacs n’a caché
aucune information; par contre «il est dommage que personne n’ait jugé utile
d’expliquer [à la journaliste] les processus financiers complexes auxquels
doivent se soumettre les composantes de l’Université du Québec».
«L’équipe
d’Enjeux reconnaît que le visionnement de l’émission par une partie du Syndicat
des professeurs avant sa diffusion était une erreur».
M. Saint-Laurent
conclut donc que «les accusations de mensonge, d’omission et d’erreurs
grossières débordent les faits tels qu’il peut les vérifier».
Réplique du plaignant
Le 5 décembre
1995, M. Plamondon constate que les propos de M. Saint-Laurent lui donnent
raison sur deux points: la présentation du reportage et le visionnement de
l’émission par des membres du Syndicat des professeurs. Il précise que cela a
permis au Syndicat de «préparer une conférence de presse et de mener une autre
charge à l’endroit de la Direction de l’Université».
M. Plamondon
réitère ses critiques visant la démarche journalistique de Mme Kovacs:
– la journaliste
aurait dû faire les distinctions qui s’imposaient entre les différentes termes financiers
cités dans le reportage;
– alors que le
sujet initial était le «financement des Universités», Mme Kovacs a finalement
utilisé le matériel rassemblé pour «donner une image tronquée de la gestion de
l’Université». Même si le format de l’émission a changé cela n’explique pas que
l’on ait modifié l’orientation du reportage;
– le montage a
suggéré un manque de transparence au sein de l’administration alors que Mme
Kovacs savait que cette impression n’était pas fondée puisque personne n’avait
refusé sa collaboration au reportage.
Même si M.
Saint-Laurent a proposé à M. Plamondon de participer à une prochaine émission
sur le financement des Universités, celui-ci maintient sa plainte.
Analyse
Le Conseil de presse reproche à Mme Catherine Kovacs d’avoir construit un reportage partial en n’allant pas au fond des choses ce qui donne prise à l’accusation d’endosser le point de vue des professeurs.
Le choix et le traitement d’une information relèvent de la discrétion rédactionnelle de chaque éditeur, qui, en tant que professionnel de l’information, doit promouvoir la rigueur et la qualité.
La journaliste affirme que le budget de l’Université est un véritable fouilli. Elle omet toutefois délibérément de donner des explications qu’elle avait en main pour expliquer la complexité des documents comptables. La journaliste laisse soupçonner une mauvaise gestion et un manque de transparence de l’UQTR. A titre d’exemple, l’image de la chaise vide de monsieur Hardy, directeur des finances qui avait dû s’absenter pour un motif d’une extrême gravité. La journaliste a été informée de ce fait mais elle a préféré tourner une séquence montrant une chaise vide en alléguant dans le reportage «qu’il y a là une preuve évidente d’un manque de transparence». De plus, elle ne mentionne pas dans son reportage qu’une note explicative sur les chiffres lui avait été remise par le directeur adjoint du Service des finances, ce qui lui donnait une réponse à sa question.
Le Conseil note que Radio-Canada a admis que le reportage devait porter sur le financement des Universités et qu’en cours de processus, l’orientation a changé. Le Conseil ne peut mettre en doute la bonne foi de la journaliste sur l’orientation du reportage.
Le Conseil de presse rappelle simplement que, sauf circonstances exceptionnelles, ce qui n’était pas le cas, le journaliste se doit de dévoiler à ses sources ses véritables intentions pour ne pas abuser de leur confiance et ainsi présenter une information conforme à la réalité des faits.
Le Conseil estime que madame Kovacs a fait preuve supplémentaire de partialité en faisant visionner le reportage avant sa diffusion au Syndicat des professeurs. Le Conseil note que Radio-Canada reconnaît cette erreur de jugement.
Le Conseil de presse ne blâme pas M. Pierre Nadeau pour la présentation du reportage même si elle était erronée puisqu’elle reflétait le contenu de celui-ci. Le Conseil rejette la plainte sur ce motif.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C13A Partialité
- C23D Tromper sur ses intentions
- C23F Faire voir un texte avant publication