Plaignant
M. Clément Roy
Mis en cause
La Tribune [Sherbrooke]
et M. Mario Goupil (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Stéphane
Lavallée (directeur de l’information, La Tribune [Sherbrooke])
Résumé de la plainte
La Tribune de
Sherbrooke accorde une trop grande visibilité à l’ex-maire d’Asbestos, devenu
député conservateur à Ottawa, ce qui nuit au déroulement des élections
municipales dans cette ville. Plus généralement, La Tribune affiche des
préoccupations incongrues et mène une propagande en faveur des positions
conservatrices.
Faits
La plainte
portée par M. Clément Roy, est dirigée contre «l’ensemble de la direction
rédactionnelle» du journal La Tribune. Cependant, trois des quatre articles
envoyés par le plaignant pour illustrer ses griefs ont été rédigés par M. Mario
Goupil.
Deux de ces
articles, parus le 14 octobre 1997, sont des reportages sur l’ex-maire
d’Asbestos, M. André Bachand, devenu député fédéral conservateur. Le premier
reportage a pour titre «Le jeune député porté aux nues sitôt débarqué à
Ottawa»; le second, «En politique par choix et par passion».
Lors de la
publication de ces textes, la campagne électorale municipale pour la succession
de M. Bachand à la mairie d’Asbestos avait justement cours. Le plaignant était
un des cinq candidats en lice.
Un troisième
article, signé par M. François Gougeon et publié le 24 octobre 1997, soit deux
jours avant le scrutin à Asbestos, sous le titre «Bachand espère que Bélisle ne
lui succédera pas», présente le compte-rendu d’un entretien avec l’ex-maire
d’Asbestos. Ce dernier y donne son opinion sur les candidats en lice.
Enfin, le 12
novembre 1997, deux semaines après les résultats de l’élection municipale
d’Asbestos, M. Mario Goupil évoque la présente plainte de manière ironique,
dans une chronique intitulée «Mon point en commun avec André Arthur et Gilles
Proulx».
Griefs du plaignant
M. Clément Roy
estime que La Tribune accorde trop d’importance et de visibilité à l’ex-maire
d’Asbestos, M. André Bachand, compte tenu de l’intérêt minime de ses propos.
Il souligne que
cette attitude nuit délibérément au bon déroulement des élections municipales à
Asbestos, voire tente de les «ridiculiser».
Il ajoute qu’un
tel comportement est récurrent chez La Tribune: le quotidien ne chercherait
même plus à se donner une apparence d’impartialité et se serait transformé en
«groupe de pression à tendance économique», possédant ses «chouchous
privilégiés».
Le plaignant
accuse La Tribune d’afficher des préoccupations incongrues et de mener une
propagande éhontée en faveur des idées et des candidats conservateurs.
M. Roy déplore
donc «la complaisance excessive affichée par La Tribune à l’égard de ses
« favoris »».
M. Clément Roy
fait également parvenir au Conseil copie de la lettre qu’il a envoyée à M.
Mario Goupil suite à sa chronique du 12 novembre qu’il qualifie d’«insultante».
Commentaires du mis en cause
M. Stéphane
Lavallée, directeur de l’information, estime que la plainte de M. Roy est non
fondée: dans aucun des textes incriminés, il n’y a eu ingérence, favoritisme ou
discréditation de la fonction de maire d’Asbestos de la part de M. André
Bachand.
M. Lavallée
souligne également «la pertinence, en regard des événements d’actualité», des
deux reportages sur l’ancien maire d’Asbestos.
Réplique du plaignant
M. Clément Roy
maintient ses griefs.
Si M. Bachand
n’a, effectivement, jamais évoqué la campagne électorale en cours dans La
Tribune, ses propos n’en restent pas moins très révélateurs pour «le lecteur du
coin».
Le plaignant
souligne à nouveau la complaisance affichée par La Tribune à l’égard de
l’ex-maire d’Asbestos.
Analyse
L’attention que les médias décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix du sujet, sa pertinence et la façon de le traiter leur appartiennent en propre.
Ces décisions doivent cependant être prises en fonction du degré d’intérêt public d’une nouvelle. Ce faisant, les professionnels de l’information doivent livrer une information équilibrée, conforme aux faits et à la réalité, et ne pas être motivés par un parti pris à l’égard de personnes, de groupes ou de mouvements.
Dans le cas présent, le Conseil de presse ne considère pas que ces principes ont été enfreints ou que La Tribune a manqué à ses responsabilités en tant qu’organe d’information.
Les décisions prises par La Tribune, quant aux choix du contenu de ses articles et reportages, sont la prérogative de l’éditeur et une manifestation normale de l’exercice de la liberté de la presse.
Le Conseil ne saurait donc intervenir dans de telles décisions sans risquer de devenir un organisme de direction et d’orientation de l’information.
Après examen, le Conseil ne retient donc pas la prétention du plaignant selon laquelle La Tribune aurait fait oeuvre de complaisance, de favoritisme et de propagande pour les idées et les candidats conservateurs.
Le Conseil a également rejeté le grief concernant la visibilité trop grande accordée aux propos de l’ex-maire d’Asbestos durant la campagne électorale.
Le Conseil rappelle qu’un lecteur a le droit de désapprouver les décisions éditoriales d’un journal dans la sélection de ses sujets ou dans son traitement de l’information. Mais une divergence d’opinion ne peut être interprétée automatiquement comme une tentative délibérée de ce média de manipuler ou de déformer l’information.
Enfin, le Conseil considère qu’en vertu de la latitude reconnue par la déontologie au genre journalistique de la chronique, M. Mario Goupil avait le droit de donner son opinion sur la présente plainte, de tenir des propos critiques envers le plaignant et même d’utiliser la satire à son encontre.
Donc, après avoir pris en considération tous les éléments soumis à son attention, le Conseil de Presse rejette la plainte contre le quotidien La Tribune.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture