Plaignant
M. Sylvain
Fortin (président, La Maison de l’Ile)
Mis en cause
CBFT-TV [SRC,
Montréal], RDI [SRC, Montréal], La Presse [Montréal] et Mme Marie-France Léger
(journaliste)
Résumé de la plainte
Radio-Canada et
RDI refusent de couvrir la grève de la faim entrepris par le plaignant en
faveur de la création d’un centre de soins palliatifs. De plus, la journaliste
Marie-France Léger de La Presse néglige de faire état des appuis à la création
de ce centre, se contentant des propos négatifs du président de la Régie de la
santé de Laval.
Faits
La plainte
concerne le traitement partial d’une information relative à la Maison de l’Ile,
centre de soins palliatifs, par Radio-Canada, le Réseau de l’information et Mme
Marie-France Léger, journaliste à La Presse.
Griefs du plaignant
M. Sylvain
Fortin porte plainte contre Radio-Canada, RDI et la journaliste Marie-France
Léger de la Presse pour avoir diffusé des informations partiales et incomplètes
à propos de la cause qu’il défend pour la création d’un centre de soins
palliatifs: la Maison de l’Ile.
En effet, M.
Fortin explique qu’à la suite de la volte-face du Gouvernement qui s’était
engagé, lors de la dernière campagne électorale, à doter l’Ile Jésus de la Maison
de l’Ile, il a décidé de faire une grève de la faim pour manifester sa colère.
M. Fortin porte
plainte contre Radio-Canada et RDI pour avoir refusé de couvrir cet événement, sous
le prétexte de ne «pas vouloir encourager les gens à faire la grève de la
faim», alors que dans la même période le Dr. Jacques Chaouli, également
gréviste de la faim, faisait l’objet de nombreux reportages par les réseaux
mis-en-cause.
Par ailleurs, il
porte plainte contre Marie-France Léger pour avoir rapporté une information
partiale lors d’un article paru le 22 août 1996 dans La Presse.
Il déplore que
la journaliste n’ait pas mentionné qu’elle avait pris connaissance «d’un
document d’une vingtaine de pages contenant des lettres d’appui des différents
partenaires impliqués dans le dossier à Laval», mais ait seulement rapporté les
propos du président de la Régie de la santé de Laval indiquant qu’ »une
maison pour mourants […] n’est pas appuyée par le milieu».
Pour ces
raisons, il considère que la population a été informée de façon incomplète, et
que l’attitude partiale, voire discriminatoire des mis-en-cause, a porté
atteinte au droit à la nouvelle.
Commentaires du mis en cause
La réponse de La
Presse:
M. Claude
Masson, vice-président et éditeur adjoint à La Presse, indique que le journal
appuie sans réserve la réponse de sa journaliste.
La journaliste
Marie-France Léger précise que M. Fortin ne doit pas blâmer La Presse et
elle-même pour l’échec de la Maison de l’Ile.
Comprenant le
désarroi du plaignant, elle indique qu’elle n’avait pas à prendre partie pour
ou contre le projet et que, par ailleurs, son article avait pour objet
«d’aviser les lecteurs du refus de la Régie» et non de faire la promotion du
projet de M. Fortin. Cela justifie, par conséquent, qu’elle n’ait pas mentionné
l’existence de lettres d’appui qui, du reste, «n’étaient pas contemporaines à
la grève de la faim» du plaignant.
Quant aux propos
de M. Gélineau (président de la Régie de la santé), ceux-ci relèvent de son
interprétation personnelle et non pas de l’opinion de Marie-France Léger.
Pour conclure,
elle mentionne qu’elle a porté à la connaissance des lecteurs le gaspillage des
fonds publics dans toute cette affaire, au cours d’un article paru le 24 août
1996 dans La Presse.
La réponse de
Radio-Canada et de RDI:
M. Claude
Saint-Laurent, directeur général des programmes d’information (Radio-Canada et
RDI), indique dans sa réponse, que «le mandat du service de nouvelles de
Radio-Canada n’est pas de rendre compte des activités de tous les groupes de
pression».
Il mentionne que
le critère de choix de l’information est l’intérêt public de la nouvelle. Or,
il n’est pas apparu que la grève de la faim de M. Fortin soit d’intérêt public.
Toutefois, il
mentionne que M. Fortin a été informé que sa cause serait suivie s’il y avait
des développements et précise qu’il n’a pas reçu les documents requis auprès du
plaignant.
Quant au cas du
Dr. Chaouli, il précise que cette grève de la faim avait engendré «plusieurs
appels aux médias de gens qui voulaient imiter» ce geste. Pour cette raison-là,
ils ont adopté une attitude prudente en décidant de ne pas leur donner de
retentissement inutile.
Il considère que
le traitement de la nouvelle s’est fait de façon intègre vis-à-vis de l’éthique
journalistique.
Réplique du plaignant
Réplique à
Radio-Canada et RDI:
M. Fortin
constate que la lettre de M. Saint-Laurent est «une grossière manoeuvre de diversion
et de banalisation» de sa grève de la faim.
Il réfute le
fait que sa grève de la faim n’était pas d’intérêt public, puisque la Maison de
l’Ile était inscrite au programme du Parti québécois lors de la campagne
électorale de 1994.
Il considère que
sa grève de la faim était «proportionnelle au mépris du Gouvernement face à ses
propres engagements électoraux (…) et à l’indifférence que le Gouvernement a
manifesté depuis le début dans ce dossier».
Quant aux
documents requis par Radio-Canada, il affirme les avoir fait parvenir à Mme
Marie-France Bédard, recherchiste à l’émission Le Point, et fournit pour preuve
la lettre et les bordereaux de transmission par télécopieur.
Selon lui,
SRC/RDI n’ont pas tenu compte du droit de la population à une information
complète et équitable.
Réplique à
Marie-France Léger:
M. Fortin relève
un «nombre important d’éléments inexacts» dans la réponse de la journaliste.
Il réfute avoir
voulu blâmer La Presse et sa journaliste pour l’échec de son projet.
Quant au fait
que Mme Léger ait voulu «aviser les lecteurs», il rétorque que le 19 août 1996,
La Presse a publié un article concernant ladite décision de la Régie de la
santé.
Il déplore
qu’elle n’ait retenu que «l’interprétation» du président de la Régie; elle aurait
dû également relever celle du plaignant, qu’elle connaissait. Ceci amène M.
Fortin à conclure à «une grande complaisance de la journaliste envers les
autorités de la Régie de Laval».
Il considère
qu’utiliser sa grève de la faim comme moyen de promotion aurait été purement
inapproprié.
Il termine en
mentionnant que s’il n’a pas parlé de l’article du 24 août 1996, c’est que
celui-ci n’était pas pertinent avec l’objet de sa plainte.
Analyse
Le Conseil de presse mentionne que nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal ou à un réseau de télévision. Les médias et les professionnels de l’information ont cependant le devoir de favoriser l’expression du plus grand nombre possible de points de vue.
Étant toutefois responsables de tout ce qu’ils diffusent, ils doivent demeurer libres de déterminer si les propos et les textes qui leur sont soumis sont d’intérêt public et pertinents.
En regard de ces principes, le Conseil de presse est d’avis que Radio-Canada et RDI étaient libres, dans le cas présent, de traiter ou non l’information.
Le Conseil de presse ne retient pas de blâme, non plus, pour Marie-France Léger car l’attention que décide de porter un journaliste ou un organe d’information à un sujet particulier relève de son jugement rédactionnel; le choix du sujet ainsi que la façon de le traiter lui appartiennent en propre.
Marie-France Léger a donné un aperçu conforme aux événements en indiquant, clairement, la position de chaque partie en cause. Le Conseil conclut donc à cet égard que le plaignant, M. Sylvain Fortin, a eu droit à une couverture journalistique équitable, tout autant qu’impartiale, de la part de La Presse.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture