Plaignant
Le Ministère des
Transports du Québec; Le syndicat de la fonction publique du Québec
Représentant du plaignant
M. Yvan Demers (sous-ministre,
Ministère des Transports du Québec); M. Serge Roy (président, Syndicat de la
fonction publique du Québec)
Mis en cause
CHRC-AM
[NTR/Télémédia, Québec] et M. André Arthur (animateur)
Représentant du mis en cause
M. Richard
Forand (directeur général, Radiomédia)
Résumé de la plainte
L’animateur
André Arthur utilise un langage violent, abusif et méprisant à l’égard des
employés du Ministère des Transports du Québec lors de son émission matinale du
18 février 1997, sur les ondes de CHRC. Il lance des affirmations sans
fondement sur les circonstances d’une opération menée par le Ministère et sur
les méthodes de travail utilisées à cette occasion, sans chercher à obtenir les
explications des personnes responsables.
Faits
Il s’agit de deux
plaintes concernant des propos de l’animateur André Arthur, tenus dans le cadre
de son émission radiophonique du matin, le 18 février 1997, sur les ondes de la
station CHRC, à Québec.
Griefs du plaignant
Les plaignants
reprochent à l’animateur André Arthur, dans le cadre de son émission matinale
sur les ondes de CHRC-80 Québec, le 18 février 1997:
– son
irresponsabilité pour avoir, au micro d’une tribune publique bénéficiant d’une
grande écoute, invité ses auditeurs à mépriser des travailleurs du ministère
des Transports et les avoir incités à poser à leur égard des gestes violents;
– d’avoir fait
des affirmations sans fondement, quant à l’opération effectuée par le MTQ sur
l’autoroute du Vallon et de pas avoir cherché à connaître, en s’adressant au
Ministère, les circonstances de l’opération; il aurait pu s’informer notamment
des méthodes de comptage et des conséquences réelles de leur travail;
– d’avoir manqué
gravement à l’éthique par l’utilisation d’un langage violent, abusif et
méprisant à l’égard des employés du Ministère et de tous les membres de la
fonction publique.
– Les plaignants
sont d’avis que la station CHRC-80 doit également porter le blâme pour les
comportements dénoncés, parce que celle-ci «doit garantir la diffusion d’une
programmation de haute qualité».
Commentaires du mis en cause
Ils font d’abord
remarquer que les plaignants adoptent l’attitude «que l’État n’est pas sujet à
rendre des comptes et que ces organes peuvent agir sans exercer un bon
jugement»; ils rappellent les conditions météorologiques éprouvantes de février
1997; ils expliquent que l’animateur a «reproché aux autorités gouvernementales
d’avoir nui à la circulation à l’heure de pointe du matin sans tenir compte des
inconvénients» causés aux travailleurs.
La direction de
CHRC-80 explique que l’animateur «a eu recours à la caricature verbale, un mode
approprié d’intervention en ondes reconnu par la Cour d’appel du Québec»; que
les plaignants ne tiennent pas compte de «l’évident contexte humoristique et
caricatural» des propos de l’animateur; ils citent à l’appui deux extraits où
l’animateur répète que ses propos ne sont pas sérieux.
Les mis-en-cause
concluent «que le tout n’était qu’une blague constituant une caricature
s’ajoutant aux autres utilisées par l’animateur» et que conséquemment «les
caricatures verbales prononcées en ondes par l’animateur étaient justifiées».
Réplique du plaignant
La réplique
porte sur deux aspects de la réponse des mis-en-cause:
– au reproche d’avoir
nui à la circulation les plaignants expliquent les objectifs et les conditions
de l’opération du MTQ; ils soulignent au passage que ni l’animateur, ni le
journaliste n’ont tenté de rejoindre les autorités du Ministère pour des
explications.
– à l’affirmation
que l’animateur a eu recours à la «caricature verbale»,les plaignants tentent
de démontrer que les propos de l’animateur dépassent la «caricature verbale».
Selon eux, il s’agit bel et bien d’injures et d’insultes. Ils estiment que les
interventions étaient très partiales et les informations inexactes et, enfin,
que les qualificatifs utilisés pour désigner les travailleurs du MTQ, tout
comme son invitation à lancer des bouteilles constituent des propos
irresponsables.
Analyse
Après étude des griefs des plaignants, le Conseil de presse en arrive aux conclusions suivantes:
1. en regard des griefs portant sur la liberté rédactionnelle et sur des abus de la fonction d’animateur, M. André Arthur a outrepassé les limites professionnelles et a abusé par conséquent de sa fonction d’animateur;
2. en regard des griefs portant sur la réputation des fonctionnaires et l’incitation à la violence, l’animateur André Arthur a abusé une fois de plus de sa latitude professionnelle en truffant ses commentaires de propos outranciers et haineux à l’endroit des employés du ministère des Transports du Québec et de tous les fonctionnaires. Tout en tentant d’atténuer la responsabilité de ses propos par la formule de la blague et du «pas sérieux», il était conscient qu’il invitait des citoyens à lancer des bouteilles aux employés au travail. Ces propos irresponsables, principalement en regard des griefs d’incitation à la violence, lui valent donc des blâmes sévères de la part du Conseil.
3. en regard des principes d’équité et de rigueur dans le traitement des faits, l’animateur a fait preuve d’un manque flagrant de rigueur en ne présentant pas à l’antenne, ce matin-là, la version des faits du ministère des Transports, bien que M. Arthur ait eu pleinement le droit, estime le Conseil, de porter un jugement critique sur les travaux de comptage de ce ministère.
4. enfin, en ce qui a trait à la responsabilité partagée de l’employeur, le Conseil est d’avis que la station CHRC-80 s’est conjointement rendue coupable des griefs reprochés à l’animateur André Arthur, et qu’elle mérite également d’être blâmée.
Les émissions de type «tribune téléphonique» dans les médias électroniques québécois ne sont pas sans préoccuper le Conseil de presse du Québec, qui a eu à se pencher, au cours des 25 dernières années, sur un grand nombre de plaintes de citoyens et de citoyennes des quatre coins du Québec et à rendre des décisions à leur sujet.
Aussi le Conseil vient-il de créer un groupe de travail spécial, chargé de mener une réflexion de fond sur ce genre d’émissions et d’émettre un avis public sur le phénomène des tribunes téléphoniques au Québec, de manière à mieux garantir au public son droit à une information de qualité. L’avis du Conseil proposera, aux animateurs de tribune téléphonique, l’application de règles d’éthique qui devraient leur permettre de gagner, ou de conserver, le respect de leurs auditoires respectifs.
Analyse de la décision
- C15J Abus de la fonction d’animateur