Plaignant
Tadeusz Hamerski
Mis en cause
Aleksandra Tyszka-Kozlowska, journaliste
et productrice à CFMB-AM, et rédactrice en chef du mensuel Rozmaitosci
Montrealskie
Résumé de la plainte
D’abord le 19 février 1998, le
plaignant reproche à la mise-en-cause les propos tenus à son endroit les 24 et
31 janvier sur les ondes de CFMB-AM dans le cadre de son émission Polska
Fala, propos repris en février dans le mensuel dont elle est
propriétaire et rédactrice en chef, Rozmaitosci Montrealskie no. 9.
Le 19 avril, M. Hamerski ajoute à
sa plainte originale les propos offensants de la mise-en-cause dans les
éditions du 7 mars de Polska Fala et du no. 10 de Rozmaitosci
Montrealskie.
Finalement, le plaignant porte au
dossier le 10 juin, les numéros d’avril et mai de Rozmaitosci Montrealskie (nos.
11 et 12) qui continuent, selon lui, la croisade calomnieuse de la
mise-en-cause à son égard.
Griefs du plaignant
Le plaignant rappelle qu’à compter
de son édition du 24 janvier, pour ce qui est de Polska Fala (Ondes
polonaises), et de février pour Rozmaitosci Montrealskie (Variétés
montréalaises), et ce sporadiquement jusqu’au mois de mai 1998 (Variétés
montréalaises no. 12), la mise-en-cause racontera et commentera à ses auditeurs
et lecteurs une histoire impliquant M. Hamerski. La saga, qu’elle intitule
» aigrette de renard », se déroulerait comme suit :
Dans le numéro de décembre 1997 de Biuletyn
Polonijny (Bulletin polonais no. 33), un vétérinaire à la retraite de
Williamstown en Ontario, le plaignant, place une petite annonce demandant aux
membres d’un Comité des citoyens de le contacter. Ce Comité des citoyens fait
circuler un pamphlet contre Mme Tyszka-Kozlowska, pamphlet qu’elle a d’ailleurs
publié et dénoncé dans son mensuel de novembre, Rozmaitosci Montrealskie no.
6.
Voulant joindre la lutte contre la
journaliste qu’il estime vulgaire, sensationnaliste et dangereuse pour la
communauté polonaise, M. Hamerski sollicite donc «
cordialement » les membres anonymes de ce Comité, les assurant de sa
» discrétion absolue ». La seule réponse à son annonce
proviendra de Mme Tyszka-Kozlowska elle-même et de ses ami(e)s. Se présentant
sous des noms d’emprunt, le sien sera Anna Piekarska; la mise-en-cause et ses
ami(e)s inventeront diverses histoires pour gagner la confiance de M. Hamerski
et en apprendre le plus possible sur ses intentions, ses appuis dans la communauté
polonaise, etc. Plusieurs rencontres auront lieu entre le 4 décembre 1997 et le
9 janvier 1998. Ce jour-là, la version du plaignant diffère de celle de la
mise-en-cause, Anna Piekarska sera soit démasquée, ou elle avouera sa véritable
identité et ses intentions de tout publier, son enquête étant terminée.
La plainte origine de ce que, ayant
enregistré ces rencontres à son insu, la mise-en-cause en fera l’interprétation
en ondes à Polska Fala et dans le supplément écrit à l’émission de
radio, Rozmaitosci Montrealskie.
Le plaignant allègue que, dans ces
comptes rendus et commentaires, la mise-en-cause ment et le ridiculise, qu’elle
nuit à sa réputation. M. Hamerski dénonce aussi le fait que la mise-en-cause
ait extorqué sous de fausses représentations, des confidences qu’elle a
publiées sans son consentement.
Commentaires du mis en cause
Aleksandra Tyszka-Kozlowska
considère frivole la plainte de Tadeusz Hamerski. « C’était M.
Hamerski qui entreprît contre moi des actions, comme le chantage de mes
clients, pour qu’ils s’abstiennent de placer des annonces publicitaires dans le
programme radiophonique que j’anime et dans le mensuel Rozmaitosci
Montrealskie que j’édite; ou en ramassant et révélant publiquement des
informations sur les médicaments que je prenais pendant quelques temps, etc.
Tout ce que j’ai fait, c’est de rapporter les faits et ses actions ».
M. Hamerski et ses supporteurs du
Congrès polonais ou du Consulat général de Pologne ont raison, selon la
mise-en-cause, d’être embarrassés par la divulgation de cette affaire. Mme
Tyszka-Kozlowska rappelle que dans son projet de pétition au Congrès polonais
et son appel à la Communauté polonaise, le plaignant faisait référence
faussement à une prétendue liaison avec un homme marié (qu’elle avait elle-même
inventé en tant qu’Anna Piekarska) et une soi-disant maladie mentale, comme
arguments pour lui faire perdre son emploi.
La mise-en-cause reconnaît avoir
enregistré des conversations téléphoniques et certaines rencontres avec le
plaignant sans l’en informer. « Je l’ai fait exclusivement pour
moi-même et dans le but de me protéger de ses mensonges. Dans ce même but,
j’emmenais des témoins aux rencontres avec lui ». La mise-en-cause
nie avoir utilisé ces enregistrements en ondes, pas plus qu’elle n’a utilisé de
mots vulgaires.
