Plaignant
Les Contenants
de l’Estrie
Représentant du plaignant
M. Daniel
Vaillancourt (avocat)
Mis en cause
La Voix de l’Est
[Granby] et M. Normand Gemme (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. David
Ducharme (rédacteur en chef, La Voix de l’Est [Granby])
Résumé de la plainte
Le 13 mars 1998,
La Voix de l’Est publie un article dans lequel le journaliste Normand Gemme
rapporte une enquête sur le plaignant qui n’a conduit à aucune accusation, tout
en passant sous silence des faits qui entachent la réputation d’un entrepreneur
concurrent. La partialité du journaliste pourrait s’expliquer par sa relation
d’amitié avec cet entrepreneur.
Faits
Me Daniel
Vaillancourt dépose une plainte au nom de la société Contenants de l’Estrie
Enr. contre le journaliste Normand Gemme et La Voix de l’Est pour l’article
intitulé «l’Environnement enquête à Roxton», paru le 13 mars 1998.
L’article fait
état d’une enquête du ministère de l’Environnement et de deux plaintes qui
mettent en cause l’entreprise Contenants de l’Estrie dont le propriétaire,
Gaston Deslandes, n’aurait pas demandé d’autorisation pour l’exploitation d’un
site de transbordement.
Selon Me
Vaillancourt, «le comportement hautement reprochable» du journaliste entache
l’image de l’entreprise en question, et ce, au profit d’une entreprise concurrente
dont M. Gemme passe sous silence la condamnation.
Griefs du plaignant
Selon le
plaignant, l’article de M. Gemme est contraire aux règles de l’éthique
journalistique, et ce, sur deux points.
D’une part, il
constitue une atteinte à la réputation de l’entreprise en question car il
évoque une enquête du ministère de l’Environnement dont le début remonte au
mois de décembre 1997 et dans laquelle «aucune accusation n’a été portée».
D’autre part, le
plaignant estime que cet article est entaché de favoritisme dans le choix
rédactionnel du journaliste. Celui-ci a préféré évoquer une enquête en cours
n’ayant abouti à aucune condamnation et «taire des faits qui sont beaucoup plus
d’ordre public» mais qui entacheraient la réputation d’un de ses amis, un entrepreneur
concurrent. Le plaignant sous-entend donc qu’au manque d’impartialité du
journaliste pourrait s’ajouter un conflit d’intérêts.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du
journaliste Normand Gemme:
Selon M. Gemme,
Gaston Deslandes, sa femme et un de ses amis, Benoît Cabana, se sont rendus le
11 mars 1998 dans les locaux de La Voix de l’Est pour rencontrer un journaliste
et lui livrer leur version des faits quant à leur projet de transbordement de
matériaux sur un site de la ville de Roxton Pond. Gaston Deslandes déclare au
journaliste qu’un de leurs voisins, Excavations Mario Lussier, est à l’origine
des plaintes auprès du Conseil municipal. Une enquête menée par le journaliste
auprès du ministère de l’Environnement démentira cette information.
Le journaliste tente
de recueillir plus d’informations au sujet des autorisations que l’entrepreneur
n’aurait pas eues, mais il se heurte à un silence embarrassé de ses
interlocuteurs et à une réponse laconique de M. Cabana: «tout se fera en même
temps».
M. Gemme rapporte
également une phrase de M. Cabana: «Tu sais, je suis un gars de parole, si tu
nous fais quelque chose de bien, tu vas avoir une belle récompense», preuve
pour le mis-en-cause de la volonté de M. Deslandes de «noyer le poisson ou
encore d’obtenir de la publicité gratuite». Le mis-en-cause s’étonne alors de
l’accusation qui lui est faite sur ses carences en matière d’éthique
journalistique et déclare: «Je crois que ces gens ne savent pas ce qu’est
l’éthique journalistique pour agir de la sorte».
Enfin, M. Gemme
conclut en déclarant ne pas connaître Camil Fontaine, que le plaignant
soupçonnait d’être à l’origine de la partialité du journaliste.
Commentaires de
M. Pierre-Yvon Bégin (directeur de l’information):
M. Bégin joint à
son commentaire deux nouvelles publiées dans La Voix de l’Est les 16 avril et 6
mai 1998, soit des articles postérieurs à l’article incriminé. Selon lui, ces
articles mettent en évidence l’existence d’une querelle de voisinage entre MM.
Deslandes et Lussier et précisent que la municipalité de Roxton Pond a demandé
la cessation des activités de transbordement.
Pour M. Bégin,
il ne fait aucun doute que M. Deslandes a voulu utiliser le journal pour la
promotion de ses intérêts, oubliant qu’un média a aussi un devoir d’enquête. Me
Vaillancourt ne considère pas les commentaires de M. Gemme comme répondant à
l’accusation dont ce dernier fait l’objet. Il ne tient donc pas à commenter le
récit du mis-en-cause sur la rencontre que ce dernier aurait eue avec M.
Deslandes. Il affirme en outre ne pas connaître M. Cabana et rappelle le
mutisme du journal à l’égard de l’affaire Camil Fontaine.
Le plaignant
tient également à repréciser l’objet de sa plainte: le traitement d’une
information faisant présentement l’objet d’une enquête, qui selon lui
n’aboutira à aucune condamnation.
Il réitère donc
sa plainte sur la base de deux griefs principaux: atteinte à la réputation et
violation des droits.
Analyse
L’attention que décide de porter un journaliste à un événement d’actualité relève de sa discrétion rédactionnelle. Le choix, l’importance du sujet et la façon de le traiter lui appartiennent en propre. Ces choix sont fonction du degré d’intérêt public de la nouvelle, et du devoir du journaliste de présenter une information authentique et équilibrée pour permettre au public de forger sa propre opinion.
Après examen de la plainte portée à son attention, le Conseil de presse est d’avis que le journaliste Normand Gemme avait la liberté éditoriale de traiter de l’enquête du ministère de l’Environnement tel qu’il l’a fait. De plus, le journaliste et La Voix de l’Est n’avaient aucune obligation de traiter d’une autre enquête de même nature, ayant mené à une condamnation deux semaines auparavant.
En ce qui a trait au favoritisme ou à un quelconque conflit d’intérêts, rien dans les documents soumis à l’étude du Conseil de presse ne permet de conclure en ce sens.
Pour ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte à l’endroit du journal La Voix de l’Est et de son journaliste Normand Gemme.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement