Plaignant
La municipalité
de Sillery
Représentant du plaignant
Mme Hélène
Legendre-Dumas (avocate)
Mis en cause
L’Appel
[Sainte-Foy] et M. Éric Moreault (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Laurier
Pellicelli (éditeur et directeur général, Les Grands Hebdos) et M. Denis Fortin
(directeur de l’information, Les Grands Hebdos)
Résumé de la plainte
Le journaliste
Éric Moreault véhicule des faussetés et des demi-vérités dans son article «Le
festival de Sillery refuse une subvention municipale de 8000 $», publié dans
l’édition du 25 août 1996 de L’Appel. Le journaliste néglige de vérifier ses
informations auprès des personnes concernées. Son article laisse faussement
croire que le Conseil municipal de Sillery est fautif dans l’affaire en
question. Le journal refuse de publier une rétractation et ne publie la réponse
du plaignant que le 29 septembre 1996.
Faits
La plainte
concerne un article du journaliste Éric Moreault, intitulé «Le festival de
Sillery refuse une subvention municipale de 8000 $», paru le 25 août 1996 dans
le journal L’Appel.
Griefs du plaignant
La municipalité
de Sillery, représentée par Mme Hélène Dumas-Legendre, porte plainte contre
Éric Moreault pour avoir véhiculé des faussetés et des demi-vérités dans son article
traitant d’une subvention de 8000 $.
La plainte se
présente en 20 griefs successifs.
En premier lieu,
la plaignante présente le contexte en mentionnant que la ville de Sillery a
confié la gestion de deux de ses immeubles (la Maison des Jésuites et la Villa
Bagatelle), à la Fondation Bagatelle Inc.; celle-ci a laissé la gestion de la
Maison des Jésuites en juin 1996. Par ailleurs, la «Fondation Bagatelle
organise annuellement le Festival de musique ancienne de Sillery» et par
conséquent «reçoit une aide financière de la part de la Ville».
La plaignante
rectifie les faits à propos de la diminution de la subvention:
– «La Fondation
Bagatelle Inc. avait sollicité une participation financière (…) volontaire
des familles» lors de la fête familiale de 1995, ce qui a justifié «une mise au
point» pour la subvention de 1995.
– «L’offre d’une
subvention de 8000 $ en 1996 (…) faisait suite à la réorganisation
administrative par la Ville, de son système d’aide à tous les organismes locaux
et à une distribution des fonds disponibles entre les divers organismes».
– Il n’y a pas
de lien entre les dons recueillis en 1995 et le réajustement financier pour
1996.
Quant au refus
de la subvention municipale:
– il provient de
la Fondation Bagatelle Inc;
– il est
intervenu le 9 mai 1996, soit trois mois avant la parution de l’article;
– il a été
justifié par la diminution de subvention mais aussi parce que «le Festival a
choisi de ne plus tenir la fête familiale qui justifiait la participation de la
Ville».
La plaignante
indique que deux mois et demi après que la Fondation ait refusé la subvention
relative à la fête familiale, elle a demandé à la Ville de commanditer une fête
familiale dans le cadre du Festival. Elle précise, par ailleurs, qu’une réponse
officielle a été fournie au directeur général de la Fondation Bagatelle, signée
par M. Louis Potvin, le 7 août 1996. La réponse fut négative puisque les fonds
refusés avaient été affectés à d’autres dépenses.
Contrairement
aux propos de l’article, la plaignante mentionne que c’est «la Fondation qui a
refusé et refuse de dialoguer avec la Ville» et fournit pour preuve l’échange
de correspondance.
A plusieurs
reprises, la plaignante fait remarquer que le journaliste a manqué à son
obligation professionnelle de vérifier certains faits auprès des personnes
concernées à propos:
– de la
réorganisation financière qui a engendré la diminution de la subvention;
– du ministère
de la Culture qui n’a, après vérification, jamais été contacté par quiconque à propos
de la gestion de la Maison des Jésuites;
– du titre de
Mme Nathalie Castonguay qui n’est pas responsable de l’animation à la Maison
des Jésuites mais «employée contractuelle à la ville de Sillery».
Elle indique que
«les circonstances et les faits» de l’article du 25 août 1996 sont
«vérifiables» et fournit au Conseil de presse tous les documents consécutifs à
la plainte.
Pour conclure,
elle fait savoir qu’une rétractation a été demandée au journal, mais n’a jamais
été publiée, et que, par ailleurs, la réponse de la plaignante à l’article mis
en cause a été publiée le 29 septembre 1996, alors qu’elle était prête pour
l’édition du 12 septembre 1996, à un endroit moins visible que l’article
concerné.
Pour toutes ces
raisons, la ville de Sillery considère que le journaliste n’a pas livré aux
lecteurs une information complète et conforme aux faits et aux événements,
donnant l’impression à certains citoyens que le conseil municipal était fautif.
