Plaignant
M. Ahmad Hbouss
(président, Les Breuvages Nora)
Mis en cause
CBFT-TV [SRC,
Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Claude
Saint-Laurent (directeur général des programmes, Société Radio-Canada
[Montréal])
Résumé de la plainte
Le 24 février
1997, Radio-Canada diffuse une émission de la série Enjeux dans laquelle M. Jean
Coutu affirme que les actionnaires des Breuvages Nora sont des étrangers qui se
sont enrichis au détriment des Québécois, en s’accaparant leurs ressources
naturelles. Ces affirmations gratuites portent atteinte à la réputation du
plaignant. Radio-Canada ne répond pas à la demande de rectification du
plaignant.
Faits
M. Ahmad Hbouss,
président du conseil et chef de la direction de Les Breuvages Nora Inc. (Nora),
porte plainte contre la Société Radio-Canada (SRC) au sujet d’une émission
diffusée le 24 février 1997 et intitulée «La ruée vers l’eau».
Lors de cette
émission, M. Jean Coutu, président du conseil et chef de la direction du Groupe
Jean Coutu Inc., aurait tenu des propos mensongers et calomnieux au sujet du
plaignant. M. Hbouss demande que la Société Radio-Canada rectifie les propos de
M. Coutu.
Griefs du plaignant
M. Ahmad Hbouss
estime que M. Jean Coutu a tenu des déclarations qui ont porté atteinte à sa
réputation et à son intégrité. M. Hbouss dirige la société Nora, qui
embouteille et distribue de l’eau de source à partir d’installations et de
sources situées à Mirabel.
Dans le cadre de
l’émission «Enjeux», dont les thèmes abordés étaient «La protection et la
gestion des nappes souterraines» et «L’eau comme instrument de relance
économique», M. Jean Coutu aurait insinué que les actionnaires de Nora étaient
des étrangers, s’étant enrichis au détriment des Québécois, en s’accaparant
leurs ressources naturelles.
Le plaignant
estime que ces propos sont «gratuits, faux et trompeurs» et ont porté atteinte
à sa réputation. Ils n’ont, de plus, pas été vérifiés avant leur diffusion à
l’antenne.
M. Hbouss
rappelle que M. Coutu dirige un groupe qui commercialise une eau de source
concurrente avec la sienne. Il est d’avis que ces affirmations étaient sans lien
avec le sujet de l’émission et uniquement destinées à le discréditer.
Le plaignant a
adressé une mise en demeure à la Société Radio-Canada pour lui demander de
rectifier les propos que M. Coutu a tenus sur les ondes et ce, «conformément à
(ses) obligations». N’ayant reçu aucune réponse, M. Hbouss demande au Conseil
d’agir pour corriger les faits.
Commentaires du mis en cause
En guise de
commentaires, M. Claude Saint-Laurent (directeur général des programmes,
Information Télévision) fait parvenir la réponse qu’il a adressée à M. Hbouss,
suite à la mise en demeure de ce dernier. Après vérification, M. Hbouss fait
savoir au Conseil qu’il a effectivement reçu cette lettre.
M. Saint-Laurent
estime qu’il était d’intérêt public de faire connaître les propos de M. Coutu.
Ceux-ci s’inscrivaient dans un contexte particulier (le Sommet économique
organisé par le gouvernement québécois) et les diffuser permettait d’illustrer
le niveau du débat et la teneur des thèmes abordés. Compte tenu de l’importance
du sujet, M. Saint-Laurent considère qu’il était nécessaire de révéler les
affirmations de M. Coutu, afin de permettre au public de se forger lui-même une
opinion quant à la pertinence de ses propos.
En outre, il ajoute
que, durant le même reportage, la société du plaignant a été évoquée, afin de
donner au public un panorama de la question aussi complet que possible. Le
public a pu ainsi juger lui-même du discours de M. Coutu en le resituant dans
son contexte.
Réplique du plaignant
M. Hbouss tient
à souligner le fait que la Société Radio-Canada ne confirme nullement la
véracité des propos de M. Coutu. Néanmoins, il reproche à la Société
Radio-Canada de ne pas l’avoir informé du contenu du discours de M. Coutu avant
sa diffusion.
M. Hbouss
conteste également le fait que le public ait été suffisamment informé pour se
forger une opinion sur l’attitude de M. Coutu: selon le plaignant, la vérité a
été dissimulée alors que des mensonges étaient communiqués.
La Société
Radio-Canada se devait d’être vigilante et de vérifier la véracité des propos
de M. Coutu avant de les passer à l’antenne.
En conséquence,
M. Hbouss réclame que les faits soient rétablis publiquement.
Analyse
A priori, le Conseil de presse ne saurait ni contester ni ne pas reconnaître la pertinence et l’intérêt du reportage de l’émission «Enjeux» traitant de la dimension économique de l’eau du Québec.
Le Conseil de presse voit dans le reportage incriminé une recherche d’équité et d’équilibre à l’endroit de la compagnie Nora présentée sous un éclairage positif. L’entreprise y est qualifiée de «géant», d’exemple de «succès» et de «réussite». Les commentaires évoquent cette entreprise comme un grand exportateur québécois.
Cependant, après examen des griefs du plaignant et après un visionnement attentif de l’émission «Enjeux», le Conseil considère que le reportage en cause présente néanmoins un accroc à la déontologie journalistique.
Bien que les propos reprochés à M. Jean Coutu et diffusés dans le cadre de l’émission ne duraient que 13 secondes dans un reportage de 36 minutes, et malgré leur intérêt public, ceux-ci n’en constituaient pas moins, une atteinte à la réputation du plaignant.
Le Conseil de presse considère, dans le présent cas, que le télédiffuseur aurait eu intérêt à mieux prendre ses distances avec les propos de M. Coutu; le Conseil déplore à cet égard une absence de mise en perspective.
Cette mise en contexte journalistique insuffisante porte ombrage, de l’avis du Conseil, à l’émission «Enjeux», qui n’en avait pas moins présenté par ailleurs, tout au long de son reportage la compagnie Nora sous un éclairage positif.
Pour tous ces motifs, le Conseil accueille la plainte de M. Ahmad Hbouss.
Analyse de la décision
- C17B Diffamation (citation)
Date de l’appel
4 June 1998
Appelant
M. Claude
Saint-Laurent (directeur général des programmes, Société Radio-Canada
[Montréal])
Décision en appel
Après analyse du
dossier et visionnememt du reportage, les membres de la Commission d’appel
conviennent unanimement d’accueillir l’appel de la directeion de Radio-Canada.
La décision de
la Commission s’appuie sur les considérations suivantes:
1. le reportage
en cause ne comporte aucun accroc à la déontologie professionnelle, de l’avis
des membres de la Commission;
2. les propos
tenus par M. Jean Coutu à l’endroit de la compagnie Nora ne constituent pas en
soi une atteinte à la réputation du plaignant, bien que la Commission considère
qu’il eût été souhaitable de donner à M. Hbouss –ou à l’un de ses associés —
l’occasion de répliquer de façon explicite aux propos de M. Coutu.
Analyse de la décision en appel
- C12C Absence d’une version des faits
- C17B Diffamation (citation)
Griefs pour l’appel
La Société
Radio-Canada interjette appel à la décision du Conseil de presse du Québec.