Plaignant
Hôpital
Charles-LeMoyne
Représentant du plaignant
M. Marcel-M.
Boucher (directeur des services professionnels, Hôpital Charles-LeMoyne)
Mis en cause
Le Courrier du
Sud [Longueuil] et Mme Hélène Chabot (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. François
Laramé (rédacteur en chef, Le Courrier du Sud [Longueuil])
Résumé de la plainte
La journaliste
Hélène Chabot du Courrier du Sud rapporte les plaintes de parents dont les
enfants ont été traités à l’Hôpital Charles-LeMoyne, avant que celui-ci ait été
informé de ces plaintes et fasse enquête. En publiant de telles accusations,
sans plus de vérification, la journaliste porte atteinte à la réputation de
l’Hôpital et risque de miner la confiance du public à son endroit. Les titres
des deux articles concernés, publiés les 28 septembre et 5 octobre 1997,
laissent prématurément croire à un verdict de culpabilité.
Faits
L’Hôpital
Charles-LeMoyne porte plainte contre Mme Hélène Chabot suite à deux articles
publiés dans Le Courrier du Sud, les 28 septembre et 5 octobre 1997. Le
plaignant reproche à la journaliste d’avoir rapporté les propos de parents dont
les enfants avaient été traités à l’hôpital, avant que ces parents ne
communiquent leurs griefs à la direction des services professionnels et
hospitaliers de l’institution. Ce faisant, Hélène Chabot et le Courrier du Sud
auraient véhiculé des propos susceptibles de ternir l’image de l’Hôpital
Charles-LeMoyne et de miner la confiance du public que le centre hospitalier
dessert, avant qu’une enquête interne ne soit menée conformément à la Loi sur
la santé et les services sociaux.
Griefs du plaignant
Le plaignant
reproche aux mis-en-cause d’avoir fait écho aux critiques de parents dont les
enfants avaient subi des traitements à l’Hôpital Charles-LeMoyne, avant que le
service responsable de l’hôpital n’ait été saisi de ces plaintes.
Le plaignant
allègue que la publication directe de perceptions négatives, sans autre
vérification de la part du journal, entraîne des conséquences regrettables:
– cela tourne en
ridicule le processus d’analyse interne de l’hôpital dont l’objectif est de
protéger les droits des patients et d’améliorer les soins en établissement;
– cela porte
atteinte à la réputation de l’hôpital et peut miner la confiance du public, en
laissant entendre d’emblée que des erreurs ou négligences ont été commises.
A cet égard,
l’utilisation des mots «dénonciation» dans le titre coiffant l’article du 5
octobre de Mme Chabot, et «appendicite mal diagnostiquée» dans celui du 28
septembre apparaît au plaignant comme un verdict de culpabilité, sans qu’une
investigation n’ait été réalisée et sans que la réponse n’ait été donnée aux
parents.
Le plaignant
demande aux mis-en-cause de référer, à l’avenir, les personnes qui se plaignent
des soins reçus à l’Hôpital Charles-LeMoyne directement à son bureau, et de
s’abstenir de publier «leurs perceptions ou insatisfactions non documentées».
Commentaires du mis en cause
Dans sa réplique
au nom de la journaliste Hélène Chabot et du journal Le Courrier du Sud, le
rédacteur en chef, M. François Laramé, rappelle que dans ce dossier:
– le Courrier du
Sud n’a fait que rapporter des témoignages de cas vécus de parents clairement
identifiés, qui avaient contacté d’eux-mêmes le journal;
– que la
journaliste a communiqué chaque fois avec l’Hôpital Charles-LeMoyne pour
connaître sa version des faits;
– que chaque
fois, la réponse de l’hôpital a été la même: «pas de commentaire, la plainte
est sous enquête».
Pour ces
raisons, le mis-en-cause rejette l’allégation du directeur des services
professionnels selon laquelle la publication de perceptions négatives «sans
autre vérification de la part du journal» entraîne des conséquences
regrettables. Selon lui, c’est le silence de l’hôpital qui est en cause ici
bien plus que la publication des articles.
De plus, les
menaces du directeur des services professionnels et hospitaliers à l’endroit du
journal, ses journalistes et les parents ne visent, selon le mis-en-cause, qu’à
intimider et à museler un média qui a fait son travail correctement. La
suggestion du directeur au journal, de référer les parents directement au
bureau des services professionnels de l’Hôpital Charles-LeMoyne, et de ne pas
publier «d’emblée leurs perceptions ou insatisfactions non documentées», procède
de la même volonté de censure.
Pour toutes ces
raisons, le mis-en-cause demande au Conseil de presse de rejeter la plainte, et
de blâmer l’Hôpital Charles-LeMoyne pour sa tentative d’intimider et de museler
un média d’information qui fait son travail honnêtement.
Analyse
Après avoir étudié la plainte du directeur des services professionnels et hospitaliers de l’Hôpital Charles-LeMoyne, le Conseil en est venu à la conclusion que sa plainte n’est pas fondée.
Sans doute les articles publiés dans le journal Le Courrier du Sud laissent-ils planer des doutes sur la qualité des soins dispensés à l’Hôpital Charles-LeMoyne. Mais les allégations contenues dans les deux articles de Mme Hélène Chabot ne sont pas le fruit de son imagination. Elle ne fait que reprendre les témoignages de parents bien identifiés qui sont insatisfaits des traitements subis par leurs enfants lors d’un séjour à cet hôpital.
Le Conseil reconnaît qu’il peut être frustrant pour le comité interne d’une institution, chargé d’accueillir les plaintes du public, de prendre connaissance des griefs de sa clientèle par le biais des médias. Il est important cependant de reconnaître que, dans le cas qui nous est soumis, ce sont les parents qui ont choisi librement cette voie pour exprimer leurs insatisfactions, et non Le Courrier du Sud et sa journaliste. La responsabilité des médias est d’informer le public d’une façon responsable et sans sensationnalisme. Ce n’est pas, comme le suggère le directeur des services professionnels de l’hôpital, de servir de relais au bureau des plaintes internes d’une institution, aussi compétent soit-il.
Pour ce qui est de l’élément de la plainte de l’Hôpital Charles-LeMoyne concernant les titres coiffant les deux articles, le Conseil considère que le choix du Courrier du Sud est valable, dans la mesure où le titre correspond tout à fait au contenu des articles.
Finalement, le Conseil ne peut retenir l’allégation selon laquelle la journaliste Hélène Chabot et le Courrier du Sud ont publié des informations dommageables pour le centre hospitalier «sans autre vérification». Dans le cas de chacun des témoignages recueillis par la journaliste, l’Hôpital Charles-LeMoyne a été appelé à confirmer les faits, ce que l’institution a refusé de faire pour respecter ses règles de procédure. C’était son droit. Ce refus de commenter ne peut cependant être assimilé à un interdit de publication, ce qui dans les circonstances, équivaudrait à un droit de censure des médias d’information.
Le Conseil de presse rejette pour ces raisons la plainte de l’Hôpital Charles-LeMoyne à l’encontre du journal Le Courrier du Sud, tout en signalant que la journaliste aurait eu intérêt à mentionner ses démarches auprès de l’institution dans ses articles, et les raisons motivant le refus de commenter de l’Hôpital Charles-LeMoyne.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture