Plaignant
La Fédération
des affaires sociales [FAS-CSN] et la Confédération des syndicats nationaux
[CSN]
Représentant du plaignant
M. Jeff Begley (vice-président,
Fédération des affaires sociales [FAS-CSN])
Mis en cause
La Presse
[Montréal], M. Claude Picher (columniste, La Presse [Montréal]), Le Journal de
Montréal et M. Jean-Pierre Trudel (journaliste, Le Journal de Montréal)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
Le journaliste
Claude Picher de La Presse porte préjudice aux plaignants dans sa chronique
«Petite histoire d’horreur», publiée le 30 mars 1996, en traitant avec
partialité le congédiement d’une employée de garderie. Le journaliste affirme
que les plaignants ne respectent pas la volonté de leurs membres, en plus de
rapporter les propos de sources anonymes sans faire les vérifications qui
s’imposent. Le 6 avril, le journaliste Jean-Pierre Trudel du Journal de Montréal
résume les informations contenues dans cette chronique, sans aucune
vérification.
Faits
La plainte
concerne la chronique de Claude Picher intitulée «Petite histoire d’horreur»,
parue dans La Presse le 30 mars 1996, ainsi qu’un texte du journaliste Jean-Pierre
Trudel, paru le 6 avril 1996 dans Le Journal de Montréal, relatant le même
événement.
Griefs du plaignant
M. Jeff Begley,
vice-président de la Fédération des affaires sociales (FAS-CSN), porte plainte,
au nom de la FAS et de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), contre
M. Claude Picher qui a manqué gravement à l’éthique journalistique, en
rapportant des informations biaisées sur les événements relatifs au
congédiement d’une employée dans une garderie.
Selon le
plaignant, le chroniqueur a porté préjudice au mouvement syndical et
particulièrement à la FAS et la CSN, en rapportant des propos de sources
anonymes et en démontrant que «les syndicats […] n’ont pas un fonctionnement
démocratique et qu’ils ne tiennent pas compte de la volonté de leurs membres».
Il reproche à M.
Claude Picher de ne pas avoir vérifié les informations obtenues, en ne
communiquant pas avec la FAS et la CSN. Ce faisant, il aurait ainsi pu porter à
la connaissance des lecteurs, les motivations qui ont conduit le syndicat à
déposer un grief malgré la réticence des employées de la garderie.
Il estime que M.
Claude Picher s’est livré à des suggestions personnelles en laissant
sous-entendre que «les syndicats agissent sans consulter leurs membres et
qu’ils ont un fonctionnement autoritaire». Les lecteurs sont induits en erreur,
en pensant que les syndiqués «n’ont aucune prise sur les affaires qui les
concernent, ni aucun contrôle sur leur taux de cotisation syndicale». Ce qui est
rigoureusement faux.
M. Jeff Begley
dépose une autre plainte contre le journaliste Jean-Pierre Trudel pour avoir
rapporté et résumé sans aucune vérification, les mêmes faits que la chronique
de M. Claude Picher, dans un texte publié le 6 avril 1996 dans Le Journal de
Montréal. Ce faisant, M. Jean-Pierre Trudel a aussi porté atteinte à la
réputation des syndicats.
Commentaires du mis en cause
Le 28 juin 1996,
M. Claude Masson, vice-président et éditeur adjoint de La Presse, fait savoir
que le journal soutient entièrement la réponse de M. Claude Picher.
Le 25 juin 1996,
le journaliste Claude Picher affiche son désaccord avec les affirmations de M.
Jeff Begley.
Tout d’abord, il
précise que ce sont les parents qui ont porté l’affaire à son attention. A la
suite de cela, il a contacté un porte-parole parental ainsi que la directrice
de la garderie. Pour répondre à leur demande, il a conservé leur anonymat et
modifié certains faits secondaires, après avoir jugé leurs témoignages «précis
et convaincants».
Il démontre que
M. Jeff Begley n’a pas nié les faits, mais en a confirmé la véracité.
Il reprend
l’argument principal du plaignant, à savoir l’obligation qu’impose l’article
47,2 du Code du travail à tout syndicat de défendre un de ses membres congédié.
Or, selon le témoignage de M. Claude Picher, il est possible de faire
abstraction de cet article, même dans les cas les plus difficiles.
Il se fonde sur
sa longue expérience professionnelle pour expliquer comment il distingue la
sincérité et l’authenticité des témoignages, et pourquoi il se méfie «des
cassettes officielles». Il précise que M. Begley n’aurait que pour version des
faits, de se retrancher derrière l’article 47,2 du Code du travail.
Selon M. Claude
Picher, la plainte n’est qu’«un long plaidoyer qui revient à dire que les
syndicats sont […] au-dessus de toute critique».
En tant que
chroniqueur, M. Claude Picher explique que sa fonction lui confère une plus
grande latitude journalistique, ce qui lui permet de dénoncer la démarche des
syndicats à faire appel «aux tactiques procédurières […] plutôt qu’au simple
bon sens».
Par conséquent,
il considère qu’il n’a aucunement dérogé à l’éthique journalistique.
Pour finir, il
signale que La Presse a attribué à M. Jeff Begley, un espace conséquent afin que
ce dernier puisse exprimer son point de vue. Il joint à la copie de cette
missive, sa réponse à M. Begley, toutes deux parues le 23 avril 1996 dans La
Presse.
Réplique du plaignant
Le 30 août 1996,
M. Jeff Begley rappelle que sa plainte ne porte pas sur les faits relatés dans
la chronique, mais sur la démarche journalistique de M. Claude Picher qui
aurait dû contacter des représentants de la CSN et de la FAS pour éviter
certaines omissions.
Il estime que le
chroniqueur n’a pas tenu compte de la complexité de l’affaire. En communiquant
avec les syndicats, il aurait porté à la connaissance du public les motivations
du syndicat à défendre un de ses membres ou le comportement de la direction de
la garderie qui n’a pas respecté la convention collective.
Par conséquent,
il considère que la chronique de M. Claude Picher a donné un sens détourné aux
événements relatés et a nui à l’image des syndicats.
Analyse
Le genre journalistique particulier que constitue la chronique, qui tient autant de l’éditorial et du commentaire que du reportage d’information, permet au journaliste une grande latitude dans la formulation de ses jugements et l’expression de ses prises de position.
Cette latitude n’est toutefois pas absolue; les auteurs de tels articles doivent mesurer la portée de leurs écrits de façon à éviter de jeter gratuitement le discrédit sur les personnes ou les groupes concernés.
Même si le Conseil de presse estime que M. Claude Picher aurait dû contacter la FAS-CSN pour obtenir sa version des faits, le Conseil considère que le public a pu prendre connaissance de l’opinion de M. Jeff Begley, La Presse ayant consacré un espace conséquent à la publication de sa lettre.
En ce qui concerne l’article de M. Jean-Pierre Trudel paru dans Le Journal de Montréal, le Conseil de presse estime que le plaignant n’a pas soumis les éléments prouvant que M. Trudel a rapporté les faits de M. Claude Picher.
Le Conseil de presse rejette la plainte concernant Le Journal de Montréal et M. Jean-Pierre Trudel.
Analyse de la décision
- C12C Absence d’une version des faits
- C23G Plagiat/repiquage