Commentaires du mis en cause
Réponse de
Laurier Pellicelli:
M. Laurier
Pellicelli, éditeur et directeur général de Les Grands Hebdos, répond à la
plainte de la ville de Sillery.
Il précise que,
par la suite, M. Denis Fortin, directeur de l’information de Les Grands Hebdos,
expliquera «le contexte de la relation que la ville de Sillery et le journal
L’Appel ont depuis l’élection du maire», et que le journaliste Éric Moreault
donnera sa position relativement au dépôt de la plainte.
Il revient sur
deux griefs de la plainte relatifs à la réponse de la ville de Sillery.
Il indique que
la position de la Ville de Sillery, devant paraître dans L’Appel, a été
«volontairement retardée d’une semaine, compte tenu de la mise en demeure que
la Ville a fait parvenir au président-directeur général de Les Hebdos
UniMédias, M. Gilles A. Cérat».
Il mentionne que
L’Appel a mis à la disposition de la Ville un espace conséquent pour sa
réponse. Après réception et montage de la réponse, ils ont expédié le tout à la
Ville pour acceptation de l’épreuve. Celle-ci, signée, était attendue pour le
lendemain, vendredi 13 septembre. Or, la Ville affirme avoir retourné l’épreuve
alors que le journal n’a rien reçu. L’épreuve signée est alors parvenue au
journal le 25 septembre 1996.
Il précise que
la Ville a été en mesure répliquer deux fois: dans l’article publié le 8
septembre 1996, ainsi que dans celui du 29 septembre 1996 qui indiquait la
position officielle de la Ville.
Il considère que
la plainte est sans fondement car il s’agit d’un «maire qui protège son
administration publique en essayant de discréditer un journaliste» dont le
travail a été fait dans les règles de l’art.
Réponse de Denis
Fortin:
Le directeur de
l’information de Les Grands Hebdos, M. Denis Fortin, intervient dans le dossier
pour signaler la position du maire de la ville de Sillery, M. Paul Shoiry, qui
ne désire «rien de moins que la peau» du journaliste Éric Moreault.
Il explique que
les mauvaises relations entre Paul Shoiry et Éric Moreault remontent aux
élections municipales de 1994 et se sont détériorées au cours de trois dossiers
gérés par la ville de Sillery.
M. Denis Fortin
considère que le maire de Sillery poursuit «une vendetta personnelle contre
Éric Moreault» car les articles de celui-ci, relatifs à chacun des dossiers, ne
seraient pas entièrement favorables à la municipalité.
Selon lui, le
maire Shoiry leur en veut car ils écorchent «sa sacro-sainte image de maire» en
ne relatant pas toujours sa version.
Il indique que
le journal a tenté de joindre le maire sur son cellulaire, lequel est la
propriété de la Ville. Il serait donc possible de vérifier que des appels ont
été logés au cellulaire du maire, lorsque la Mairie aura fourni les relevés des
factures de téléphone.
Réponse d’Éric
Moreault:
Le journaliste,
Éric Moreault, considère que «la ville de Sillery cherche à [le] museler».
Afin de prouver
cela, il retrace les circonstances qui ont précédé la parution de l’article du
25 août 1996; ainsi, il indique qu’il a eu une longue entrevue avec M. Yves
Goudreau, directeur de la Fondation Bagatelle, après avoir appris que la
Fondation avait refusé une subvention.
A la suite de
cette entrevue, il a cherché à obtenir la version du maire. Celui-ci lui a
indiqué qu’il le rappelerait pour communiquer sa position dans le dossier. Or,
l’appel n’a pas été retourné dans les délais impartis; l’article est alors paru
sur les déclarations de M. Goudreau mentionnant que la version des faits du
maire n’avait pu être obtenue.
Éric Moreault
précise qu’il n’a pas jugé pertinent de contacter des fonctionnaires qui
l’auraient probablement référé au maire, compte tenu de la haute teneur
politique du dossier.
Le 30 août 1996,
L’Appel est mis en demeure par la municipalité. MM Cérat et Pellicelli ont
retardé alors d’une semaine la publication de l’article contenant le point de
vue du maire Shoiry, obtenu le 28 août 1996.
Éric Moreault
relate, ensuite, le contexte des mauvaises relations qu’il a avec la
municipalité depuis les dossiers mentionnés par Denis Fortin.
Il considère que
la ville de Sillery cherche à «entacher» sa réputation et celle de L’Appel, et
fait «une montagne avec des riens dans l’espoir de noyer le poisson». Il donne,
à ce propos, l’exemple de Mme Castonguay qui s’est personnellement présentée
comme responsable de l’animation.
