Plaignant
Paroisse
St-Joseph-de-Soulanges
Représentant du plaignant
M. André Lafleur
(curé, Paroisse St-Joseph-de-Soulanges) et Le comité délégué au nom des
paroissiens des Cèdres
Mis en cause
TVA [Montréal],
Mme Hélène Drainville et M. Gaétan Girouard (journalistes)
Représentant du mis en cause
M. Alain
Gazaille (rédacteur en chef délégué, émission J.E., TVA [Montréal])
Résumé de la plainte
Les 7 novembre
et 12 décembre 1997, l’émission J.E. de TVA rapporte un litige entre la
plaignante et un couple en prenant parti pour ce dernier. Les reportages visés
contiennent des erreurs, des inexactitudes et des citations hors contexte. Les
responsables de l’émission se conduisent de manière cavalière.
Faits
La plainte prend
sa source dans un litige opposant Mme Francine Gauthier et M. Bertrand Jean à
la Fabrique de la paroisse St-Joseph-de-Soulanges, concernant la propriété du
presbytère de la paroisse. Un reportage sur le sujet effectué par Le réseau TVA
le 7 novembre 1997 ayant apparemment laissé des imprécisions, l’émission J.E.
revient au presbytère pour un complément d’informations dans le dossier. Le 12
décembre, un second reportage est diffusé. C’est sur ces deux reportages de
J.E. que porte la plainte.
Griefs du plaignant
La plainte
comporte deux documents. Le premier, signé par le curé André Lafleur, exprime
un profond mécontentement pour des aberrations commises par les responsables de
l’émission J.E. à l’endroit du diocèse de Valleyfield et de la paroisse
St-Joseph-de-Soulanges; et également pour les impacts désastreux que leur
partialité a provoqués dans l’opinion publique. M. Lafleur relate le
déroulement de la visite de J.E.: accueil, explications des erreurs du premier
reportage et visite complète des lieux pour faire constater les différences
dans l’état des travaux avec ce qu’indiquait le reportage. Il fait part des
insatisfactions des paroissiens et formule des griefs qui portent à la fois sur
le fond, sur la forme et sur la manière de procéder des artisans de J.E.
Sur le
comportement de l’équipe, M. Lafleur rappelle le refus de l’équipe de J.E. de
permettre au curé et aux paroissiens de participer ou même d’assister à
l’entrevue, en menaçant de quitter les lieux. M. Lafleur dénonce également la
procédure «cavalière» de fonctionnement de l’équipe «s’imposant aux gens, sans
prévenir, s’insurgeant dans nos bureaux avec une caméra, d’une manière
totalement irrespectueuse».
En regard du
contenu, il reproche aux mis-en-cause d’avoir présenté un second
«reportage-éclair» de quelques minutes où sont servies à nouveau des
interprétations erronées et des accusations contre le curé Lafleur, et qui
penchait en faveur des «supposées victimes». Le reportage aurait porté
principalement sur les raisons pour lesquelles Mgr Lebel n’a pas accordé
d’entrevue lors de la première émission. Il dénonce ensuite plusieurs omissions
dans le reportage sur des éléments mentionnés dans l’entrevue avec l’évêque.
En regard de la
forme, M. Lafleur parle de «mise en scène» étriquée ne correspondant nullement
à la vérité, mais visant davantage les objectifs de J.E.
Le second
document de la plainte est signé par «Le comité délégué au nom des paroissiens
des Cèdres» et porte le titre «J.E. un reportage trompeur». Il met en contexte
le reportage et le litige, et formule ensuite des griefs de partialité en les
illustrant d’exemples. De plus, il reproche aux journalistes de ne pas avoir
traité adéquatement le jugement du juge Bilodeau, d’avoir fait défaut de donner
la position véritable de la Fabrique et d’avoir diffusé des inexactitudes et
des affirmations fausses, en plus de citations hors contexte.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du
rédacteur en chef délégué de l’émission, Alain Gazaille:
En préambule à
sa réaction, M. Gazaille situe dans son contexte le premier reportage, celui du
7 novembre, et en résume les grandes lignes. Il ajoute, en regard de l’angle de
traitement, que «pour J.E., l’attention a porté sur la manière qu’un énoncé «un
contrat est un contrat» a pu être battu en brèches dans ce dossier.»
Il explique les
difficultés rencontrées par l’équipe de J.E.:
– aucun
porte-parole de la fabrique ne voulait parler; – le curé Ladouceur a refusé
toute entrevue; – même l’évêque, Mgr Lebel, a refusé à trois reprises de
commenter.
Il précise que le
reportage comportait trois assises: le témoignage émotif du couple
Gauthier-Jean, le témoignage du curé Lafleur et l’avis d’un avocat, spécialiste
en droit immobilier. Il ajoute que «l’essentiel du reportage reposait sur
l’interprétation de la Loi de la fabrique, à savoir quand l’évêque a-t-il dit
oui ou non à la transaction?»
