Plaignant
Mouvement
souverainiste du Québec
Représentant du plaignant
M. Gilles
Rhéaume (membre, Mouvement souverainiste du Québec)
Mis en cause
CBMT-TV [CBC,
Montréal] et M. Don Cherry (commentateur-journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Tony Ross
(réalisateur-coordinateur, CBMT-TV [CBC, Montréal]) et M. Jim Byrd
(vice-président, CBMT-TV [CBC, Montréal])
Résumé de la plainte
Le 21 février
1998, lors de la retransmission d’un match de hockey en provenance des Jeux de Nagano,
le commentateur Don Cherry attaque la langue française et insulte les
Québécois. Il traite ces derniers de pleurnichards et feint ne pas connaître le
porte-drapeau francophone, Jean-Luc Brassard, pourtant champion du monde de
ski, pour mieux le dénigrer.
Faits
Le 21 février
1998, CBC retransmet un match de hockey à l’occasion des Jeux Olympiques
d’hiver de Nagano. A la mi-temps, le commentateur Don Cherry aborde la question
de la querelle des drapeaux et il donne son opinion, notamment sur les revendications
souverainistes.
Gilles Rhéaume
se dit choqué par les écarts de langage et de conduite du commentateur, et
porte plainte en tant que membre du Mouvement souverainiste du Québec.
Griefs du plaignant
Le plaignant
voit dans les propos du mis-en-cause une insulte aux Québécois comme groupe
social et à la langue française, pourtant officielle au Canada. Il relève trois
cas d’insultes.
Premièrement, le
commentateur a attaqué la langue française, oubliant qu’elle est une des
langues officielles du Canada, au même titre que l’anglais. Deuxièmement, les
Québécois ont été traités de «pleurnichards». Enfin, le mis-en-cause a feint de
ne pas connaître le porte-drapeau francophone, Jean-Luc Brassard, pourtant
champion du monde de ski, et ce pour mieux le dénigrer.
Pour le
plaignant, il ne fait aucun doute que ces propos puisent leur source dans «un
racisme primaire et grossier».
Commentaires du mis en cause
Commentaire du
vice-président de CBC:
Jim Byrd,
vice-président de CBC, tient à préciser que le mis-en-cause n’est pas
journaliste, mais commentateur, et qu’à ce titre, «il est payé pour exprimer
ses opinions, qui sont invariablement tranchées, mais qui ne sont pas celles de
Radio-Canada.» Il ajoute que «ses opinions sont colorées, spontanées et parfois
même choquantes.»
M. Byrd rapporte
que l’ombudsman des services anglais de Radio-Canada, M. Bazay, a été saisi de
nombreuses plaintes au sujet du même incident. Il annexe donc à son commentaire
les 7 pages du rapport de l’ombudsman.
M. Byrd porte
spécialement à l’attention du Conseil quatre paragraphes, extraits de ce
rapport, qui peuvent se résumer ainsi:
– L’ombudsman
respecte le droit des commentateurs d’exprimer leur opinion personnelle, quel
que soit le degré de controverse et d’impopularité de leurs opinions;
– Cherry n’avait
pas le droit d’assimiler, à la lumière des faits, le porte-drapeau canadien et
ceux qui réclamaient plus de respect pour le français à ceux qui voulaient
briser le pays;
– Pendant que
Cherry s’empêtrait dans les faits, CBC Sports continuait son travail en toute
équité;
– Radio-Canada
devrait prendre des mesures pour assurer le respect de sa politique sur la
diversité d’opinion.
M. Byrd indique
qu’il respecte les recommandations de l’ombudsman et qu’à l’avenir, lorsqu’un
commentaire de M. Cherry portera à controverse, CBC veillera à l’équilibrer par
une opinion adverse dans la même émission. Mais il ajoute en même temps que vu
sa position de commentateur, la Télévision anglaise ne lui dictera pas ce qu’il
peut dire ou ce qu’il ne peut pas dire. Il rappelle que Radio-Canada est
ouverte au dialogue et qu’elle a pour mandat, notamment, de refléter la
diversité du pays ainsi que l’éventail des opinions de ses citoyens.
Analyse
Un commentateur jouit d’une grande latitude dans la formulation de ses jugements et dans l’expression de ses prises de position. Le genre journalistique auquel appartient le commentaire permet en effet au journaliste d’exprimer ses critiques et de faire valoir ses points de vue. La liberté d’opinion du commentateur n’est cependant pas absolue et la latitude dont il jouit doit s’exercer dans le respect le plus strict des droits et libertés d’autrui. Comme tous les professionnels de l’information, il doit être fidèle aux faits et faire preuve de rigueur et d’intégrité intellectuelles dans l’évaluation des situations qu’il commente.
Aux yeux du Conseil, le travail que M. Don Cherry a effectué comme commentateur aux Jeux de Nagano pour le compte de CBC est un acte journalistique entrant pleinement dans sa juridiction. Aussi après avoir tenu compte des divers documents soumis à son attention, le Conseil de presse en arrive aux conclusions suivantes.
En ce qui a trait à la télévision anglaise de CBC, le Conseil a observé que, conformément à la déontologie et avant les incidents reprochés, CBC avait déjà une politique interne à l’égard de ses commentateurs; qu’elle reconnaissait que son commentateur avait outrepassé cette politique en ne rapportant pas les faits; qu’elle tentait, au moment des incidents rapportés, de donner une vision plus complète de la question des drapeaux à travers une couverture différente et plus complète; qu’elle veut dorénavant s’assurer qu’au moment de l’expression d’opinions controversées, on veille à l’équilibrer par une opinion adverse dans la même émission.
Dans les admissions de la Société, il est mentionné que CBC a bien pris connaissance du rapport de son ombudsman et en respecte les recommandations. En outre, ce rapport reconnaît que Don Cherry n’avait pas le droit d’assimiler, à la lumière des faits, le porte-drapeau canadien, et ceux qui réclamaient plus de respect pour le français, à ceux qui voulaient briser le pays. L’analyse du Conseil abonde également dans ce sens.
Après examen donc, le Conseil de presse considère que l’incident est une erreur de parcours imprévisible pour CBC, et conséquemment, ne peut retenir de blâme formel à l’encontre du télédiffuseur.
Pour ce qui est du commentateur, le Conseil estime que, malgré la latitude dont il disposait, Don Cherry a outrepassé les limites de sa fonction non seulement en tenant des propos confus mais également injurieux, et en errant sur les faits. Un exemple parmi d’autres à ce propos: en faisant référence au champion olympique Jean-Luc Brassard, M. Cherry le qualifiera ainsi «…we pick a French guy – some skier that nobody knows about».
Par conséquent, le Conseil de presse accueille la plainte à l’égard de Don Cherry et lui adresse un blâme.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion