Plaignant
Organisation pour la sauvegarde des
Droits des Enfants (O.S.D.E.), (Riccardo Di Done, président)
Mis en cause
Karina Marceau, journaliste, et Le
réseau TVA (Télé-Métropole / émission J.E.)
Résumé de la plainte
La plainte concerne une émission
portant sur l’organisme, diffusée le 13 mars 1998, à 19 h 00 et reprise
partiellement le 16 mars. Les motifs sont exposés dans une mise en demeure
préparée par les avocats représentant l’O.S.D.E. et expédiée à Télé-Métropole,
pour laquelle les plaignants disaient ne pas avoir eu de réponse.
L’O.S.D.E. reproche aux
mis-en-cause leurs propos malicieux, tendancieux, diffamatoires et
discriminatoires ainsi que leur parti pris. Leur manque d’objectivité sera
confirmé, selon la plaignante, par l’interview de deux anciennes employées dont
les témoignages sont partiaux, et qui déblatèrent contre l’organisation après
leur congédiement.
Griefs du plaignant
L’O.S.D.E. reproche aux
mis-en-cause leurs propos malicieux, tendancieux, diffamatoires et
discriminatoires ainsi que leur parti pris. Leur manque d’objectivité sera
confirmé, selon la plaignante, par l’interview de deux anciennes employées dont
les témoignages sont partiaux, et qui déblatèrent contre l’organisation après
leur congédiement.
L’Organisation lui reproche
également d’avoir donné des informations fausses sur le pourcentage des fonds
recueillis qui sont consacrés réellement aux enfants. La plaignante s’étonne
que l’émission n’ait pas mentionné que les objectifs de l’O.S.D.E. ne sont pas
de venir directement en aide aux enfants en difficulté, mais de voir à
sauvegarder les droits des enfants en général, en les aidant, non seulement par
des dons, mais par des recherches, des recommandations aux gouvernements, des
programmes de prévention et l’organisation de colloques. Elle déplore également
que les activités de l’organisme soient passées sous silence, même si elles
avaient été communiquées aux journalistes comme ses interventions auprès du
gouvernement pour influencer une législation favorable aux enfants.
La plaignante accuse les
mis-en-cause de mauvaise foi et de malice évidentes. L’interview du président,
M. Di Done, n’est pas reproduite en entier, mais limitée à quelques phrases,
dans le but de donner l’impression qu’il ne peut réfuter les accusations
portées contre lui et contre l’organisme; et les mis-en-cause ont cherché à
recruter des personnes susceptibles de discréditer l’O.S.D.E. La plaignante
reprend ensuite huit accusations qu’elle réfute. Elle leur reproche de ne pas
lui avoir permis de se faire entendre équitablement.
L’Organisation ajoute que M. Di
Done a invité Mme Marceau à lui soumettre les questions auxquelles elle voulait
réponse mais qu’en aucun temps les mis-en-cause n’ont cherché à les obtenir,
démontrant ainsi leur mauvaise foi.
Commentaires du mis en cause
Le rédacteur en chef délégué de
l’émission J.E., Alain Gazaille, répond au nom des mis-en-cause.
Il répond sommairement, mais point
par point, aux accusations de la plaignante, soit par une explication, soit
pour indiquer l’origine de l’information, soit enfin pour dire qu’une
affirmation est fausse et sans fondement.
Le commentaire s’attarde à préciser
les détails relatifs à la radiation de l’organisme au bureau de l’Inspecteur
des Institutions financières et aux précisions apportées à ce sujet lors d’une
émission subséquente.
Le rédacteur en chef délégué
termine son commentaire en indiquant que J.E. a démontré dans le reportage un
certain nombre d’irrégularités au sein de l’O.S.D.E. et a posé des questions
sur la pertinence de certaines dépenses. Il ajoute que plusieurs invitations à
s’expliquer ont été faites au président de l’organisme et qu’il les a
déclinées.
Réplique du plaignant
Le président de l’O.S.D.E. présente
également une réponse point par point à certains éléments des commentaires du
mis-en-cause.
En ce qui a trait aux questions
posées par la journaliste, il reconnaît qu’il a demandé que certaines questions
soient écrites, mais affirme qu’il n’a jamais refusé de répondre à toutes
autres questions ou de fixer une rencontre avec la journaliste.
Il réaffirme en expliquant plus en
détail ses griefs sur le parti pris et les témoignages partiaux. Il précise que
des dépenses se rapportant aux recherches et activités de bienfaisance, tout
comme à l’éducation et à la sensibilisation du public, se chiffrent en 1996 à
572 641 $. Et le choix de ne référer qu’à une mention » activités jeunesse
» sans référer aux autres activités pour la sauvegarde des droits des
enfants lui apparaît fait volontairement dans le but de discréditer l’O.S.D.E.
M. Di Done reprend ses reproches
sur l’omission d’une partie importante du mandat de l’organisme et d’une partie
importante de l’entrevue avec le président.
Le président termine sur
l’admission de TVA de son erreur quant à la radiation de l’entreprise,
erreur corrigée trois mois plus tard. Il considère que le mis-en-cause n’a pas
donné tous les détails relativement aux conditions de radiation et d’annulation
de radiation. De plus, la précision ne corrige pas le mal et les dommages
causés, vu le délai. Il aurait apprécié qu’une lettre de TVA soit
adressée à son organisme afin que celui-ci puisse la diffuser auprès de ses
donateurs.
Analyse
Comme le Conseil de presse l’a déjà maintes fois énoncé, l’attention que les médias décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Dans le cas présent, il est apparu légitime, aux yeux du Conseil, que l’émission J.E. se soit intéressée à l’Organisation pour la sauvegarde des Droits des Enfants (OSDE) et se soit interrogée sur la gestion de l’organisme à la lumière de quelques faits troublants, notamment la suspension de son permis d’organisation charitable et une série d’accusations portées contre la direction de l’OSDE par quatre ex-employées ayant fait l’objet de congédiements.
En revanche, si le Conseil est d’avis que le reportage de J.E. ne déroge pas sur le fond aux règles professionnelles, il présente néanmoins quelques faiblesses, notamment au plan de l’exactitude des faits et de l’approche journalistique.
Le Conseil note premièrement à cet égard qu’il était inexact d’affirmer, au moment de la diffusion du reportage en cause le 13 mars 1998, que l’OSDE ne possédait plus de permis à titre d’organisme charitable, celui-ci ayant alors été renouvelé. Or, la rectification qu’apporte l’émission sur cette erreur de fait ne se produira en ondes que trois mois plus tard et ce, d’une manière à peine perceptible, soit noyée à travers une longue synthèse du reportage du 13 mars.
Deuxièmement, en ce qui a trait à l’approche journalistique de J.E., le Conseil n’est pas sans s’interroger sur la manière plus que cavalière avec laquelle le président de l’OSDE est interpellé – une entrevue impromptue, debout dans un hall d’entrée -; une méthode d’interview qui n’est pas sans contraster avec l’entrevue réalisée avec d’ex-employées de l’organisme, dans le contexte détendu d’une maison privée.
Ces deux approches journalistiques présentent un problème d’équité. La première entrevue tient d’un journalisme d’embuscade où la personne interviewée est prise au dépourvu, acculée au pied du mur par une série de questions accusatrices. A l’opposé, l’entrevue de groupe s’effectuera sans aucune pression de l’intervieweur.
Aussi, en regard de ces considérations, le Conseil de presse accueille-t-il partiellement la plainte de M. Di Done à l’encontre de l’émission J.E.
Analyse de la décision
- C01C Opinion non appuyée sur des faits
- C03A Angle de traitement
- C03B Sources d’information
- C03C Sélection des faits rapportés
- C03D Emplacement/visibilité de l’information
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C11F Titre/présentation de l’information
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C11H Terme/expression impropre
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
- C13A Partialité
- C13B Manipulation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15E Fausse nouvelle/information
- C15H Insinuations
- C15J Abus de la fonction d’animateur
- C17A Diffamation
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C19B Rectification insatisfaisante
- C19C Délai de rectification
- C23F Faire voir un texte avant publication
Date de l’appel
18 August 1999
Décision en appel
Les membres de la Commission
d’appel du Conseil de presse du Québec maintiennent la décision rendue en
première instance.
La décision repose sur la base
suivante:
Les membres de la Commission
reconnaissent que l’émission J.E. avait parfaitement le droit de s’interroger
sur la gestion de l’OSDE, à la lumière de quelques faits troublants pouvant
mettre en doute les pratiques administratives de l’organisation et de ses
dirigeants.
Bien que le reportage en cause
n’ait pas dérogé aux règles professionnelles fondamentales, celui-ci n’en
comportait pas moins une erreur de fait sur le non-renouvellement du permis
d’organisme charitable. Au surplus, l’approche journalistique utilisée est
également ici discutable, soit le comportement de la journaliste lors d’une
entrevue impromptue réalisée, debout dans un hall d’entrée, avec le président
de l’OSDE, alors qu’un tout autre traitement est réservé à ses accusatrices et
ex-employées. La recherche de la vérité dans cette affaire ne commandait-elle
pas un traitement égal? Pareil procédé est synonyme de journalisme d’embuscade,
où l’objectif apparaît nettement plus de piéger l’interviewé que d’informer.
Griefs pour l’appel
Le Réseau TVA interjette
appel à la décision du Conseil de presse.