Plaignant
Ghislaine Néron, directrice de
l’information du journal La Vallée
Mis en cause
Nathalie Nolin, journaliste et rédactrice
en chef, Accès Laurentides
Résumé de la plainte
La plainte porte sur deux articles
différents, publiés dans deux journaux distincts où la mise-en-cause a
travaillé successivement.
Le 27 février 1998, Nathalie Nolin,
alors journaliste au journal La Vallée, écrit un article sur les listes
d’attente dans les hôpitaux, article qui suscite la réaction de la Régie
régionale de la santé et des services sociaux des Laurentides. Le 24 avril
1998, la même journaliste occupant cette fois le poste de rédactrice en chef du
nouveau journal Accès Laurentides, publie un article avant la tenue d’un
colloque, citant des gens supposément présents à ce colloque. C’est son
ancienne directrice de l’information au journal La Vallée, Ghislaine
Néron, qui, invoquant le mandat du Conseil de promouvoir la qualité de la
presse, dénonce ces erreurs professionnelles en les portant à l’attention du
Conseil.
Griefs du plaignant
La plaignante rapporte que le
premier article de la journaliste a suscité des reproches de la part des
personnes en cause, ces dernières disant avoir été mal citées. Pour appuyer ses
dires, elle dépose une lettre adressée à la journaliste mise en cause par la
Régie régionale de la santé et des services sociaux des Laurentides. L’adjoint
au directeur général de la Régie, Guy Laverdure, considère que l’article qui
fait état des listes d’attente dans les hôpitaux présente des inexactitudes :
il n’y aurait pas de personnes âgées en perte d’autonomie qui occuperaient des
lits destinés aux soins de courte durée dans les centres hospitaliers dans sa
région depuis juin 1996;
les deux millions alloués par le
ministère de la Santé n’auraient pas été utilisés exclusivement pour l’achat de
places et une partie de ces sommes devait servir à d’autres mesures; le dernier
paragraphe d’un communiqué de la Régie régionale portant sur l’Hôtel-Dieu de
Saint-Jérôme aurait été mal cité, créant une confusion. M. Laverdure ajoute que
la mise-en-cause n’a pas vérifié la véracité des faits auprès de son organisme
avant publication.
Le second reproche formulé par la
plaignante porte sur l’article du 24 avril 1998 paru dans Accès Laurentides.
On y faisait état d’un colloque supposé s’être déroulé, selon les propos de
la journaliste, trois jours avant la parution du journal. Or ce n’est que le 27
avril 1998, soit trois jours après la parution de l’article, que ce colloque
aura réellement lieu.
Commentaires du mis en cause
La mise-en-cause tient à rappeler
le contexte dans lequel s’inscrit la plainte de Mme Néron : celui de relations
très tendues entre le journal La Vallée et ses anciens employés partis
fonder un nouveau journal concurrent : Accès Laurentides. Sept employés
» dissidents » de La Vallée ont été poursuivis par le
propriétaire du journal et six d’entre eux travaillent actuellement pour Accès
Laurentides. Ce qui explique, selon la mise-en-cause, que la plaignante
ait, » de façon évidente, des raisons personnelles de me nuire en tant
qu’ancienne journaliste sous son autorité « .
Concernant l’article paru dans La
Vallée relatif aux attentes dans les hôpitaux, la journaliste estime avoir
bien fait son travail et connaître les règles du métier. Elle décrit en détail
les étapes de son investigation et ses recherches factuelles. Elle rappelle en
outre que c’est sur la demande de la plaignante elle-même qu’elle s’est penchée
sur le dossier. Elle explique enfin qu’une rencontre avec le directeur de la
Régie était prévue pour le 13 mars 1998, mais que suite à un empêchement ce
jour-là, puis à son départ définitif du journal, elle n’a pu le rencontrer.
C’est alors que la lettre de M. Laverdure est parvenue au journal.
Elle reprend alors les reproches
contenus dans cette lettre et y répond un à un : concernant la question des
personnes âgées en perte d’autonomie qui occupent des lits d’hôpitaux, elle
maintient que ce problème existe et qu’il lui a été exposé par le directeur de
l’hôpital de Sainte-Agathe; la mise-en-cause affirme que le communiqué du 18
février concernant l’utilisation des 2 millions par la Régie n’était pas clair
mais le but poursuivi était évident : libérer des lits et que l’argent serve à
désengorger les lits d’hôpitaux occupés par des personnes âgées ou par des
personnes souffrant de maladies mentales ne change rien à l’objectif. Pour elle
c’est un détail qui ne porte pas atteinte à la crédibilité de son article; elle
considère que le troisième point relevant une faute dans une citation lui
apparaît sans conséquence sur la réaction du directeur de l’hôpital de
Sainte-Agathe, celui-ci lui ayant expliqué qu’il s’opposait à ce que la Régie
fasse porter le blâme aux gestionnaires d’hôpitaux concernant le manque de
lits; enfin, la mise-en-cause estime qu’elle n’avait pas à faire valider la
véracité des faits auprès de la Régie. Il lui apparaît évident que la personne
responsable des communications d’un tel organisme » a des intérêts à
protéger et que par conséquent, elle ne voudra pas laisser sortir les
problèmes qui pourraient insécuriser la population et ses
partenaires ».
Concernant l’article paru dans Accès
Laurentides avant la tenue du colloque dont elle relatait le déroulement,
la mise-en-cause admet son erreur quant à la date à laquelle avait lieu
l’événement. Elle explique cependant avoir obtenu de l’organisatrice de
l’événement la confirmation de la présence de certains conférenciers et du
sujet de leur conférence, en se contentant de rapporter les sujets projetés, et
ce sans citer aucune personne. Elle considère donc n’avoir ainsi nui à
personne. Lorsqu’elle a réalisé son erreur, la mise-en-cause aurait recontacté
l’organisatrice, pour lui présenter ses excuses, puis aurait rédigé un second
article fondé sur les informations délivrées par cette organisatrice au
lendemain du colloque. Dans cet article, paru le 1er mai, soit une semaine
après la parution du premier article, la journaliste donnait la date exacte de
l’événement.
Réplique du plaignant
La plaignante n’a présenté aucune
réplique.
Analyse
Le Conseil a choisi de distinguer deux plaintes différentes dans les représentations de la plaignante, l’une à l’égard de la mise-en-cause et de son ancien employeur, et l’autre à l’égard de la journaliste et de son employeur actuel.
En regard du premier ensemble de griefs, l’analyse des éléments soumis à l’attention du Conseil révèle effectivement un manque d’exactitude dans l’exposé de la situation, et notamment au sujet des lits destinés aux soins de courte durée dans les centres hospitaliers de la région des Laurentides. Le Conseil a aussi constaté un manque de rigueur dans le traitement de l’information et une citation erronée. Après examen, donc, le Conseil de presse déplore ces manquements à l’éthique journalistique par la journaliste Nathalie Nolin, alors qu’elle était à l’emploi du journal La Vallée, et accueille cette première plainte.
Le Conseil rappelle également que dans la majorité des plaintes soumises à son attention – et c’est le cas dans le présent dossier – employé et employeur sont conjointement imputables si un reproche est adressé pour une faute professionnelle en regard de l’éthique journalistique.
Or dans le cas présent, au moment où il faut également partager l’imputabilité de la responsabilité à l’employeur, il s’avère qu’il s’agit du journal La Vallée et de sa directrice de l’information, Ghislaine Néron, qui est également plaignante dans le dossier. En déposant une plainte contre son ancienne employée, elle confirmait d’ailleurs sa faute professionnelle. En conséquence, le Conseil les reconnaît conjointement responsables des manquements déplorés.
En ce qui a trait à la seconde plainte, alors que Mme Nolin, est journaliste et rédactrice en chef du journal Accès Laurentides, le Conseil a constaté les erreurs admises par la mise-en-cause et les corrections apportées dans les circonstances. Le Conseil de presse ne partage pas l’opinion de la mise-en-cause sur le caractère anodin de la faute et n’en juge pas moins le procédé discutable. Le Conseil reconnaît toutefois que la journaliste et rédactrice en chef a pris les moyens de réparer son erreur en publiant un texte dans l’édition suivante, et par conséquent rejette cette seconde plainte.
Enfin, le Conseil est d’avis que le second article de Mme Nolin sur le colloque aurait eu avantage de comporter, d’entrée de jeu, une mise au point pour le bénéfice des lecteurs.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C15 Rigueur de l’information
- C15A Manque de rigueur
- C15D Manque de vérification
- C15E Fausse nouvelle/information