Plaignant
Le Mouvement des
travailleuses et travailleurs chrétiens (MTC) de Saint-Jérôme
Représentant du plaignant
M. Gérard
Laverdure (représentant, Le Mouvement des travailleuses et travailleurs chrétiens
(MTC) de Saint-Jérôme)
Mis en cause
Le Mirabel
[Saint-Jérôme], M. Mathieu Locas et Mme Nadine Filion (journalistes)
Représentant du mis en cause
Mme Anne-Marie
Cadieux (directrice de l’information, Le Mirabel [Saint-Jérôme])
Résumé de la plainte
Le 10 novembre
1996, Le Mirabel publie, sous la signature des journalistes Mathieu Locas et
Nadine Filion, quatre reportages qui contiennent des propos méprisants et
discriminatoires envers les assistés sociaux. Les journalistes se contentent de
rapporter les préjugés d’un chauffeur de taxi et d’un facteur, sans faire de
vérification et sans prendre de distance critique. Le titre «Le premier du mois
les « BS » abuseurs sortent», publié en première page, présente une
connotation péjorative et méprisante. Enfin, Le Mirabel ne couvre pas la manifestation
de 70 personnes qui voulaient dénoncer les reportages mis en cause, portant
ainsi atteinte au droit à l’information.
Faits
La plainte
concerne quatre articles des journalistes Mathieu Locas et Nadine Filion, parus
le 10 novembre 1996 dans Le Mirabel de Saint-Jérôme, portant sur les assistés
sociaux.
Griefs du plaignant
M. Gérard
Laverdure, au nom du Mouvement des travailleurs et des travailleuses chrétiens
de Saint-Jérôme, porte plainte contre M. Mathieu Locas et Mme Nadine Filion, journalistes
au Mirabel pour avoir diffusé des propos méprisants et discriminatoires envers
les assistés sociaux.
Le plaignant
considère que le titre à la une du journal «Le premier du mois les
« BS » abuseurs sortent» a une connotation péjorative et méprisante.
Selon M.
Laverdure, «ces articles entretiennent le racisme» en généralisant à tous les
assistés sociaux le comportement de quelques-uns, jugé «répréhensible» par les
journalistes.
En se référant
aux principes de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et
aux dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, le
plaignant estime que les journalistes ont manqué de rigueur, en rapportant
simplement «les préjugés d’un chauffeur de taxi et d’un facteur, sans vérifier
les faits et sans faire preuve d’un esprit critique».
Il reproche aux
mis-en-cause leur manque de vérification et de documentation qui ont engendré
«la confusion dans le public» et ont renforcé les préjugés sociaux sur les
personnes assistées sociales.
Par ailleurs, il
déplore que le journal Le Mirabel n’ait pas couvert la manifestation de 70
personnes qui visait à dénoncer «ces reportages tendancieux», privant le public
du droit à l’information.
Commentaires du mis en cause
Mme Anne-Marie
Cadieux, directrice de l’information au journal Le Mirabel, fait remarquer que
les articles sur les assistés sociaux font partie d’une série s’échelonnant sur
deux semaines. Ce qui fait, selon elle, que le plaignant «tire des conclusions
trop rapides» quant à la teneur des articles.
Elle précise que
«le terme BS (…) est une expression populaire consacrée et souvent utilisée
dans les médias» et que le journal n’a aucune intention de lui donner une
signification péjorative.
Quant à
l’anonymat des sources, elle indique que les journalistes n’ont fait que
respecter leur engagement vis-à-vis de leurs informateurs. Elle assure, par
ailleurs, que les faits et les commentaires rapportés sont véridiques.
Elle mentionne
qu’ils n’ont pu joindre aucun interlocuteur concernant la manifestation des 70
personnes. Cependant, une deuxième manifestation a eu lieu quelques temps après
et le journal en a fait un compte rendu dans ses pages après avoir pu
rencontrer un intervenant.
Elle estime que
la plainte n’est pas fondée car le journal a offert aux lecteurs les deux côtés
de la médaille en publiant des reportages sur les abuseurs du système et ceux
qui veulent s’en sortir.
Réplique du plaignant
M. Gérard
Laverdure maintient que les propos tenus, ainsi que le titre de l’édition du 10
novembre 1996, portent préjudice aux assistés sociaux.
Il déplore que
les journalistes aient rapporté les propos de citoyens en contact avec les
assistés sociaux, en généralisant les cas observés.
Il est convaincu
que le journal a fait une erreur d’éthique en confondant les abuseurs avec les
bénéficiaires de l’aide sociale, et en jugeant leur style de vie.
Analyse
La presse doit éviter de cultiver des préjugés, encore trop nombreux contre les personnes ou les groupes, dans une société qui se veut respectueuse de la personne et de sa liberté.
Partant, le Conseil de presse est d’avis que les journalistes n’ont pas respecté ce principe dans l’édition du 10 novembre 1996 du Mirabel.
En premier lieu, le Conseil de presse reproche au journal Le Mirabel d’avoir publié, à la une de l’édition du 10 novembre 1996, un titre tel que «Le premier du mois, les BS abuseurs sortent» alors que l’article ne fait aucune démonstration de ce que le titre dénonce. Un reproche identique est également adressé au premier article de Mathieu Locas, intitulé «Tous les premiers du mois, c’est fête au village».
Ces deux articles contiennent un ramassis de préjugés et de ouï-dire. Le Conseil considère les titres et articles en question comme discriminatoires, et généralisant de façon péjorative l’information selon laquelle certains bénéficiaires d’aide sociale seraient des abuseurs.
Par ailleurs, et sans prétendre que les faits et les propos aient été travestis, le Conseil de presse juge que les journalistes ont rendu compte des perceptions que leur ont inspirées leurs recherches en traçant un portrait nettement stéréotypé des assistés sociaux, et déplore qu’ils n’aient pas assez insisté sur le fait qu’il ne fallait pas généraliser ces événements.
En voulant dénoncer une situation qui leur apparaissait devoir l’être, les journalistes ont choisi un angle de traitement très questionnable qui a eu pour effet de jeter le discrédit sur l’ensemble d’un groupe social.
En conclusion, bien que le Conseil de presse reconnaisse l’effort du journal à l’effet de présenter les deux côtés de la médaille durant deux semaines successives, il ne peut faire autrement que blâmer les journalistes pour avoir entretenu et renforcé les préjugés à l’égard des assistés sociaux, dans l’édition du 10 novembre 1996, en généralisant les propos rapportés.
Analyse de la décision
- C18C Préjugés/stéréotypes