Réplique du plaignant
A Laurier
Pellicelli:
La ville de
Sillery tient à rappeler, en premier lieu, que «ce n’est pas le maire de
Sillery qui a pris parti à l’égard du journaliste concerné (…) mais bien la
ville de Sillery».
Elle indique que
les deux articles (8 septembre et 29 septembre), considérés comme la réplique
de la Ville, relatent à peine les propos du maire Paul Shoiry. Elle considère
que «le journaliste a publié des extraits choisis par lui-même», ce qui ne
constitue en aucun cas la réplique de la Ville.
Quant à la
transmission de l’épreuve préparée par le journal, elle précise «qu’elle a été
retournée le 12 septembre 1996 (…) et non pas le 25 septembre comme le
prétend M. Pellicelli».
Par ailleurs,
«l’espace conséquent» alloué par le journal se trouve en page 4 de L’Appel et
non à la une comme le fût l’article mis en cause.
A Denis
Fortin:
La plaignante
considère que la plupart des propos de M. Fortin ne sont pas pertinents à la
compréhension de la plainte, mais contribuent plutôt à créer une diversion. De
plus, «les propos de M. Fortin sont faux et non prouvés». Il souligne que si le
journaliste avait réellement voulu joindre le maire, il aurait contacté sa
secrétaire (comme il l’a fait le 26 août 1996) ou la téléphoniste de l’Hôtel de
Ville ou encore consulté l’annuaire téléphonique dans lequel il aurait pu
obtenir le numéro de la résidence du maire.
Quant à la
possibilité d’obtenir le relevé des factures de téléphone, elle précise «qu’en
vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels, de tels renseignements sont
nominatifs», et ne peuvent donc pas être communiqués.
La plaignante ne
comprend pas ce que l’intervention de Denis Fortin peut apporter au débat et considère
«qu’elle n’exprime qu’une accumulation de frustrations». Elle déplore le manque
de rigueur et de vérifications lié au dossier.
A Éric
Moreault:
Dans sa
réplique, la plaignante déplore le manque de rigueur du journaliste qui se
traduit, à plusieurs reprises, par la confusion possible que peuvent faire les
lecteurs entre l’opinion personnelle du journaliste, une analyse et les propos
rapportés de quelqu’un, en omettant les guillemets dans plusieurs paragraphes.
Elle précise que
le maire n’a reçu aucun appel d’Éric Moreault mentionnant qu’il était urgent
pour lui de lui parler.
Quant à la
volonté de ne pas contacter de fonctionnaires, la plaignante fait remarquer
qu’Éric Moreault n’a pas hésité à contacter Mme Castonguay qui n’était
cependant pas la meilleure personne pour commenter un tel dossier.
Elle souligne
que le journaliste aurait dû préciser clairement dans l’article que les
suppositions de la Ville n’étaient pas les siennes mais celles de M. Goudreau.
Elle déplore que
plusieurs renseignements n’aient pas été vérifiés et confirmés, ce qui a causé
de graves préjudices à la municipalité.
Analyse
Le Conseil de presse ne peut, au départ, que s’étonner du fait que l’article en cause ait déclenché un dossier aussi volumineux, incluant un échange majeur de correspondance. Difficile de ne pas y voir là le symptôme de relations tendues entre la ville de Sillery et le journal L’Appel. Après analyse de cette imposante documentation, le Conseil de presse relève quelques inexactitudes dans l’article du journaliste Éric Moreault, qui lui apparaissent toutefois d’ordre mineur.
La principale inexactitude relevée concerne l’attribution du refus d’une subvention au Festival de Sillery plutôt qu’à la Fondation Bagatelle.
Le Conseil constate que l’article de L’Appel, publié le 25 août 1996, repose principalement sur les déclarations du directeur de la Fondation Bagatelle, M. Yves Goudreau, qui font manifestement état de profonds différents entre l’organisme et la ville de Sillery.
La version du maire de Sillery dans cette affaire, M. Paul Shoiry, était souhaitable et aurait permis un meilleur éclairage du dossier. Or, le Conseil est confronté à des versions contradictoires dans ce dossier: le journaliste de L’Appel soutient avoir tenté de joindre le maire à deux reprises; la Ville plaidant pour sa part que M. Moreault n’aurait pas suffisamment insisté pour parler au maire.
Mais il n’en demeure pas moins, note le Conseil, que la ville de Sillery a eu l’occasion d’exprimer publiquement et largement sa version des faits dans les pages de L’Appel, dans l’édition du 29 septembre 1996.
Les médias ont le devoir de se conformer à l’obligation qu’impose leur rôle d’informateur de livrer une information équilibrée, conforme aux faits et aux événements.
Après examen de l’ensemble de la plainte, le Conseil de presse du Québec considère que, en dépit d’inexactitudes mineures, la ville de Sillery a eu droit à un traitement équitable de la part du journal L’Appel, dans ses éditions du 25 août et 29 septembre 1996.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte