Plaignant
Le Bloc
québécois
Représentant du plaignant
M. Sylvain Pépin
(avocat, Commission juridique du Bloc québécois)
Mis en cause
RDI [SRC,
Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Claude
Saint-Laurent (directeur général des programmes, Société Radio-Canada
[Montréal])
Résumé de la plainte
RDI ne diffuse
pas un discours de Gilles Duceppe, chef du Bloc Québécois, contrairement aux
engagements pris par son directeur de l’information. Le motif invoqué par RDI
s’avère douteux; le plaignant soupçonne plutôt ce réseau d’avoir cédé aux
pressions politiques.
Faits
La plainte
concerne la non-diffusion, par le Réseau de l’information (RDI), d’un discours
de M. Gilles Duceppe, chef du Bloc Québécois, en dépit des engagements pris par
le directeur de l’information de cette chaîne.
Griefs du plaignant
Lors du
ralliement bloquiste de Jonquière du 19 mai 1997, M. Gilles Duceppe a prononcé
un discours, que RDI s’était engagé à diffuser dans son intégralité,
c’est-à-dire de 20h à 20h30, avec possibilité de prolongation maximum de 10 minutes.
La seule condition posée par la direction de RDI portait sur la durée du
discours de M. Duceppe, qui devait suivre celui du Premier ministre Lucien
Bouchard.
Cependant, à
20h10, RDI interrompait la diffusion, avant même l’arrivée de M. Duceppe, et
ce, sans qu’aucun incident technique ne soit intervenu pour l’expliquer.
RDI a justifié
cette décision en invoquant une erreur d’information, due à des rumeurs non
vérifiées.
Le Bloc
Québécois juge ce motif douteux et peu vraisemblable et s’estime lésé. Le parti
soupçonne RDI d’avoir «cédé aux pressions politiques et (d’avoir fait) fi des
engagements contractés»: la décision de ne pas diffuser le discours de M.
Duceppe semblerait, en effet, délibérée.
Les plaignants
considèrent que l’attitude de RDI constitue un manquement inadmissible aux
règles d’impartialité dont doit se prévaloir un média d’information, en plus de
nuire à l’intégrité de tout le personnel de RDI.
Pour toutes ces
raisons,le Bloc Québécois demande tous les éclaircissements nécessaires sur cet
incident.
Commentaires du mis en cause
M. Claude
Saint-Laurent, directeur général des programmes de Radio-Canada, répond que la
soustraction du discours de M. Duceppe à la programmation n’était pas due à des
considérations politiques mais à des contraintes techniques potentielles. Il
développe en détail sa version des faits.
Selon lui, la
décision d’annuler la diffusion prévue s’appuyait sur des rumeurs prétendues
venir des collaborateurs mêmes de M. Duceppe et selon lesquelles la durée de
son allocution allait largement dépasser le temps imparti par RDI.
Ces ouï-dires se
sont révélés erronés et les personnes censées être à l’origine de ces dires
nient leur intervention.
Compte tenu de
ces informations et du contexte d’une émission en direct, insérée dans la
grille de programmation, les dirigeants de l’information de RDI ont pris la
décision d’annuler la retransmission prévue et de diffuser uniquement
l’intégralité du discours de M. Bouchard, qui précédait celui de M. Duceppe, et
s’achevait à 20h10.
M. Saint-Laurent
affirme que tout ceci s’est effectué en toute bonne foi et en accord avec la
liberté éditoriale, qui donne aux professionnels de l’information «la
possibilité d’un changement éditorial de dernière minute», quels que soient les
engagements contractés.
Néanmoins, M.
Claude Saint-Laurent admet avoir accordé trop d’importance à des informations
qui n’ont pas été contre-vérifiées et qui se sont d’ailleurs révélées
inexactes. Il rejette l’accusation du Bloc Québécois selon laquelle il aurait
cédé à des pressions politiques. Il estime que, ayant diffusé en intégralité le
discours de M. Bouchard à la place de celui de M. Duceppe, RDI a suffisamment
couvert l’événement, en toute impartialité.
Analyse
Après examen approfondi de la plainte et de la réponse du mis-en-cause, le Conseil de presse en arrive à la conclusion qu’aucun blâme ne peut être retenu contre le réseau RDI.
Le Conseil rappelle que l’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice et ne doivent avoir ni pour but ni pour conséquence de priver le public d’une information à laquelle il a droit. Le choix des sujets à traiter et la manière de les traiter relèvent de la liberté rédactionnelle des médias dans le respect des grands principes d’éthique journalistique.
Dans le présent cas, rien n’indique que RDI ait fait preuve de partialité et ait voulu soustraire sciemment à son auditoire une information d’intérêt public, ce qui serait assimilable à de la censure.
De l’avis du Conseil, la direction de RDI n’a fait qu’exercer son jugement rédactionnel quant au choix de l’événement et de l’importance à lui accorder. Il relève de son entière discrétion de modifier sa couverture éditoriale à la dernière minute et ce, en dépit d’engagement pris, si un événement de dernière minute survient ou est susceptible de survenir.
Outre le fait qu’aucun groupe constitué, même un parti politique au pouvoir, ne peut revendiquer un droit d’accès prioritaire aux ondes, il apparaît injustifié d’imputer à RDI d’avoir cédé à de quelconques pressions politiques dans la mesure ou le télédiffuseur a rendu compte de l’essentiel de l’événement, en diffusant le discours de M. Lucien Bouchard, en lieu et place de celui de M. Gilles Duceppe, et en résumant l’essentiel du rassemblement bloquiste de Jonquière dans son édition du soir. Les griefs apparaissent tenir davantage d’un malentendu que d’un parti pris de RDI. Les explications fournies par M. Claude Saint-Laurent sont plausibles et ne semblent aucunement dissimuler quelque velléité de censure.
Sans accorder ici un bénéfice du doute systématique aux organes d’information, il faut pouvoir tenir compte de l’existence de problèmes pratiques qu’un média comme RDI doit affronter dans le cadre d’émissions spéciales, particulièrement celles consacrées à la politique.
Le Conseil constate, dans le présent cas, que la non diffusion du discours de M. Duceppe résulte d’une accumulation d’erreurs dont la conséquence involontaire fut néanmoins de priver le public d’un segment d’émission spéciale prévu à l’horaire.
Le Conseil de presse prend également en compte le fait que M. Claude Saint-Laurent regrette lui aussi une erreur d’appréciation, fondée sur des rumeurs, mais néanmoins faite de bonne foi.
Dans le mesure où RDI a rempli sa mission première, qui est de communiquer au public une information rigoureuse, pluraliste et complète, et où il s’avère impossible d’établir qu’il y ait eu quelque ingérence politique que ce soit, le Conseil ne peut que rejeter la plainte du Bloc Québécois, la jugeant non fondée.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture