Plaignant
Les Amis de
Charles De Gaulle à Montréal et la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal [Section
Chevalier-De-Lorimier]; M. Gilles Rhéaume; Mme Marie Marra
Représentant du plaignant
M. Charles
Durand (représentant, Les Amis de Charles De Gaulle à Montréal et la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal [Section Chevalier-De-Lorimier])
Mis en cause
CHRC-AM
[NTR/Télémédia, Québec] et CKVL-AM [NTR, Verdun] et M. André Arthur (animateur)
Représentant du mis en cause
M. Richard
Forand (directeur général, CHRC-AM [NTR/Télémédia, Québec])
Résumé de la plainte
Les 17 et 18
juillet 1997, sur les ondes des stations CHRC et CKVL, l’animateur André Arthur
commente l’inauguration de la statut du Général de Gaulle à Québec de manière
vulgaire, raciste et injurieuse. L’animateur invite ses auditeurs à huer les
personnalités chargées d’inaugurer la statue et à y déposer des détritus. Il
traite le plaignant Gilles Rhéaume de raciste et la plaignante Marie Marra de
«maudite folle».
Faits
Les plaintes
concernent des émissions qui ont été diffusées les 17 et 18 juillet 1997, dans
le même contexte et sur les ondes des mêmes radiodiffuseurs, à l’occasion de
l’inauguration du monument représentant le Général De Gaulle, à Québec.
Les plaignants
déposent chacun une plainte contre les mis-en-cause: ils considèrent que le
traitement, accordé par M. Arthur et ces médias à cet événement, a manqué à
l’éthique journalistique.
Griefs du plaignant
1. Plainte de M.
Charles Durand:
M. Durand, au
nom des Amis de Charles De Gaulle à Montréal et de la section
Chevalier-De-Lorimier de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM),
dénonce les propos «haineux» que M. André Arthur a tenus en ondes.
Selon M. Durand,
l’animateur aurait injurié le Général De Gaulle et les Français: il estime que
de telles paroles sont «vulgaires», «discriminatoires» et «racistes».
De plus, M.
Arthur aurait incité ses auditeurs à troubler l’ordre public, en les invitant à
huer les personnalités chargées d’inaugurer la statue et à y déposer des
détritus.
2. Plainte de M.
Gilles Rhéaume:
La plainte de M.
Rhéaume concerne les propos de M. André Arthur, qui aurait clairement exprimé
sa désapprobation face à cet événements.
Suite à la
conversation téléphonique qu’ils ont eue, M. Arthur a traité en ondes M. Gilles
Rhéaume de raciste.
L’animateur a
également tenu des propos injurieux à l’égard du Général De Gaulle.
M. Rhéaume estime
ces propos «diffamants, vulgaires, grossiers et orduriers».
3. Plainte de
Mme Marie Marra:
Dans le cas de
Mme Marra, la plainte concerne les propos de M. Arthur, diffusés le 18 juillet
1997. Lors de son émission, l’animateur aurait insulté la plaignante en la
traitant de «maudite folle».
Mme Marie Marra
porte plainte contre André Arthur et demande au Conseil d’agir pour faire
cesser cette «vulgarité».
Commentaires du mis en cause
En guise de
commentaires, M. Richard Forand, directeur général de CHRC, envoie la réponse
que les avocats de Radiomédia Inc. ont fait parvenir au Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) au sujet des mêmes
plaintes.
Il en ressort
que, selon les mis-en-cause, les propos tenus par André Arthur s’inscrivent
dans le cadre de «la liberté de la presse, de la liberté d’expression et de la
liberté d’opinion.»
De plus, les
propos de l’animateur seraient en conformité avec plusieurs articles de la loi sur
la radiodiffusion, selon lesquels le système canadien de radiodiffusion devrait
servir à promouvoir «[…] le maintien et la valorisation de l’identité
nationale […]» et à «[…] sauvegarder, enrichir et renforcer la structure
culturelle, politique, sociale […] du Canada.»
Dans cette
optique, les mis-en-cause développent une argumentation selon laquelle
commémorer les propos tenus par le Général De Gaulle en 1967, par
l’inauguration du monument controversé, nuit à ces valeurs. Tel était le point
de vue de M. Arthur: il a tenté de sensibiliser ses auditeurs à son opinion,
comme il en avait le droit.
Par ailleurs,
les mis-en-cause font remarquer que l’animateur a, plusieurs fois, découragé
ses auditeurs de commettre des actes de vandalisme: il leur a simplement
proposé d’exprimer leur désaccord en «déposant un sac propre contenant le
« message ».»
Les mis-en-cause
soulignent que tous les plaignants ont eu accès aux ondes, en dépit des
tentatives d’intimidation que M. Arthur subissait à ce moment-là. Les
plaignants se sont donc délibérément engagés dans la polémique.
Les mis-en-cause
recensent également les différentes expressions employées par M. André Arthur
pour qualifier le Général De Gaulle lors de l’émission incriminée, et en
donnent les définitions.
Dans le présent
contexte, le choix de ce vocabulaire correspondrait à l’émission d’une opinion,
que chacun est libre de partager ou non, et à l’emploi de la caricature
verbale, ce qui est admis par les tribunaux.
Enfin, les
mis-en-cause font remarquer que les propos que les plaignants reprochent à M.
Arthur sont bien moins choquants que ceux tenus par la SSJBM en 1981, société
avec laquelle Mme Marra et M. Rhéaume agissent de manière concertée dans la
présente plainte.
Analyse
Au départ, le Conseil tient à signaler que l’étude des présentes plaintes a été suspendue pendant quelques mois pour permettre à l’un de ses comités ad hoc de se pencher sur le phénomène des tribunes téléphoniques dans les médias.
Après étude des trois plaintes soumises à son attention, le Conseil de presse en arrive aux conclusions suivantes:
1. En regard des griefs portant sur la réputation des plaignants, l’animateur André Arthur a abusé de sa latitude professionnelle en utilisant un vocabulaire comportant des insultes et des propos outranciers et haineux.
Les mis-en-cause invoquaient notamment que les trois plaignants avaient eu accès aux ondes, en dépit des tentatives d’intimidation que M. Arthur subissait à ce moment-là. Et que les plaignants s’étaient donc délibérément engagés dans la polémique.
Le Conseil tient à souligner que ce n’est pas parce qu’une personne accepte de participer activement à une discussion que son interlocuteur est autorisé à proférer à son endroit des propos insultants. Les termes utilisés contre deux des plaignants sont des insultes et ne se justifient pas dans ce débat.
Les plaignants déploraient que l’animateur ait également tenu des propos injurieux à l’égard du Général De Gaulle, des propos «vulgaires, grossiers et orduriers».
Dans leurs commentaires, les mis-en-cause reconnaissent que les expressions dénoncées furent utilisées.
Après examen et prenant en considération le contexte dans lequel elles ont été exprimées, le Conseil est d’avis que ces propos sont outranciers, et font montre d’irrespect et de mépris. Le Conseil considère qu’il s’agit d’un niveau de langage bien en deçà de ce qui est acceptable sur les ondes d’un radiodiffuseur.
En défense les mis-en-cause invoquent la liberté d’opinion et le droit de faire appel à la caricature verbale, reconnus par les tribunaux.
Comme dans toutes les décisions où il est appelé à trancher, le Conseil de presse considère à la fois les libertés reconnues aux médias, mais également les devoirs qui y sont attachés. Dans le présent cas, tout en reconnaissant, à l’instar des tribunaux, que peuvent exister l’humour et la caricature verbale, le Conseil de presse rappelle que ces libertés ne sont pas absolues et qu’une insulte n’est pas une caricature verbale.
2. En regard des griefs relatifs au traitement de l’information, (manque d’équilibre, propos irresponsables) le Conseil constate ici également certains manquements aux règles déontologiques.
M. Durand indique dans sa plainte que l’animateur aurait incité ses auditeurs à troubler l’ordre public, en les invitant à déposer des détritus au pied de la statue du Général.
Les mis-en-cause ont répondu que l’animateur a plusieurs fois découragé ses auditeurs de commettre des actes de vandalisme.
Après examen, le Conseil est d’avis que le message de l’animateur était équivoque: il disait à la fois de ne pas commettre d’actes de vandalisme… mais de déposer des détritus et des excréments de chien au pied de la statue. Même s’il disait de le faire dans des sacs propres… ses propos incitaient à commettre des actes répréhensibles. Le Conseil ne peut que condamner ces propos irresponsables.
Aussi le Conseil de presse formule-t-il un blâme sévère à l’endroit de l’animateur André Arthur et des stations CHRC (Québec) et CKVL (Verdun).
Analyse de la décision
- C17C Injure