Plaignant
Le Centre
jeunesse de Québec
Représentant du plaignant
IP1 Directement
concerné
Mis en cause
TVA [Montréal], Mme
Karine Champagne et M. Jacques Teasdale (journalistes)
Représentant du mis en cause
M. Robert
Langdeau (directeur de l’information, TVA [Montréal])
Résumé de la plainte
Les 9 et 10
décembre 1997, le réseau TVA diffuse deux reportages comprenant des images de
la famille d’un homme accusé du meurtre d’un de ses enfants, en contravention
avec la Loi de la protection de la jeunesse qui interdit de révéler l’identité
des mineurs liés à une affaire criminelle.
Faits
La plainte fait
suite à des reportages diffusés les 9 et 10 décembre 1997 sur les ondes de TVA.
Le plaignant reproche au réseau TVA d’avoir diffusé des reportages qui
permettaient d’identifier «des enfants liés à une instance déposée à la Chambre
de la jeunesse de Québec, en contravention avec l’article 83 de la Loi sur la
protection de la jeunesse». Ces reportages étaient diffusés dans le cadre d’un
suivi à une cause qui a défrayé les manchettes à plusieurs reprises. Le point
de départ de l’affaire est la mort d’un enfant de 4 mois pour laquelle le père
de l’enfant, Steve Lebel, a été mis en accusation.
Griefs du plaignant
Le Centre
jeunesse de Québec reproche au réseau TVA d’avoir diffusé des reportages
permettant d’identifier des enfants en contravention avec la Loi sur la
protection de la jeunesse.
Le plaignant
considère comme un facteur aggravant le fait que les journalistes de TVA aient
entendu à deux reprises une mise en garde de la juge Paule Gaumond, et l’aient
ignorée jusqu’à en faire une manchette le 10 décembre.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du
journaliste Jacques Teasdale:
En préambule de
sa réaction, le journaliste reconnaît s’être adressé à la juge Paule Gaumond
pour obtenir de précisions sur la notion de tuteur qui permet aux parents de
prendre toutes décisions pour leurs enfants.
M. Teasdale
ajoute que les journalistes ont été invités à une «porte ouverte» au domicile
des parents des enfants visés ici par la Loi et ont diffusé des images de ces
enfants. Ä ce moment, le couple était encore tuteur légal des enfants.
Le journaliste
invoque qu’en agissant de la sorte, les parents ont accepté de lever la
confidentialité de ce dossier. Il appuie son affirmation sur six cas de
jurisprudence et conclut, après consultation auprès de plusieurs avocats, que
la confidentialité ne tenait plus et que la juge a erré en droit en refusant de
reconnaître que l’article 192 du code civil «était plus fort» que l’article 83
de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Il ajoute avoir
répondu au plaignant, qui l’avait avisé des contraintes de l’article 83,
qu’après vérification, l’article 192 devait s’appliquer dans son entier. Et
également, qu’un débat met actuellement en cause l’article 192 du Code civil au
sujet des droits et pouvoirs de prendre des décisions pour son enfant.
Enfin, M.
Teasdale estime ne pas avoir manqué à son éthique professionnelle en faisant
les vérifications nécessaires, et n’avoir jamais contrevenu à la décision
puisqu’il n’a jamais rédigé ou diffusé d’informations dans ce dossier.
Commentaires du
directeur de l’information Robert Langdeau:
M. Langdeau
explique que la cause de Steve Lebel ne s’est pas jouée seulement les 9 et 10
décembre 1997 mais remonte au 15 octobre 1996. Et que pendant plus d’un an le
service de l’information de Télé-4, comme celui des autres médias de Québec, a
suivi les nombreux rebondissements de l’affaire.
Outre les
reportages des 9 et 10 décembre, le directeur de l’information dépose deux autres
cassettes contenant au total 8 reportages antérieurs ayant été diffusés sur le
sujet. Un de ces reportages couvre d’ailleurs la visite au domicile de la
famille Lebel, à l’occasion de la «porte ouverte» où ont été conviés les
médias.
M. Langdeau invoque
donc cette invitation comme preuve que la famille a consenti à la diffusion
d’images de leurs enfants, levant ainsi la confidentialité dans ce dossier. Il
rappelle que les parents étaient à ce moment encore tuteurs de leurs enfants et
qu’ils avaient plein droit de le faire. Pour appuyer son affirmation, le
directeur cite également les six jugements déjà mentionnés.
Réplique du plaignant
Le plaignant
répond successivement aux arguments de M. Teasdale et de M. Langdeau.
Il explique le
fondement de la confidentialité d’un dossier, précise que dans ce cas, cette
condition de confidentialité était en vigueur depuis le 8 décembre à midi. Il
mentionne alors que la jurisprudence soumise par les mis-en-cause ne peut être
comparée aux mises en garde formulées par la juge Gaumond. De plus il ajoute
que son contentieux s’est penché sur la jurisprudence précitée et qu’il n’y est
aucunement question de l’application de la Loi sur la protection de la
jeunesse.
En ce qui a
trait à la plainte, le plaignant précise que celle-ci vise le réseau TVA et
explique les raisons pourquoi il considère M. Teasdale parti à la plainte.
Il affirme que
le fait que les parents aient tenu une «porte ouverte» ne dégage par le
diffuseur de respecter la loi.
Analyse
Le plaignant reproche au réseau TVA d’avoir diffusé les 9 et 10 décembre 1997 deux reportages permettant d’identifier les enfants d’un couple de Lac St-Charles, dans une cause entendue ces jours-là par la Chambre de la jeunesse de Québec.
Si l’on prend cette plainte au premier niveau, soit au pied de la lettre, elle apparaît fondée parce qu’elle viole la Loi de la protection de la jeunesse.
Il est toutefois important de préciser que le Conseil de presse doit trancher ici une question d’éthique journalistique et non pas statuer sur une question qui relève des tribunaux.
La plainte du Centre jeunesse de Québec fait totale abstraction des événements préalables à cette audition, événements qui se sont déroulés sur une période de près d’un an et demi, soit du 15 octobre 1996 au 8 décembre 1997. Or ces événements entourant une accusation de meurtre de l’un des enfants du couple en question ont donné lieu à une large couverture médiatique à Québec, dont entre autres la diffusion d’une dizaine de reportages au réseau TVA.
Il est clair que pareil contexte a fait en sorte que la vie de tous les membres de la famille de Steve Lebel de Lac St-Charles, y compris celle des jeunes enfants, est devenue de notoriété publique dans la grande région de Québec. Force est de reconnaître que les jeunes enfants du couple Lebel ont depuis fort longtemps perdu leur anonymat. La diffusion des reportages des 9 et 10 décembre 1997 n’y changera rien, tout étant déjà consommé.
Aussi apparaît-il au Conseil de presse autant difficile qu’illusoire de retenir la plainte dans ce contexte. Conséquemment, la plainte du Centre jeunesse de Québec contre Le réseau TVA est rejetée.
En revanche, le Conseil de presse tient à préciser que les circonstances de la présente cause font exception à la règle générale adoptée par le Conseil en matière de protection d’anonymat, telle qu’elle avait été énoncée dans deux avis publics intitulés: «Nommer ou ne pas nommer» et «Avis sur la protection de l’anonymat des jeunes contrevenants et des mineurs impliqués dans des drames humains».
Analyse de la décision
- C16B Divulgation de l’identité/photo