Plaignant
Mme Muriel
Bédard
Mis en cause
The Gazette
[Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Alan Allnutt
(éditeur en chef, The Gazette [Montréal]) et M. Raymond Brassard (directeur de
l’information, The Gazette [Montréal])
Résumé de la plainte
The Gazette
porte sciemment atteinte au système démocratique et à la paix sociale au Québec
en publiant des propos méprisants à l’endroit des citoyens qui ne pensent pas
comme ses rédacteurs. Ce quotidien exerce une violence langagière pernicieuse
contre le Premier ministre Lucien Bouchard.
Faits
La plainte de
Mme Muriel Bédard est dirigée contre l’ensemble de la politique rédactionnelle
et éditoriale du quotidien The Gazette.
Griefs du plaignant
Mme Bédard
s’élève vivement contre «les pratiques manipulatrices et insidieuses» de The
Gazette qu’elle accuse de nuire sciemment au système démocratique et à la paix
sociale au Québec, en publiant quotidiennement des propos «haineux et
méprisants à l’endroit des citoyens québécois qui ne pensent pas comme eux».
La plaignante s’insurge
particulièrement contre «la violence verbale» pernicieuse, contenue dans les
articles évoquant le Premier ministre Lucien Bouchard. Elle illustre sa plainte
par l’exemple d’un texte, publié le 1er décembre, et intitulé «Bouchard
threatens vote in ’98: Election call would be a reply to court ruling on
independance».
Mme Bédard
estime que The Gazette bafoue ses responsabilités sociales, corollaires de la
liberté de presse: en comparant le recours au vote à une menace et en
«crachant» sur un homme politique élu librement, le journal insulte tout le
système démocratique, selon la plaignante.
Commentaires du mis en cause
M. Alan Allnutt,
éditeur en chef, juge la plainte de Mme Bédard «ridicule».
Il explique que
le titre «Bouchard threatens vote» est une métaphore, courante dans la
terminologie politique, qui ne sous-entend aucune violence.
Quant aux
accusations de la plaignante, selon lesquelles The Gazette alimenterait
volontairement et quotidiennement un climat dangereux de tension sociale, M.
Allnutt estime que cela sous-entend que critiquer un élu est antidémocratique.
A ses yeux, le rôle d’un média est, au contraire, de «défendre les intérêts de
la minorité face à l’indifférence compréhensible de la majorité».
Analyse
Le choix des titres, de même que le traitement de l’information, relèvent de la discrétion et de la prérogative des professionnels de l’information lesquels doivent, ce faisant, se conformer à leur devoir et à leur obligation de renseigner adéquatement la population sur les questions d’intérêt public.
Par ailleurs, le Conseil de presse n’entend pas établir le lexique des termes que les médias doivent employer ou éviter, les décisions à cet égard relevant de leur autorité rédactionnelle.
Dans le cas présent, le Conseil note que le titre «Bouchard threatens vote» n’a ni la teneur ni la portée que la plaignante lui prête. Il s’agit plutôt d’une figure de style, qui illustre les faits rapportés dans l’article incriminé et ne constitue aucunement une marque de mépris à l’encontre des institutions démocratiques de la part de The Gazette.
Le texte incriminé ne contient aucun propos haineux, méprisant ou pernicieux mais se veut, au contraire, très factuel. Quant aux accusations de la plaignante, selon lesquelles The Gazette alimenterait sciemment un climat dangereux de tension sociale, elles ne sont pas démontrées dans l’exposé de la plaignante ni dans aucun texte annexe.
Le Conseil souligne, à cet égard, que la liberté de la presse et le droit du public à l’information perdraient de leur sens et de leur réalité si la presse s’abstenait d’exprimer ses critiques sur certaines questions en raison des désaccords et des mécontentements qu’elles pourraient susciter. Et, au surplus, le Conseil tient à indiquer que les médias d’information ont pleinement le droit de posséder leur propre orientation éditoriale.
En conséquence, le Conseil rejette la plainte déposée par Mme Muriel Bédard à l’encontre de The Gazette.
Analyse de la décision
- C15I Propos irresponsable