Plaignant
La Chambre de
commerce Les Escoumins
Représentant du plaignant
M. André Pelchat
(président, Chambre de commerce Les Escoumins)
Mis en cause
La Télévision
régionale de la Haute Côte-Nord [Les Escoumins] et M. Stéphane Létourneau
(journaliste)
Résumé de la plainte
Le journaliste
Stéphane Létourneau rapporte une assemblée publique tenue par le plaignant de
manière partiale et mensongère, dans le cadre d’un bulletin de nouvelles
diffusé sur les ondes de la Télévision régionale de la Haute Côte-Nord les 16
et 17 mai 1997. Le journaliste utilise cette tribune pour servir ses intérêts
et exprimer ses rancoeurs personnelles, au détriment de la réputation des
personnes concernées. La station de télévision refuse de transmettre une copie
du bulletin de nouvelles incriminé au plaignant.
Faits
La plainte
concerne la diffusion d’un bulletin de nouvelles, les 16 et 17 mai 1997, à la
Télévision régionale de la Haute Côte-Nord.
Lors de cette
émission, le journaliste Stéphane Létourneau aurait réalisé un compte rendu
partial et trompeur de l’assemblée régulière publique du conseil
d’administration de la Chambre de commerce Les Escoumins dont il est, par
ailleurs, membre.
Griefs du plaignant
M. André Pelchat,
président de la Chambre de commerce Les Escoumins, estime que M. Létourneau a
rapporté les faits de manière inexacte, mensongère et hors contexte. M. Pelchat
affirme être convaincu que M. Létourneau a utilisé sa tribune pour servir ses
propres intérêts et exprimer ses rancoeurs personnelles: les propos du
journaliste auraient d’ailleurs porté atteinte à l’intégrité et à la réputation
des membres du conseil d’administration de la Chambre de commerce Les
Escoumins.
M. Pelchat
considère que ce traitement partial et détourné de l’actualité est inadmissible
dans le cadre d’un bulletin de nouvelles. De plus, l’émission en question a été
diffusée deux fois, la deuxième version étant légèrement modifiée, ce qui
indique un aspect prémédité et, donc, aggravant.
Le conseil
d’administration a demandé à la Télévision régionale de la Haute Côte-Nord une
copie du bulletin de nouvelles incriminé, ce qui a été refusé.
En conséquence,
M. Pelchat demande au Conseil d’agir pour inciter M. Létourneau à plus de
retenue dans ses propos.
Commentaires du mis en cause
M. Stéphane
Létourneau donne une version des faits différente. Il affirme que, en tant que
membre directeur aux communications à la Chambre de commerce Les Escoumins et
journaliste, il a pu constater de nombreux vices de procédure dans le
déroulement des assemblées, ainsi que l’ignorance de plusieurs membres
directeurs en matière de règlement. Ces mêmes personnes seraient d’ailleurs en
position de conflit d’intérêts.
M. Létourneau
estime également qu’il a souvent empêché cet état de fait de s’aggraver. Il
considère donc cette plainte comme une «frustration devenue vengeance
personnelle».
Quant aux
prétendus propos insultants qu’il aurait tenus à l’antenne, M. Létourneau
explique qu’il s’agit d’une erreur de montage. Cet enregistrement ne concernait
nullement la Chambre de commerce Les Escoumins et ne faisait pas partie du
bulletin de nouvelles. Ce message était destiné à faire taire les rumeurs qui
circulaient à son sujet à la suite de son départ de la direction de la radio
amérindienne Essipit; l’erreur serait due à la précipitation. Cette mise au
point n’a d’ailleurs été diffusée que le 16 mai.
En tant que
journaliste, M. Létourneau estime avoir traité la nouvelle de manière
impartiale et professionnelle. Il considère, en revanche, que la plainte de la
Chambre de commerce Les Escoumins est basée sur des ouï-dire non-fondés.
Réplique du plaignant
M. Pelchat
précise que M. Létourneau assistait au conseil d’administration en tant que
membre dirigeant et non comme journaliste: il aurait donc dû se comporter comme
tel.
Le plaignant
indique également qu’il ne voit pas dans quelle mesure les membres du conseil
d’administration seraient en conflit d’intérêts. Il considère que les
allégations de M. Létourneau concernant les règlements, les vices de procédure
et les prétendues interventions du journaliste sont injustifiées voire
erronées.
M. Pelchat
ajoute que M. Létourneau a utilisé son média pour régler ses conflits
personnels, exprimer son désaccord avec le conseil d’administration et a tenu
des propos agressifs. Bien que conscients qu’il y ait eu une erreur de montage,
ces derniers estiment néanmoins que la mise au point du journaliste a nui à
leur intégrité et à leur réputation.
Les plaignants
déplorent enfin «l’acharnement» de M. Létourneau à leur égard.
Analyse
La crédibilité de l’information repose sur l’indépendance des professionnels de l’information. Ces derniers doivent éviter de se placer dans une situation de conflit d’intérêts ou encore d’apparence de conflit d’intérêts.
Or, l’examen du présent cas révèle que le journaliste Stéphane Létourneau s’est placé en situation de conflit d’intérêts en cumulant des fonctions incompatibles, soit celle d’administrateur et responsable des communications d’une chambre de commerce et, simultanément, journaliste de la Télévision régionale de la Haute Côte-Nord appelé à couvrir les activités de ce même organisme.
Pareille incompatibilité de fonctions entachera inévitablement, et la neutralité, et l’indépendance du journaliste en cause.
Le Conseil de presse constate au surplus, après visionnement du matériel télévisuel, un problème de confusion des genres dans le traitement journalistique auquel s’est livré M. Létourneau. Ainsi, dans un même bulletin d’information télévisé, passons-nous sans avertissement de la nouvelle au commentaire et du commentaire à l’éditorial.
Un même et unique présentateur de nouvelles peut-il mettre autant de chapeaux différents sans porter ombrage à sa crédibilité professionnelle? La réponse est non, surtout quand celui-ci se sert de sa tribune publique pour régler un différend avec son ex-employeur, la radio amérindienne Essipit, en s’opposant à l’antenne à l’admission de membres amérindiens au sein de la Chambre de commerce.
Le Conseil considère que le journaliste s’est non seulement placé en situation de conflit d’intérêts mais a fait preuve de partialité en agissant à la fois comme juge et partie. Ce sont là de sérieuses entorses à l’éthique de la profession.
Par ailleurs, en ce qui a trait au refus de transmettre à la plaignante une copie de l’enregistrement de l’émission en cause, le Conseil estime que les principes d’accessibilité de l’information auraient dû inciter la direction de la Télévision régionale Haute Côte-Nord à manifester une collaboration de bon aloi à cet égard.
En conclusion, après avoir pris en considération les motifs évoqués ci dessus et avoir tenu également compte des ressources réduites qui sont souvent le lot des petits médias régionaux, le Conseil de presse du Québec ne peut néammoins que retenir un blâme sévère à l’endroit de la Télévision régionale Haute Côte-Nord et de son journaliste Stéphane Létourneau.
Analyse de la décision
- C22E Travail extérieur incompatible