Plaignant
M. Henri-Claude Frédette
Mis en cause
Le Soleil [Québec] et M. Stéphane Tremblay (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Gilbert
Lavoie (rédacteur en chef, Le Soleil [Québec])
Résumé de la plainte
Deux textes publiés par Le Soleil portent des germes de violence. Le 2 mars 1998, une dépêche de la Presse canadienne mentionne que, pour les délégués au conseil national du Parti conservateur, « Preston Manning et son Parti réformiste sont l’ennemi à abattre ». Deux jours plus tard, le journaliste Stéphane Tremblay rapporte une affaire de meurtre à Port-Cartier en ajoutant que «La nouvelle ne semble pas trop avoir bouleversé les résidants de cette paisible municipalité de 7400 habitants». Sur quoi le journaliste fonde-t-il son observation? S’agit-il d’une critique de l’insensibilité des citoyens?
Faits
Henri-Claude
Fredette s’objecte à une phrase de l’article signé par Stéphane Tremblay du
Soleil le 4 mars 1998, relatant une histoire de meurtre dans la ville de Port-Cartier.
Après avoir décrit les circonstances de l’affaire et les progrès de l’enquête
policière, le journaliste ajoute que «La nouvelle ne semble pas trop avoir
bouleversé les résidants de cette paisible municipalité de 7400 habitants». M.
Fredette se demande sur quoi est basée cette remarque. Une impression à
distance, du ouï-dire, un sondage représentatif? Est-ce qu’il y a là un
reproche à l’égard de citoyens sans coeur?
Le plaignant
fait un lien entre cette phrase et d’autres éléments d’une dépêche de la Presse
canadienne parue deux jours plus tôt, toujours dans Le Soleil. L’article qui
traite de la rencontre et des délibérations des 600 délégués au conseil
national du Parti conservateur à Ottawa, mentionne que pour les délégués,
«Preston Manning et son Parti réformiste sont l’ennemi à abattre».
Le plaignant
voit dans ces deux articles des germes d’une violence écrite qui risquent de se
transformer «insidieusement» en paroles, voire en gestes non moins violents
dans une situation propice.
C’est pourquoi
il dépose une plainte au Conseil de presse.
Griefs du plaignant
Le plaignant s’objecte à l’utilisation par le journaliste Stéphane Tremblay et Le Soleil de mots pouvant être perçus, selon lui, comme autant d’incitations à la violence. En effet, dans son édition du 2 mars 1998, Le Soleil reproduit une dépêche de la Presse canadienne au sujet de la tenue à Ottawa, du conseil national du Parti conservateur. Dans le compte rendu des délibérations, on peut lire que, selon les délégués, « Preston Manning et son Parti réformiste sont l’ennemi à abattre ». Le 4 mars, c’est une phrase d’un article de Stéphane Tremblay décrivant le meurtre d’un citoyen de Port-Cartier qui offense le plaignant. Parlant de l’atmosphère de la ville après le drame, Stéphane Tremblay écrit: « La nouvelle ne semble pas trop avoir bouleversé les résidants de cette paisible municipalité ». Henri-Claude Frédette s’interroge sur les fondements de cette remarque, qu’il assimile à une banalisation du crime commis.
Analyse
Après examen des griefs du plaignant et une lecture attentive des articles incriminés, le Conseil en vient à la conclusion que la plainte de M. Henri-Claude Frédette à l’encontre du journaliste Stéphane Tremblay et du journal Le Soleil, est sans fondement. La dépêche de la Presse canadienne reprise dans Le Soleil du 2 mars 1998 rend compte des délibérations du conseil national du Parti conservateur. Ce faisant, elle reprend les thèmes et les conclusions du conseil et de ses délégués, à l’effet que l’adversaire principal du Parti n’est pas le Gouvernement libéral, mais le Parti réformiste et son chef Preston Manning. L’expression « ennemi à abattre » que l’article situe bien dans ce contexte, fait parti du vocabulaire du monde politique comme de celui du sport ou des affaires, quant on parle de l’adversaire ou de la concurrence. En reprenant les propos des délégués au conseil national et de leur chef, la Presse canadienne et Le Soleil n’ont fait qu’informer le public des délibérations de cette instance, telles qu’elles s’étaient déroulées. Pour ce qui est de l’article de Stéphane Tremblay au sujet d’un meurtre commis à Port-Cartier, il s’agit selon le Conseil de presse, d’un compte rendu fidèle d’un crime et de l’enquête qui est menée pour le résoudre. La phrase incriminée à l’effet que la nouvelle « ne semble pas trop avoir bouleversé les résidants… » se rapporte clairement au fait que les homicides dans cette ville sont peu fréquents, comme en témoigne la suite immédiate de la phrase qui rappelle que le meurtre précédent datait de près de dix ans. Cela n’impliquait en rien une indifférence de la population au crime, ou une volonté du journaliste de banaliser l’événement. Finalement, la collaboration spéciale de Stéphane Tremblay au Soleil originant de Port-Cartier, le Conseil doit présumer en l’absence du point de vue des mis-en-cause, que le journaliste est sur place ou est tout le moins, suffisamment informé par des sources pour affirmer que les résidants de cette ville ne s’inquiètent pas outre mesure pour leur sécurité. Pour ces raisons, le Conseil rejette la plainte et invite par la même occasion le plaignant à favoriser le dialogue avec les médias. Cette invitation montre l’importance que le Conseil accorde au principe d’une saine médiation entre les parties.
Analyse de la décision
- C15I Propos irresponsable