Le rédacteur
continue en indiquant que c’est à la suite de la diffusion du premier reportage
que l’évêque Lebel et le curé Lafleur ont demandé à J.E. des corrections et que
le reportage du 12 décembre constitue leur réplique. Dans sa plainte, le curé
Lafleur posait des questions: sur la loi des fabriques, sur les insinuations à
son sujet et sur toute la situation; sur la question des héritiers des terrains
du seigneur de Longueuil; enfin, sur les négociations et sur les sommes versées
au couple Gauthier-Jean.
Sur la loi des
fabriques, M. Gazaille répond que le sujet a été traité précédemment. Aux
autres questions il répond brièvement. En ce qui a trait à l’accusation de
morcellement au montage de l’entrevue du curé Lafleur, M. Gazaille réplique en
affirmant que «rien n’est plus faux».
M. Gazaille
joint à sa réponse: – une version de la chronologie des événements; – un
exemplaire du jugement Bilodeau; – un exemplaire du projet de loi privé.
Il termine en
affirmant qu’un suivi avait été fait dans le dossier, «sans obligation de notre
part».
Réplique du plaignant
Au nom de la
paroisse, le curé André Lafleur présente une réplique de 27 pages. Il rappelle
en préambule son reproche à l’égard des traitements grossiers dévolus à la
fabrique St-Joseph-de-Soulanges, au curé André Lafleur et à l’évêque de
Valleyfield, Mgr Robert Lebel.
La réplique du
curé Lafleur reprend pratiquement paragraphe par paragraphe la lettre de trois
pages de M. Gazaille pour y répondre, la réfuter ou tenter de démontrer la
mauvaise foi de J.E.
Est jointe à la
réplique la lettre d’approbation de principe de 1992 de l’Évêque, une lettre
d’un héritier français contre le bill privé et une lettre du 3 mars 1998 de
l’évêque Lebel au curé Lafleur au sujet du second reportage. Mgr Lebel indique,
au sujet de la seconde émission, que ce qui a été présenté était incomplet et
malhonnête.
Analyse
Les plaignants se sont adressés au Conseil de presse en considérant que les deux reportages ne sont pas exacts parce qu’ils ne sont pas conformes au jugement Bilodeau.
Le rôle de la presse est de rapporter fidèlement les faits. Or, dans ce cas, exposer les faits, c’est donner les versions de la Paroisse, mais également celles des personnes apparemment lésées dans cette aventure, soit le couple Gauthier-Jean. L’interprétation du juge Bilodeau était au centre de l’émission et elle apparaissait discutable. Ä cet égard, le Conseil considère que l’émission J.E. s’est acquittée adéquatement de sa tâche en exposant la position des deux parties.
Le premier reportage présentait la plus grande partie des faits, bien qu’il lui manquât une partie des réactions. Le second reportage devenait, en quelque sorte, une réplique ou un complément au premier.
De l’avis du Conseil, en s’appuyant sur le projet de loi privé de l’Assemblée nationale, l’émission J.E. faisait reposer sur des faits les informations qu’elle diffusait dans ce dossier.
Tout au long de la plainte, les plaignants invoquaient le penchant que l’émission J.E. avait pu avoir dans le traitement de l’histoire, et notamment que le second «reportage-éclair» penchait en faveur des supposées victimes en ne s’en tenant pas à la lettre du jugement Bilodeau.
La réplique consentie par l’émission J.E. n’était pas à la satisfaction des plaignants. Et le simple fait d’accorder une réplique ne rend pas automatiquement justice aux plaignants. Mais dans le cas présent, les explications de Mgr Lebel ont été exposées en clair, autant pour expliquer les raisons pour lesquelles il n’avait pas répondu, que pour montrer le parti qu’il a pris dans ce dossier.
Par conséquent, le Conseil considère que les plaignants ont eu la possibilité de s’exprimer. Même à l’intérieur de la réplique, J.E. disposait de liberté rédactionnelle et a agi équitablement dans le traitement de la réponse.
Si la plainte fait état de manières cavalières utilisées par l’équipe de J.E. dans la cueillette de l’information, les plaignants sont restés imprécis dans leur récit des faits à cet égard; ce qui laisse peu de prise aux griefs reprochés.
En ce qui a trait aux griefs d’atteinte à la réputation, le Conseil note que ce ne sont pas les journalistes de J.E. ni le couple Gauthier-Jean qui ont rédigé le jugement Bilodeau dans lequel il est reconnu que le père Ladouceur a commis quelques impairs en signant au nom de la fabrique les documents officialisant la vente au couple Gauthier-Jean. La réputation des plaignants n’a donc pas été entachée au moment où la télévision a révélé des actes discutables aux yeux de la population, mais bien quand ces actes ont été commis.
Le réseau TVA, comme média d’information, avait donc pleinement le droit de traiter le sujet avec l’approche journalistique choisie, ce que lui permet sa liberté rédactionnelle. Le Conseil reconnaît également que le sujet a été traité avec discernement et que le traitement ne révèle aucun accroc majeur à l’éthique journalistique.
Conséquemment, le Conseil de presse rejette la plainte contre Le réseau TVA et ses journalistes.
Analyse de la décision
- C13A Partialité