Plaignant
M. Paul Crépeau
(avocat)
Représentant du plaignant
M. Yves
Saint-André (avocat)
Mis en cause
La Presse
[Montréal], M. André Cédilot et M. André Pépin (journalistes)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
Les journalistes
André Cédilot et André Pépin laissent entendre, à tort, que le plaignant aurait
retiré une plainte criminelle en raison de ses liens avec un accusé, dans leur
article «L’affaire Daudelin rebondit», publié par La Presse le 8 mars 1996. Les
journalistes n’ont ni vérifié cette information, ni rapporté le démenti diffusé
le 15 mars par l’Association des substituts du procureur général du Québec.
Faits
La plainte porte
sur l’article des journalistes André Cédilot et André Pépin, intitulé
«L’affaire Daudelin rebondit», paru dans La Presse le 8 mars 1996.
Griefs du plaignant
M. Paul Crépeau,
avocat, porte plainte contre La Presse et MM. Cédilot et Pépin.
Une insinuation interrogative
utilisée par les journalistes sème le doute, auprès des lecteurs, sur
l’intégrité professionnelle de Me Crépeau. Elle laisse sous-entendre que Me
Crépeau aurait retiré une plainte criminelle en raison possiblement de liens
qu’il aurait entretenus avec l’accusé, Me Gilles Daudelin.
Selon le
plaignant, les journalistes ont manqué à leurs responsabilités en omettant de
vérifier les informations publiées. Ils ont nui à la réputation et à l’honneur
du plaignant.
Un communiqué de
l’Association des substituts du procureur général du Québec (ASPGQ) a été
diffusé le 15 mars 1996 pour «tenter de rétablir les faits». Il précise que les
mis-en-cause n’y ont donné aucune suite.
Commentaires du mis en cause
Le 4 juillet
1996, M. Claude Masson, vice-président et éditeur adjoint de La Presse, répond
à la plainte de Me Crépeau.
En premier lieu,
il mentionne que André Cédilot a tenté de joindre, en vain, le plaignant à deux
reprises la veille de la parution de l’article. Il vient, ensuite, sur
l’intérêt public du sujet par une chronologie des textes publiés sur cette
affaire.
Il précise que
le plaignant a été avisé que le communiqué de l’ASPGQ, «peu explicite» et reçu
tardivement, ne serait pas publié. Il ajoute qu’un quotidien n’utilise pas les
communiqués comme finalité et ne veut pas en faire «une forme de promotion» à
l’égard des auteurs.
Il conclut en
mentionnant que le 11 avril 1996, un article de La Presse a permis de
réhabiliter la réputation du plaignant.
Réplique du plaignant
Le 31 juillet
1996, par Me Yves Saint-André, les procureurs de Me Crépeau répliquent aux
mis-en-cause.
En ce qui
concerne le manquement à l’obligation de vérification, les démarches
entreprises par André Cédilot semblent «avoir été accomplies uniquement pour la
forme». Il s’étonne que le journaliste ait attendu la veille de la parution de
l’article pour tenter de joindre Me Crépeau, alors que «dès le 5 mars, M.
Cédilot rapportait la déclaration du ministre de la Sécurité publique».
Le plaignant
démontre, par la chronologie des textes publiés sur l’affaire Daudelin, que la
réponse à la question: «par quel concours de circonstances on avait porté des
accusations aussi graves pour tout bonnement les retirer ensuite», était
contenue dans l’article du 27 février, qui mentionnait alors l’existence d’un délateur
peu crédible.
De même, il
s’étonne que M. Masson affirme que ce n’est qu’à la mi-avril que les
journalistes découvrent l’existence de ce témoin.
Il précise que
«l’absence de démenti des trois chefs de police ne peut être considérée comme
une justification» de publication d’allégation de la sorte, qui relève «d’une
attaque totalement injustifiée».
Il considère que
les textes des 11 et 13 avril 1996 réhabilitant l’honneur du plaignant, ne peuvent
pardonner le manquement aux règles d’éthique journalistique de La Presse et des
journalistes. De plus, le journal n’a pas offert d’excuses publiques à Me
Crépeau.
Quant à la
non-publication du communiqué de l’ASPGQ, le motif de réception tardive est
étonnant puisqu’il a été émis la semaine qui a suivi l’article du 8 mars 1996.
Il estime qu’il ne s’agit pas de promotion mais d’«information valable» qui
méritait d’être publiée.
Analyse
Le traitement de l’information relève du jugement rédactionnel des professionnels de l’information qui doivent cependant livrer au public des informations exactes et conformes aux faits.
Le Conseil tient à rappeler l’importance pour les professionnels de l’information de vérifier rigoureusement les informations qu’ils transmettent au public afin d’éviter d’induire celui-ci en erreur et de causer des torts aux personnes et aux instances concernées par l’information rapportée.
Dans le cas présent, le Conseil de presse blâme La Presse et MM. André Cédilot et André Pépin, journalistes, pour avoir manqué de rigueur professionnelle en publiant des informations inexactes portant préjudice à une personne.
Aucune excuse ne saurait être invoquée pour transmettre au public une information inadéquate. Le Conseil incite donc les journalistes et les médias d’information à redoubler de vigilance dans la cueillette des informations qu’ils entendent publier.
Lorsque des informations mettent en cause la réputation des personnes, les médias et les journalistes sont alors tenus de faire tous les efforts raisonnables pour leur permettre de donner leur version des faits.
Dans le cas présent, les démarches tardives pour rejoindre le plaignant amènent le Conseil à juger que les efforts n’ont pas été raisonnables.
Il relève aussi de la responsabilité des médias et des journalistes d’apporter, dans les meilleurs délais possibles, les correctifs nécessaires à leurs erreurs afin de rectifier les faits auprès du public et de remédier rapidement aux torts qu’ils auraient pu causer à des personnes, des groupes ou autres instances.
Dans le présent dossier, La Presse a reconnu que «les accusations portées contre Me Daudelin reposaient sur un témoin peu crédible» et le journal a publié un article le 11 avril 1996, visant à rétablir les faits.
Le Conseil considère par ailleurs que La Presse n’était pas tenue de publier le communiqué diffusé par l’Association des substituts du procureur général du Québec (ASPGQ).
Analyse de la décision
- C12C Absence d’une version des faits
- C15A Manque de rigueur
- C19A Absence/refus de rectification