Plaignant
M. Louis Savoie
Mis en cause
La Tribune [Sherbrooke]
Représentant du mis en cause
M.
Jacques
Résumé de la plainte
Le 13 mai 1997, La
Tribune publie en première page les grandes lignes d’un entretien sans grande
importance avec des libéraux, reportant à la page D-1 le récit du débat
télévisé dans lequel le chef conservateur, Jean Charrest,
s’était illustré la veille. La Tribune favorise ainsi le candidat libéral dans
le comté de Sherbrooke, au détriment du chef conservateur.
Faits
La plainte
concerne un texte publié en première page de l’édition du 13 mai de La Tribune.
Cet article, intitulé «Charest: c’est une illusion»,
retrace les grandes lignes de l’entretien accordé au quotidien par le candidat
libéral du comté de Sherbrooke et par le ministre des Finances, lors des
dernières élections fédérales. Au cours de cette entrevue, les deux hommes
politiques affirmaient que les sondages favorables à M. Jean
Charest, candidat conservateur dans la même
circonscription, n’avaient rien de décisif.
Griefs du plaignant
M. Louis Savoie
estime que le choix de La Tribune d’accorder sa première page au compte rendu
de cet entretien constitue un manque d’objectivité et de rigueur intellectuelle
flagrant.
Le plaignant
considère en effet que le quotidien aurait dû accorder sa première page au
débat télévisé des chefs politiques en anglais qui avait eu lieu la veille, au
cours duquel M. Charest avait été particulièrement
remarqué, et qui constituait la nouvelle importante du jour. Or, le récit de
cet événement figurait seulement en page D-1 du journal, coiffé d’un titre
insipide et discret.
Aux yeux de M.
Savoie, La Tribune a non seulement commis «une erreur importante de jugement»,
mais a également tenté de détourner l’attention de ses lecteurs, en favorisant
le candidat libéral en difficulté face à M. Charest
et en passant sous silence le coup d’éclat de ce dernier.
Selon le
plaignant, une telle attitude constitue une entreprise de propagande pour le
Parti Libéral.
M. Savoie
demande donc que La Tribune publie une mise au point en faveur de M.
Charest.
Commentaires du mis en cause
M.
Jacques
Pronovost, rédacteur en chef de La Tribune, estime que son
journal s’est comporté de manière honnête, équilibrée et impartiale dans cette
édition, ainsi que tout au long de la campagne électorale.
M.
Pronovost reconnaît que le débat des chefs en anglais était
un événement important. A ce titre, il a été largement couvert par La Tribune.
De plus, le quotidien avait l’intention d’accorder une plus grande importance
au débat en français du lendemain, plus accessible à son lectorat.
M.
Pronovost justifie le choix de sa première page par le
contexte politique du moment: le vice-premier ministre et président du Conseil
du Trésor libéral était en visite dans la région; La Tribune avait publié un
sondage très favorable au candidat conservateur quelques jours plus tôt. Il était
donc normal d’accorder un droit de réplique au Parti Libéral.
M.
Pronovost rejette l’accusation de M. Savoie selon laquelle
La Tribune aurait tenté d’influencer ses lecteurs: le choix de donner la
priorité à telle ou telle information relève de la discrétion éditoriale de
l’entreprise et des aléas de l’actualité. Le rédacteur en chef de La Tribune
estime que la plainte de M. Savoie exprime davantage de la partisannerie
qu’une réelle objectivité.
Afin de
démontrer le souci d’équité de son journal, il joint à ses commentaires une
analyse comparative de la couverture accordée par La Tribune à chaque candidat,
dans le comté de Sherbrooke et à chaque parti politique, à l’échelle nationale.
Réplique du plaignant
A cela, M.
Savoie réplique que l’équité ne signifie pas permettre que l’on dise n’importe
quoi, n’importe quand, sans tenir compte des priorités de l’actualité.
Il ajoute que, à
ses yeux, la première page est d’une importance capitale: elle est censée refléter
LA nouvelle du jour, celle dont on doit se souvenir. Il considère que, le 13
mai, l’information à retenir était la performance du candidat conservateur lors
du débat des chefs.
Bien que le
plaignant comprenne que La Tribune ait accordé un droit de réplique au Parti
Libéral suite à la publication d’un sondage en sa défaveur, il déplore que
cette nouvelle ait fait la première page, au détriment d’une nouvelle
«objectivement plus importante.» Il considère donc que La Tribune a accordé
trop d’importance à une information qui ne le méritait pas, afin d’aider le
Parti Libéral en difficulté, ce qui est un acte de propagande.
Analyse
L’attention que décide de porter un média à un sujet particulier relève de son jugement rédactionnel. Le choix du sujet de même que la façon de le traiter lui appartiennent en propre; et ni le Conseil ni personne ne saurait intervenir dans de telles décisions sans risquer de diriger ou d’orienter l’information.
Dans l’exercice de leurs responsabilités rédactionnelles, les médias et les journalistes doivent évidemment se conformer à leur obligation de livrer une information équilibrée, conforme aux faits et aux événements.
Le Conseil a examiné les circonstances exposées par plaignant et mis-en-cause en regard de la latitude reconnue aux éditeurs.
Le Conseil ne retient pas la prétention du plaignant à l’effet que le quotidien, par intention politique, par volonté délibérée ou par manque de jugement, ait tenté de détourner l’attention de ses lecteurs ou se soit adonné à une entreprise de propagande pour le Parti Libéral.
Le relevé de la couverture électorale de La Tribune a démontré une préoccupation d’équité et d’équilibre dans la couverture de la campagne électorale et les raisons invoquées par le mis-en-cause sont aussi vraisemblables que légitimes. Par conséquent, le Conseil ne saurait, autrement que par voie de procès d’intention, accuser le journal La Tribune de parti pris comme l’invoque le plaignant.
Le Conseil de presse rejette donc la plainte de parti pris contre le journal La Tribune de Sherbrooke.
Analyse de la décision
- C13A Partialité