Plaignant
Groupe de
distributeurs indépendants de HMS 90; M. Jacques Beaulieu
Mis en cause
TVA [Montréal],
Mme Hélène Drainville et Mme Jocelyne Cazin (journalistes)
Représentant du mis en cause
M. Marc Blondeau
(vice-président Information et affaires publiques, TVA [Montréal]) et M. Alain
Gazaille (rédacteur en chef délégué de l’émission J.E., TVA [Montréal])
Résumé de la plainte
Le 12 novembre
1997, dans le cadre de l’émission J.E., TVA diffuse un reportage partial et
mensonger traitant des techniques de commercialisation du supplément
alimentaire HMS 90. Les journalistes impliqués utilisent des documents de façon
trompeuse afin de jeter le discrédit sur l’ensemble des distributeurs du
produit. Ils utilisent une caméra cachée pour piéger un conférencier et font
une généralisation abusive des faits ainsi recueillis. Ce reportage montre un
manque évident de recherche et de professionnalisme.
Faits
La présente
plainte fait suite à l’émission J.E. du 21 novembre 1997, diffusée sur les
ondes de TVA. Un reportage était consacré au supplément alimentaire HMS 90,
produit par la compagnie Recherche Immunotec Ltée. Ce reportage, comprenant
plusieurs entrevues, visait à dénoncer les techniques de commercialisation
utilisées pour la distribution et la vente de ce produit.
Griefs du plaignant
Un groupe de 137
distributeurs indépendants ont déposé une plainte individuelle identique et un
consommateur, M. Jacques Beaulieu, a présenté personnellement une plainte.
Les
distributeurs indépendants du produit HMS 90 s’insurgent vivement contre le
reportage de J.E. qui, à leurs yeux, contenait de nombreuses informations
mensongères, erronées et diffamatoires. Le groupe cite plusieurs exemples pour
illustrer ses griefs: fausses affirmations concernant leur méthode de
distribution; illustration de leurs prétendus arguments de vente par un
document fabulateur qui est, en fait, non autorisé; utilisation d’une caméra
cachée et généralisation abusive des faits ainsi révélés; questions agressives
et lourdes de sous-entendus; utilisation d’un document de l’Office de la
protection du consommateur de façon trompeuse; montage vidéo manipulateur…
Les plaignants considèrent que les journalistes mises en cause ont manipulé
l’information dans le but de nuire à leur image et de ternir leur réputation.
Ils constatent, entre autres, un manque évident de recherche et de
professionnalisme dans le travail des journalistes de J.E.
Celles-ci
auraient utilisé sciemment des documents de façon trompeuse afin de jeter le
discrédit sur l’ensemble des distributeurs du produit. En généralisant quelques
exemples choisis et en en tirant des conclusions hâtives et erronées, les
journalistes de J.E. se seraient érigées en juges, sans établir aucune nuance
et par pur souci de sensationnalisme.
Pour M. Jacques
Beaulieu, «les principes journalistiques les plus élémentaires» ont été bafoués
à l’occasion de ce reportage: la caméra cachée pour «piéger un conférencier»;
les commentaires erronés et injustifiés; l’utilisation trompeuse de document;
l’omission d’aspects fondamentaux du débat, en particulier sur l’état de la
recherche scientifique, constituent autant de pratiques inacceptables aux yeux
du plaignant.
Il estime que
«le parti pris évident et le manque de professionnalisme flagrant» de l’équipe
de J.E. ont contribué à induire le public en erreur, en lui offrant une
information biaisée et partiale.
Commentaires du mis en cause
M. Marc Blondeau,
vice-président Information et affaires publiques, réfute chacun des arguments
du groupe des plaignants et soutient les points contestés dans le reportage
incriminé. Il considère que «J.E. a fait ouvre utile auprès du public sur ce
sujet» en soulevant des questions pertinentes et légitimes et en montrant des
faits existants.
Plainte de M.
Beaulieu:
M. Alain
Gazaille, rédacteur en chef délégué de l’émission J.E., défend le travail
effectué à l’occasion du reportage du 21 novembre.
Il estime que
l’utilisation d’une caméra cachée était pertinente et constituait le seul moyen
de montrer la réalité. De même, les commentaires, jugés «gratuits» par le
plaignant, sont perçus comme fondés par M. Gazaille. Celui-ci indique également
que l’émission incriminée a mentionné la controverse scientifique que suscite
le produit HMS 90. Enfin, l’accusation d’utilisation trompeuse de document
serait non fondée selon le mis-en-cause.
M. Gazaille
considère donc que J.E. a fait oeuvre utile en se penchant sur ce sujet.
Réplique du plaignant
Groupe des
plaignants:
Les plaignants
soutiennent que les informations contenues dans le reportage du 21 novembre
étaient mensongères. Ils reprennent les mêmes éléments de contestation, en les
développant de manière approfondie.
Ils insistent
particulièrement sur le fait que les diverses pratiques dénoncées par l’équipe
de J.E. ne sont que le lot de «quelques distributeurs fautifs». En omettant
sciemment de faire cette importante distinction et en amplifiant les faits, les
mis-en-cause auraient négligé l’exactitude de l’information et l’intégrité des
plaignants au profit du sensationnalisme. Quant aux nombreuses insinuations
contenues dans le reportage incriminé, elles remettent injustement en cause
l’honnêteté des plaignants.
Ces derniers
ajoutent d’autres griefs à ceux précédemment évoqués concernant, notamment,
l’attitude de la journaliste Hélène Drainville. Celle-ci aurait colporté des
propos mensongers et utilisé des techniques journalistiques inacceptables et
abusives pour obtenir des informations qui, de ce fait, étaient biaisées.
M.Beaulieu:
M. Beaulieu
maintient sa plainte et soutient que le reportage reposait sur le
«sensationnalisme et l’accusation gratuite» et sur la «condamnation par
association»: en généralisant les agissements de quelques personnes à
l’ensemble des distributeurs et en insinuant que des faits, normaux et
habituels, étaient condamnables, les journalistes de J.E. auraient manqué de
professionnalisme et d’honnêteté intellectuelle.
Analyse
Le Conseil de Presse partage avec les mis-en-cause l’opinion qu’une émission comme J.E. peut faire oeuvre utile, et l’objectif poursuivi par le réseau TVA est tout à fait louable. Certaines pratiques mises au jour dans le cadre du reportage soumis à l’attention du Conseil se devaient d’être révélées, dans le meilleur intérêt des consommateurs. Les réserves exprimées par Santé Canada et l’Office de la protection du consommateur en sont, à elles seules, déjà la preuve.
Cependant, dans une émission dont la mission est de faire du journalisme de consommation, et notamment de donner de l’information ou de dénoncer des pratiques douteuses, comme des processus de communication et de mise en marché, les professionnels de l’information se doivent de respecter les plus hauts standards de qualité et d’exactitude, pour ne pas pratiquer eux-mêmes ce qu’ils dénoncent.
Une première constatation générale ressort de l’analyse des informations fournies par plaignants et mis-en-cause. Les visions des faits divergent sur plusieurs points et les versions contradictoires sont affirmées de part et d’autre, sans toujours être démontrées par les parties.
En regard des enregistrements clandestins, la jurisprudence du Conseil de presse reconnaît qu’il peut s’agir d’une pratique légitime du journalisme de consommation. L’utilisation de la caméra cachée a d’ailleurs permis d’illustrer un cas où le discours d’un distributeur du HMS 90 était en faute. Cependant, il s’agit d’une mesure de dernier recours, quand les autres moyens directs ont été épuisés. Dans le présent dossier, elle apparaît discutable quand elle sert à arracher d’une employée de la compagnie des renseignements privés sur les profits des distributeurs, renseignements que, par ailleurs, le vice-président de la compagnie ne refusait pas de reconnaître.
Au chapitre du traitement et de l’exactitude de l’information, les données présentées sont apparues, dans l’ensemble, assez justes dans leur contenu. Les plaignants reconnaissent d’ailleurs des failles dans la promotion de leur produit. Quelques informations erronées ont cependant été relevées, comme le fait que la compagnie n’ait pénalisé aucun distributeur fautif.
Cependant, certaines données sont incomplètes et souffrent d’une mise en contexte déficiente: on ne précise pas si le dépliant promotionnel contestable et répudié officiellement par la compagnie est utilisé par la majorité des distributeurs; on présente une conférence promotionnelle sur le HMS 90, sans préciser si cette conférence était typique; des imprécisions qui engendrent donc une généralisation. De même, on utilise de façon répétée à l’antenne un dépliant publié par l’Office de la protection du consommateur sans préciser son origine, ce qui donne à penser qu’il provient des distributeurs.
En regard du traitement technique des informations (montage), l’examen du reportage révèle qu’un raccourci habile, l’utilisation du dépliant de l’OPC, a pu prêter à confusion.
En conséquence, le Conseil estime que le reportage en cause a fait oeuvre utile en présentant à l’antenne un sujet controversé et d’intérêt public.
Cependant, force est de reconnaître que le traitement journalistique n’a pas été sans comporter quelques faiblesses: des données incomplètes, une mise en contexte parfois déficiente et des généralisations discutables. Aussi, pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil de Presse accueille-t-il, partiellement, cette plainte collective contre l’émission J.E.
Analyse de la décision
- C23E Enregistrement clandestin