Plaignant
M. Andrew Lesk
Mis en cause
The Gazette
[Montréal] et Mme Barbara Amiel (columnist)
Représentant du mis en cause
M. Alan E.
Allnutt (rédacteur en chef, The Gazette)
Résumé de la plainte
La journaliste
Barbara Amiel de The Gazette formule des propos haineux à l’égard des
homosexuels dans sa chronique du 16 novembre 1996. Elle dénonce «leur sexualité
de perversité consensuelle», associant ainsi les homosexuels à des pervers et
des déviants.
Faits
La plainte
concerne une chronique de Barbara Amiel, «A collision of values», publiée le 16
novembre 1996 dans The Gazette, rapportant l’opinion de la journaliste sur les
censures cinématographiques.
Griefs du plaignant
M. Andrew Lesk
porte plainte contre la chroniqueuse Barbara Amiel et le journal The Gazette pour
avoir diffusé des propos méprisants à l’endroit des homosexuels.
C’est dans sa
chronique intitulée «A collision of values» que Mme Amiel aurait porté atteinte
aux homosexuels en dénonçant «leur sexualité de perversité consensuelle». Le plaignant
en déduit que la chroniqueuse associe les homosexuels à des «pervers» et des
«déviants».
Selon lui, les
propos de Mme Amiel relèvent d’un discours haineux à l’égard des homosexuels.
Il s’étonne
qu’une «hétérosexuelle» puisse se prévaloir de connaître la manière de vivre
des homosexuels. Il souligne qu’elle a lié l’homosexualité au fétichisme,
reléguant ainsi cette façon d’être à un comportement hors norme.
Il s’indigne que
Mme Amiel ait usé de sa liberté d’expression pour proférer de telles paroles
inspirant clairement un climat anti-homosexuel.
Commentaires du mis en cause
M. Alan E.
Allnutt rédacteur en chef de The Gazette, considère que la plainte est plus
portée contre Mme Barbara Amiel elle-même, que contre sa chronique «A collision
of values».
Il souligne que
la plupart des griefs du plaignant ne sont pas confirmés par la chronique.
Il rappelle que
la chronique se veut un état d’opinions et que Mme Amiel a, par conséquent, le
droit de dire ce qu’elle pense que ce soit «politiquement correct ou non». Mais
il mentionne, cependant, que la chroniqueuse défend généralement le droit des
individus à faire ce qu’ils veulent à condition que cela reste consensuel.
Selon lui, M.
Andrew Lesk a mélangé les mots «perversité» et «déviation». Il ne considère pas
que l’homosexualité soit dégradée ici, puisqu’elle est entièrement inhérente à
la chronique. Celle-ci ayant pour leitmotiv les dangers de la censure
cinématographique à la suite de la sortie du film Crash.
Pour ces
raisons, M. Allnutt estime que la plainte n’est pas fondée.
Réplique du plaignant
M. Lesk juge M.
Allnutt dans l’erreur puisqu’il précise que la chronique dont il se plaint se
veut un reflet de Mme Barbara Amiel. Cette dernière, qui plus est, serait
mariée à l’employeur de M. Allnutt, indique-t-il.
Selon lui, M.
Allnutt s’est trouvé une porte de sortie en parlant de discours «politiquement
correct».
M. Lesk indique
que la «censure» et la «liberté d’expression» ne sont pas des fins en soi, dont
il est question dans sa plainte. Ce qu’il dénonce est le fait que la
chroniqueuse Barbara Amiel use de sa position pour répandre un discours abusif
sur l’homosexualité.
Il considère que
personne ne peut user de la liberté de la presse pour justifier l’association
des homosexuels à des pervers.
Il indique que
M. Allnutt et Mme Amiel n’ont rien compris au problème puisqu’ils ne
connaissent pas le milieu homosexuel.
Selon lui, les
arguments bien minces de M. Allnutt révèlent qu’il essaie de couvrir les propos
de Mme Amiel; celle-ci ayant répandu des stéréotypes négatifs entretenant ainsi
un climat de haine à l’endroit des homosexuels.
Analyse
Partant du principe selon lequel tout chroniqueur jouit, de par le genre particulier que constitue la chronique, d’une grande latitude dans la formulation de ses jugements lui permettant d’adopter un ton polémiste pour prendre parti ou faire valoir ses points de vue, le Conseil de presse estime qu’il n’est pas fondé de blâmer la journaliste Barbara Amiel.
Bien que cette latitude ne saurait s’exercer de façon absolue, le Conseil de presse considère que Mme Barbara Amiel n’a pas outrepassé son droit d’expression.
Se voulant une opinion sur la censure à la suite de la sortie du film Crash, qui met entre autres en scène des homosexuels, la chronique «A collision of values» ne contient pas, dans son ensemble, de généralités abusives puisque les propos tenus étaient implicitement associés au sujet de la chronique.
Toutefois, le Conseil de presse peut comprendre que la phrase «There are consensual perversities which include everything such as homosexuality to sadomasochism…» ait été susceptible de heurter le plaignant. Mme Amiel pense que l’homosexualité, même consensuelle, est une perversité: elle a droit à son opinion.
Pour ces raisons, le Conseil rejette la plainte de Monsieur Lesk.
Analyse de la décision
- C18C Préjugés/stéréotypes