Plaignant
M. André
Robidoux (chiropraticien)
Représentant du plaignant
M. Guy Pépin
(avocat)
Mis en cause
CBFT-TV [SRC,
Montréal] et Mme Nancy Desjardins (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Claude
Saint-Laurent (directeur général des programmes, CBFT-TV [SRC, Montréal]) et M.
Jean-Paul Dubreuil (rédacteur en chef, La Facture, CBFT-TV [SRC, Montréal])
Résumé de la plainte
La journaliste
Nancy Desjardins de Radio-Canada utilise la menace et le chantage pour faire
une entrevue avec le plaignant, dans le but d’obtenir des informations sur une
patiente dont le cas est soumis à l’Ordre des chiropraticiens du Québec. La
journaliste tient des propos diffamatoires à l’endroit du plaignant lors de
l’émission La Facture du 20 mai 1997.
Faits
M. André
Robidoux porte plainte contre Mme Nancy Desjardins, en raison de l’attitude
antiprofessionnelle et agressive de cette dernière.
Celle-ci aurait,
en effet, usé de menace et de chantage pour obtenir une entrevue avec le plaignant,
dans le but évident de le piéger et de procéder à un «règlement de comptes».
De plus, Mme
Desjardins aurait tenu des propos diffamatoires à l’encontre du plaignant lors
de l’émission La Facture, diffusée par Radio-Canada le 20 mai 1997, et se serait
livrée à un procès par les médias.
Griefs du plaignant
M. André
Robidoux estime que Mme Desjardins a totalement manqué de professionnalisme à
son égard.
Sous prétexte de
réaliser un entretien sur l’opportunité de la chiropratique dans le traitement
de l’ostéoporose, la journaliste aurait surtout cherché à avoir plus
d’informations sur le cas précis d’une patiente du plaignant, qu’elle avait
préalablement interviewée. Sur les conseils de son avocat, Me Pépin, M.
Robidoux a refusé l’entrevue au motif que l’affaire en question était pendante
devant un comité d’arbitrage de l’Ordre des chiropraticiens du Québec.
Mme Desjardins
aurait alors manifesté sa contrariété en insinuant que le silence de M.
Robidoux pourrait lui être plus nuisible que d’accorder l’entrevue. Face à la
réaction outragée de Me Pépin, la journaliste aurait ensuite nuancé ses propos
en affirmant que certains sujets incomplets risquaient d’être mal compris, ce
en quoi elle était impuissante.
Devant
l’insistance de la journaliste, Me Pépin aurait finalement consenti à laisser
son client lui accorder une entrevue à la condition que celle-ci ne porte pas
sur le cas en instance devant le comité d’arbitrage.
Ayant été
informé que Mme Desjardins n’avait pas respecté ces mêmes engagements lors de
son entrevue avec M. Normand Danis, président de l’Ordre des chiropraticiens du
Québec, Me Pépin décidait de revenir sur son accord conformément à ce qui avait
été conclu avec Mme Desjardins.
Me Pépin estime
que le comportement de la journaliste révèle moins sa volonté d’informer que
son désir de «mettre en boîte quiconque ne lui donne pas les réponses qu’elle
cherche» au sujet de la patiente qui l’intéresse.
Face au refus
définitif de M. Robidoux de lui accorder une entrevue, Mme Desjardins aurait
alors exprimé son regret de ne pas être arrivée dans le cabinet du plaignant
par surprise, avec les caméras, pour le contraindre à répondre à ses questions.
Un tel comportement aurait constitué une violation de domicile, en plus de
marquer un mépris total pour la vie privée des patients.
Enfin, M.
Robidoux estime avoir été victime de diffamation de la part de la journaliste
et objet d’un procès en «place publique» lors de l’émission La Facture du 20
mai 1997. Il a d’ailleurs adressé ses plaintes à l’Ombudsman de Radio-Canada.
Commentaires du mis en cause
M. Claude
Saint-Laurent, directeur général des programmes à Radio-Canada, estime la
plainte non fondée.
En premier lieu,
il considère comme normal que Mme Desjardins ait insisté pour obtenir une
entrevue. Il est très compréhensible qu’elle ait souligné le fait que, refuser
d’exprimer son point de vue, pouvait s’avérer préjudiciable pour M. Robidoux.
Selon M. Saint-Laurent, cette mise en garde ne peut s’apparenter à des menaces.
Rien d’ailleurs ne laisse supposer cela si on se fie aux propos tenus par Mme
Desjardins, tels que rapportés par Me Pépin.
De plus, Mme
Desjardins dit ne pas se souvenir avoir affirmé qu’elle regrettait de ne pas
s’être présentée par surprise au cabinet du docteur Robidoux. M. Saint-Laurent
trouve regrettable que le plaignant leur fasse ainsi un procès d’intention à
propos d’actes qui n’ont pas eu lieu.
Dans sa réponse
à la lettre que le plaignant avait adressé à l’Ombudsman de Radio-Canada, M.
Jean-Paul Dubreuil, rédacteur en chef, précise, en outre, que M. Danis n’a eu
aucun motif de plainte à l’encontre de Mme Desjardins. Celle-ci a agi avec un
«souci manifeste d’équité et d’équilibre» sans chantage, menace ni insistance.
M. Dubreuil ajoute enfin que la collaboration de M. Robidoux au reportage aurait
servi l’intérêt du public.
Réplique du plaignant
M. Robidoux
maintient sa plainte dans son intégralité. Me Pépin considère qu’il n’y a pas
de nuance à établir dans les «insinuations déplacées» de Mme Desjardins. Contrairement
à M. Saint-Laurent, il estime que l’insistance de la journaliste à obtenir une
entrevue était malvenue et que cette attitude est inadmissible de la part d’une
journaliste professionnelle.
Me Pépin soutient
enfin que Mme Desjardins a bel et bien affirmé qu’elle regrettait de ne pas
être intervenue par surprise dans le cabinet de M. Robidoux.
Dans sa réponse
à M. Dubreuil, Me Pépin maintient ses déclarations au sujet de l’attitude de
Mme Desjardins: M. Dubreuil étant absent au moment des faits et ne connaissant
que la version de sa journaliste, il ne peut rien affirmer quant au
comportement de cette dernière.
Me Pépin termine
en soulignant que, affirmer que le sujet débattu lors de l’émission était l’ostéoporose,
témoigne d’un mépris du public et des intervenants.
Analyse
Le Conseil de presse a tout d’abord porté une attention particulière, dans son analyse, au traitement journalistique du reportage de l’émission La Facture.
Le Conseil tient à rappeler, en premier lieu, que les médias d’information ont non seulement le droit, mais aussi le devoir d’interpeller un spécialiste de la santé quand sa pratique est remise en question par une ex-patiente, comme c’est le cas de Mme Micheline Gravel. Il en va du droit du public à l’information.
Le reportage de La Facture a effectué un tour suffisamment complet de la question, faisant état des griefs de Mme Gravel à l’encontre des traitements chiropratiques reçus du Dr André Robidoux. De plus, outre les propos de Mme Gravel, le reportage comprenait une entrevue avec le président de l’Ordre des chiropraticiens, M. Normand Danis, de même qu’une entrevue avec une spécialiste de l’ostéoporose, la Dr Michèle Moreau. Il ne manquait au complément du reportage que la version du Dr Robidoux, lequel avait refusé d’accorder toute entrevue. Le Conseil de presse voit dans ce traitement un souci d’équité et d’équilibre, en dépit de l’absence d’éclairage supérieur qu’auraient certes amené, pour le public, la participation et les commentaires du Dr Robidoux. Le Conseil n’a rien vu de répréhensible au plan de l’éthique, ni de diffamatoire dans ce reportage de Radio-Canada.
Le Conseil s’est également penché sur les griefs concernant l’attitude et le comportement de la journaliste Nancy Desjardins à l’égard des plaignants, M. Robidoux et son procureur, Me Pépin. A la lecture du fil des événements de ce qui semble être à tout le moins une mésentente, il apparaît évident que nous sommes en face de versions contradictoires de gestes, d’intentions, d’interprétations et de présumés oublis qu’il devient difficile au Conseil de départager avec justesse.
Malgré cette mésentente entre les parties, on ne peut observer dans le reportage, ni par le ton, ni par le vocabulaire de la journaliste une intention malveillante à l’égard du plaignant. Le Conseil ne peut pas non plus relever dans le reportage de La Facture d’éléments qui ne reposent pas sur des faits d’intérêt public.
Si la pratique du métier de journaliste exige de la rigueur, elle exige également une fermeté de la part de ses professionnels dans la quête d’exactitude des faits. Le Conseil reconnaît par ailleurs qu’il n’est pas toujours intéressant pour les personnes interrogées par la presse de répondre sur la place publique et il s’ensuit des tensions fort compréhensibles. De là surviennent des mésententes.
Quant au fond du reportage incriminé, le Conseil de presse rejette la plainte, jugée non fondée.
Analyse de la décision
- C23L Altercation/manque de courtoisie