En terminant, Mme Tyszka-Kozlowska
souligne que le plaignant l’a menacée quand il a réalisé qu’elle comptait faire
un reportage sur toute cette affaire, et elle promet à M. Hamerski et ses
collègues » que tant qu’on n’arrêtera pas de m’attaquer, je continuerai de
le décrire et de le ridiculiser ».
Réplique du plaignant
Le plaignant dément avoir fait des
pressions sur les annonceurs de Polska Fala et de Rozmaitosci
Montrealskie ou d’avoir voulu détruire la vie privée de Mme
Tyszka-Kozlowska. Il nie aussi avoir menacé la mise-en-cause pour l’empêcher de
publier » cette histoire compromettante ». M. Hamerski admet
tout au plus lui avoir rappelé que » chaque action provoque une
réaction », et il maintient sa plainte.
Analyse
Le Conseil de presse n’est pas un tribunal civil ou pénal. Il n’a pas le pouvoir de faire comparaître des témoins ou de les contre-interroger. Pour évaluer les manquements à la déontologie journalistique, le Conseil se fonde sur les éléments soumis à son attention par le plaignant et la mise-en-cause.
Or, le Conseil est confronté ici à deux versions contradictoires des faits et de l’interprétation à leur donner. Il y a, d’une part, les textes des émissions et des chroniques incriminées, et d’autre part, la version du plaignant quant à la véracité de ce qui est rapporté. Malgré l’abondante documentation présentée par M. Hamerski, rien ne permet d’affirmer que son interprétation des faits soit la bonne. La seule chose que le plaignant établit clairement, c’est que la mise-en-cause est une journaliste controversée dans son milieu, et que lui-même aimerait bien la faire taire.
Les textes de Polska Fala et Rozmaitosci Montrealskie établissent aussi clairement que Mme Tyszka-Kozlowska ne cache pas les critiques qui sont formulées à son égard par le plaignant et d’autres personnes. Elle publie intégralement l’appel au boycott du Comité des citoyens anonymes, et fait état dans ses chroniques du point de vue défavorable du plaignant la concernant. De plus, une fois révélée sa vraie identité au terme de l’opération d’infiltration qu’elle a menée, la mise-en-cause invitera le plaignant à débattre de son opinion à Polska Fala, invitation qu’il a déclinée.
Pour ces raisons, le Conseil de presse ne peut retenir les griefs de mensonges et d’atteinte à la réputation présentés par M. Hamerski.
Par ailleurs, le plaignant avait droit à son opinion au sujet de la mise-en-cause et sa façon d’exercer le métier de journaliste. Il pouvait tenter d’organiser une action pour mettre un terme à la présumée vulgarité de Mme Tyszka-Kozlowska, ou à ses critiques injustifiées à l’endroit de certains individus et organismes de la communauté polonaise.
De la même façon, la mise-en-cause avait le droit de se défendre contre ces attaques. On peut comprendre, dans les circonstances, que Mme Tyszka-Kozlowska se soit sentie menacée et qu’elle ait voulu faire enquête.
Rappelons à ce propos ce que le Conseil a déjà énoncé :
Les journalistes doivent éviter de recourir à la fausse représentation dans la cueillette de l’information. Il peut leur être nécessaire, dans des cas très particuliers (par exemple lorsque leur sécurité personnelle est menacée) de ne pas divulguer leur identité et leur statut, mais de tels cas doivent demeurer exceptionnels et une décision de ce type ne doit être prise qu’en regard du caractère d’intérêt public de l’information ainsi recherchée et traitée. Les journalistes doivent également s’interdire de recourir aux techniques qui relèvent de l’abus de confiance (par exemple enregistrer une conversation à l’insu d’une personne, ne pas informer un interlocuteur que ses propos sont diffusés en ondes) ou qui s’apparentent à la violation ou à l’invasion de la propriété et de la vie privée. C’est là une question de probité et d’intégrité professionnelles et personnelles.
En entrant en contact avec M. Hamerski, la mise-en-cause a utilisé une fausse identité pour soutirer des informations au plaignant pour son propre compte et à son seul profit. Pareil comportement, aux yeux du Conseil, tient de l’abus de confiance.
Le plaignant n’a pas fourni au Conseil la preuve que la mise-en-cause s’est servie en ondes des enregistrements clandestins de leurs conversations. Cependant, le fait que Mme Tyszka-Kozlowska ait fait ces enregistrements à l’insu du plaignant, alors qu’elle était toujours accompagnée de témoins, doit être également dénoncé.
Sur ces deux derniers points donc, le Conseil de presse accueille la plainte de M. Tadeusz Hamerski et blâme la mise-en-cause
Analyse de la décision
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C13A Partialité
- C13B Manipulation de l’information
- C15C Information non établie
- C15E Fausse nouvelle/information
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17G Atteinte à l’image
- C17H Procès par les médias
- C23C Recours à une fausse identité
- C23D Tromper sur ses intentions
- C23E Enregistrement clandestin