Plaignant
Les héritiers de
Mme Louise Dubreuil
Mis en cause
La Voix de l’Est
[Granby], M. Richard Gosselin et M. Martin Landreville (journalistes)
Représentant du mis en cause
M. Dany Doucet
(directeur de l’information, La Voix de l’Est [Granby])
Résumé de la plainte
Les journalistes
Richard Gosselin et Martin Landreville traitent du meurtre d’une prostituée en
rapportant les propos de personnes étrangères à ces événenents, lesquelles
établissent dans certains cas des rapprochements erronés avec une autre
affaire. Les articles incriminés, parus dans La Voix de l’Est durant le mois de
juillet 1996, contribuent à alimenter les préjugés à l’égard des prostituées.
Faits
La plainte
concerne les articles des journalistes Richard Gosselin et Martin Landreville,
parus au mois de juin 1996 dans La Voix de l’Est rapportant le décès de Mme
Louise Dubreuil.
Griefs du plaignant
Les héritiers de
Louise Dubreuil portent plainte contre les journalistes Richard Gosselin et
Martin Landreville pour avoir porté atteinte à la réputation de la victime.
Ils reprochent
aux journalistes d’avoir rapporté des propos de personnes non concernées par
les événements comme le concierge de l’agresseur ou encore l’opinion des
badauds.
Ils reprochent à
M. Richard Gosselin d’avoir rapporté l’histoire racontée par des badauds à
l’effet qu’il s’agissait de la même personne que la baigneuse retrouvée nue
dans une fontaine ayant défrayé la manchette l’année précédente, en la
rapprochant de l’histoire de la victime pour mentionner en conclusion que ce
n’était pas elle.
Ils considèrent
que les journalistes ont contribué «à alimenter des préjugés qui existaient
déjà à l’endroit des prostituées».
Commentaires du mis en cause
M. Dany Doucet,
directeur de l’information à La Voix de l’Est, admet que les articles dégagent
un portrait négatif de la victime; cependant, il précise que les journalistes
ont tenté vainement d’obtenir les commentaires des proches de la victime.
Toutefois, il mentionne que les informations publiées quoique incomplètes ne
sont pas fausses.
Il précise que
la publication des témoignages de voisins, badauds, témoins… sont courants et
qu’ils permettent d’éclairer les événements, et par conséquent de donner une
meilleure information, ce qui a permis de mieux cerner la personnalité de la
victime.
En ce qui concerne
le rapprochement avec la baigneuse nue fait par les témoins, il explique que la
rumeur associait cette baigneuse à la victime; M. Gosselin n’a fait que
rectifier les faits au profit de Mme Dubreuil.
Réplique du plaignant
Les plaignants
précisent que «M. Doucet qualifie lui-même les articles écrits par ses
journalistes de « tristes articles »».
Ils mentionnent
que les journalistes ont effectivement joint la famille de Mme Dubreuil mais
avant que celle-ci ne soit officiellement informée par les policiers. Ils ont
alors immédiatement raccroché, sans poser de questions.
Ils considèrent,
contrairement à M. Doucet, que tous les propos recueillis ne sont pas
pertinents et que le démenti du rapprochement de la victime et de la baigneuse
n’améliore en aucun cas l’image de Mme Dubreuil.
Ils considèrent
que les journalistes ont manqué à leur devoir professionnel en traitant un
événement dramatique sans rigueur et en manquant de respect à la victime et à
ses proches.
Analyse
La liberté de presse et le droit du public à l’information seraient compromis si les médias devaient s’interdire d’informer la population sur les faits divers et les drames humains qui ont cours dans la société. Ils doivent, toutefois, traiter ces sujets avec rigueur et discernement. Ils doivent éviter les insinuations qui peuvent induire le public en erreur et faire preuve de sensibilité à l’endroit des personnes mises en cause.
Le Conseil de presse considère que la direction du journal et les deux journalistes en cause ont manqué de prudence dans le traitement de l’information recueillie. Le Conseil estime que le traitement journalistique de La Voix de l’Est n’a présenté à ses lecteurs qu’un éclairage partiel des événements rapportés. Le traitement accordé a eu comme conséquence de présenter la victime d’un meurtre comme la véritable coupable.
Le Conseil de presse reproche par ailleurs à Richard Gosselin d’avoir mentionné «l’affaire de la baigneuse nue», un événement n’ayant aucun rapport de près ou de loin avec la victime.
Compte tenu des versions contradictoires concernant le contact avec la famille Dubreuil et par conséquent le manque d’équité dans le traitement de l’affaire, le Conseil n’est pas en mesure de statuer sur ce dernier grief. Il tient toutefois à rappeler qu’il est important que les professionnels de l’information tentent d’obtenir la version des faits des personnes mises en cause, de manière à livrer au public une information complète et conforme aux faits.
Analyse de la décision
- C12C Absence d’une version des faits
- C15A Manque de rigueur
- C17F Rapprochement tendancieux
Date de l’appel
18 June 1997
Appelant
La Voix de l’Est
[Granby], M. Richard Gosselin et M. Martin Landreville (journalistes)
Décision en appel
La Commission
maintient la décision de son tribunal d’honneur dans le présent cas, tout en
modifiant ainsi l’un des énoncés de la décision: «La Commission considère que
la direction du journal et les deux journalistes en cause ont manqué de rigueur
et de discernement dans le traitement de l’information recueillie. La
Commission estime que le traitement journalistique de La Voix de L’Est n’a
présenté à ses lecteurs qu’un éclairage partiel et partial des événements
rapportés. Le traitement accordé a eu comme conséquence de jeter le discrédit
sur la victime, tout en donnant par ailleurs une image valorisante de
l’agresseur, ce qui a eu pour effet de minimiser la gravité du crime».
Griefs pour l’appel
Les mis-en-cause
portent appel de la décision du Conseil de presse.