Plaignant
Le Journal de la
Rivière du Nord [Prévost]
Représentant du plaignant
M. Stéphane
Desjardins (rédacteur en chef, Le Journal de la Rivière du Nord [Prévost])
Mis en cause
Le Cléon
[Prévost] et M. Denys Duchesne (rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
Le rédacteur en
chef du Cléon, M. Denys Duchesne, multiplie les attaques mensongères contre La
Rivière du Nord dans des éditoriaux parus les 29 août et 26 septembre 1997, en
accusant ce journal d’être l’organe officieux de l’administration municipale de
Prévost. M. Duchesne invite au boycottage de son concurrent et réclame la
fondation d’un bulletin d’informations municipales, ce qui contrevient à
l’éthique journalistique, à la liberté de la presse et au droit du public à
l’information.
Faits
La présente
plainte fait suite à deux éditoriaux publiés dans le journal Le Cléon les 29
août et 26 septembre 1997. Ces éditoriaux se voulaient un plaidoyer en faveur
d’un bulletin d’informations municipales, dûment identifié comme tel, dans la
ville de Prévost.
L’auteur de ces
textes, M. Denys Duchesne, y dénonçait «une situation gênante»: la municipalité
utilisait des fonds publics pour subventionner un journal qui aurait ainsi fait
passer pour de l’information neutre des nouvelles sélectionnées, uniquement
favorables au maire ou complaisantes à son égard.
L’éditorialiste
du Cléon estimait que cet état de fait témoignait d’un manque de respect vis-à-vis
des citoyens ainsi que d’un manque d’éthique de la part du journal qui se
prêtait au jeu de la «propagande politique partisane».
Ce journal «venu
de l’extérieur» n’était pas nommé: M. Duchesne y référait comme étant «un
journal venu emprunter et usurper le nom de notre belle rivière».
Griefs du plaignant
M. Stéphane
Desjardins, rédacteur en chef du Journal de la Rivière du Nord, considère que
Le Cléon multiplie les attaques publiques et privées contre son journal, en
l’accusant notamment d’être le «journal du maire» et de faire preuve de
partialité envers l’administration municipale de Prévost.
M. Desjardins
estime que les deux éditoriaux de M. Duchesne contiennent des propos mensongers
et diffamatoires, voire quasi xénophobes. Ceux-ci s’inscriraient d’ailleurs
dans ce que le plaignant qualifie de «campagne de salissage», comportement
d’autant plus choquant qu’il provient de collègues, alors que la tradition
journalistique exige une certaine solidarité.
En remettant en
cause la crédibilité et l’éthique du Journal de la Rivière du Nord, la
direction du Cléon tomberait également dans la diffamation, compte tenu de
l’engagement passé du plaignant dans la FPJQ.
En outre, M.
Desjardins considère que M. Duchesne a clairement évoqué le boycottage de son
concurrent. En réclamant, en plus, son remplacement par un bulletin
d’informations municipales dépourvu de distance critique et d’indépendance
journalistique, le rédacteur en chef du Cléon menace la liberté de la presse et
le droit du public à l’information.
Commentaires du mis en cause
M. Denys
Duchesne confirme le contenu de ses éditoriaux, à savoir que la municipalité de
Prévost «achetait» le journal La Rivière du Nord, grâce à des fonds publics,
pour s’assurer une couverture complaisante de ses activités. Selon le rédacteur
en chef du Cléon, rien ne permettait au lecteur de distinguer l’information
municipale des commandites du maire, les annonces payées par la municipalité
n’étant nullement identifiées.
Quant au
qualificatif «venu de l’extérieur», celui-ci n’avait aucune connotation
xénophobe mais se voulait une référence aux politiques municipales censées
privilégier les entreprises locales en priorité, ce qui est le cas du Cléon.
Inciter la
municipalité de Prévost à produire un bulletin d’informations municipales
identifié comme tel est, aux yeux de M. Duchesne, un moyen de défendre le droit
du public à l’information.
Le rédacteur en
chef du Cléon termine ses commentaires en soulignant que ses éditoriaux ne
visaient personne en particulier. Le nom de M. Desjardins n’apparaît pas dans
Le Cléon: le plaignant ne travaillait pas encore pour La Rivière du Nord quand
cette relation discutable entre le journal et la municipalité est née.
En conséquence,
le mis-en-cause rejette point par point les accusations du plaignant, qui lui
apparaissent sans fondement.
Réplique du plaignant
M. Desjardins
soutient que c’est bel et bien son intégrité et sa réputation de journaliste
qui ont été remises publiquement en question.
Le rédacteur en
chef de La Rivière du Nord maintient ses griefs et défend son journal: la page
d’informations payée par la municipalité de Prévost ainsi que la chronique
attribuée au maire étaient dûment identifiées comme telles, sans aucune
ambiguïté.
Le plaignant
estime que Le Cléon, par dépit ou agacement politique, a voulu salir
publiquement un concurrent qui avait remporté un contrat de la municipalité. Il
déplore enfin que M. Duchesne sous-entende qu’un journal communautaire a plus
d’éthique qu’un journal privé, «filiale d’un groupe de presse venu de l’extérieur».
Analyse
L’éditorial constitue essentiellement du journalisme d’opinion. Il s’agit d’une tribune réservée à l’éditorialiste pour qu’il exprime ses vues, ses convictions, ses opinions et ses points de vue, ainsi que ceux de son journal.
L’éditorialiste est donc libre de commenter les événements de son choix et d’énoncer ses positions en faisant appel au style qui lui est propre, fut-il pamphlétaire ou polémiste. Cependant, l’éditorialiste a aussi le devoir de mesurer la portée de ses écrits aux mêmes exigences de rigueur et d’exactitude qui prévalent pour tous les professionnels de l’information.
Ce sont les principes qui ont présidé à l’analyse de la plainte déposée par le Journal de la Rivière du Nord à l’encontre du Cléon.
L’examen des documents et des arguments des parties révèle que les éditoriaux en cause se basaient sur des faits observables et indiscutés: la municipalité de Prévost achetait des pages dans le Journal de la Rivière du Nord.
Le Conseil conclut qu’il était légitime pour l’éditorialiste du Cléon de s’interroger sur cette situation, et d’en dénoncer les possibles effets pervers et l’apparence de complaisance qui pourrait en découler.
L’éditorialiste du Cléon avait le droit d’exprimer son opinion sur cet état de fait et de le critiquer dans la tribune réservée à cet effet. Son intention était de réclamer un bulletin d’informations municipales: il était donc pertinent de porter ces éléments à l’attention du public pour appuyer sa requête.
En conséquence, le Conseil de presse rejette la plainte déposée par le Journal de la Rivière du Nord contre Le Cléon.
Analyse de la décision
- C01C Opinion non appuyée sur des faits