Plaignant
Jean Lanthier
Mis en cause
Gilles Payette, journaliste et Radio-Canada
(Jean Pelletier, directeur des nouvelles télévisées)
Dominic Arpin, journaliste, et TVA
(Réal Germain, directeur de l’information)
Résumé de la plainte
La plainte concerne le
comportement des journalistes de Radio-Canada et TVA, suite à
l’explosion qui détruisait l’Accueil Bonneau, le 9 juin 1998.
Lors du bulletin de 18 heures, le
journaliste de TVA présent sur les lieux a interrogé une victime de
l’explosion encore visiblement sous le choc.
À Radio-Canada, c’est une
secouriste en plein travail que le journaliste interrompait pour lui poser des
questions.
Jean Lanthier porte plainte contre
le traitement » sensationnaliste » de cette nouvelle par TVA
et Radio-Canada.
Griefs du plaignant
Le plaignant reproche essentiellement
aux journalistes de TVA et de Radio-Canada d’avoir fait passer
leur recherche de sensationnalisme avant les besoins des victimes de
l’explosion. En interrogeant une personne « visiblement en état de
choc », ou en posant des questions à une secouriste alors même
qu’elle « reconduisait une victime ensanglantée », ces
journalistes ont indigné le plaignant et toutes les personnes qui se joignent à
lui pour dénoncer cette pratique.
« La première priorité
est de porter secours aux victimes et non de faire du sensationnalisme en
s’interposant entre les victimes et leurs besoins immédiats »
poursuit monsieur Lanthier. C’est pourquoi il demande au Conseil de presse
d’intervenir pour corriger la situation.
Commentaires du mis en cause
Au nom de Radio-Canada, le
directeur des nouvelles télévisées, Jean Pelletier, affirme qu’à aucun moment
les cameramen ou journalistes de la SRC n’ont nui au travail des
secouristes. Selon lui, ils ont fait leur métier « avec retenue en
comprenant très bien la gravité de la situation ». Pour ce qui est
plus précisément du reproche de monsieur Lanthier à l’endroit du journaliste de
Radio-Canada, Jean Pelletier admet que Gilles Payette a posé des
questions à une secouriste, mais ajoute qu’il l’a fait poliment et sans
insistance. Finalement, monsieur Pelletier rejette tout à fait l’assertion de
Jean Lanthier concernant l’interrogation des proches des victimes,
« afin d’étaler leur détresse ». « Nous n’avons
rien fait de la sorte » conclut Jean Pelletier au nom de Radio-Canada.
Pour sa part, le directeur de
l’information de TVA, Réal Germain, nie que la personne interrogée en
ondes par son journaliste ait été » une victime » de l’explosion
comme la décrit le plaignant. Il s’agirait plutôt, selon lui, d’un témoin qui
se trouvait à l’extérieur du périmètre de sécurité et près de la zone réservée
aux médias. Il admet que la personne était « secouée,
émue », mais elle n’était pas blessée soutient-il. En aucun temps, le
journaliste Dominic Arpin de TVA n’a retardé le travail des secouristes.
Si le policier a mis fin à l’entrevue, c’était pour reconduire l’homme auprès
d’un groupe de bénévoles chargés d’encadrer les témoins de l’explosion, et non
parce qu’il aurait été blessé.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a pas fourni de
réplique.
Analyse
Est-ce que les deux journalistes des réseaux ont manqué de jugement dans leur recherche de témoignages, suite à l’explosion du 9 juin dernier à l’Accueil Bonneau? Est-ce qu’ils ont entravé le travail d’une secouriste ou abuser d’une victime en état de choc? Est-ce qu’il était sensationnaliste de la part de TVA et Radio-Canada de diffuser ces images? C’est essentiellement à ces questions que le Conseil devait répondre en examinant les éléments de reportages dénoncés par Jean Lanthier.
Qu’il s’agisse du reportage de Dominic Arpin à TVA ou celui de Gilles Payette à Radio-Canada, il apparaît au visionnement des émissions, que les journalistes posaient des questions à des témoins qui ont choisi de répondre. Rien ne permet de penser que MM. Payette ou Arpin ont abusé du désarroi d’une victime ou entravé le travail des secouristes. Les entrevues étaient courtes et visaient à donner aux téléspectateurs des points de vue de témoins de première ligne parmi ceux de nombreux spécialistes ou intervenants auxquels les deux éditions spéciales donnaient la parole.
Dans le cas de l’entrevue réalisée par Dominic Arpin de TVA, le témoin apparaît ébranlé mais consentant à répondre aux questions du journaliste. Le fait qu’un policier interrompe l’entrevue n’implique pas que le témoin ait été blessé ou utile aux opérations de sauvetage, comme semble le déduire le plaignant. En fait, le geste du policier vise à regrouper ensemble les témoins à des fins d’enquête et de support psychologique.
Le choix du journaliste de Radio-Canada est plus délicat. Poser des questions à une secouriste qui guide une victime ensanglantée pourrait effectivement constituer une entrave au travail prioritaire d’aide aux blessés. Dans le cas qui nous occupe cependant, le visionnement révèle que Gilles Payette a posé deux questions à la secouriste qui continuait de marcher, et qu’il n’a pas insisté de façon à compromettre son travail.
Le but premier d’un bulletin de nouvelles est de faire état des événements de la façon la plus précise et la plus complète, afin que le téléspectateur soit bien informé et qu’il puisse se faire une opinion sur l’actualité, en toute connaissance de cause. Dans le cas de drames humains, la déontologie du Conseil précise que les médias et les journalistes doivent éviter le sensationnalisme qui donnerait un caractère démesuré à l’événement par rapport à son degré d’intérêt public.
Dans le cas en cause, il n’était pas abusif de la part des journalistes de chercher à expliquer ce qui s’était passé quelques minutes plus tôt, en consultant des témoins de l’explosion. Rien ne permet de penser que les personnes interrogées n’ont pas choisi librement de répondre aux questions qui leur étaient posées.
De l’opinion du Conseil, TVA, Radio-Canada et leurs journalistes mis en causes, n’ont pas failli à leurs obligations en présentant les entrevues incriminées. Ni TVA, ni Radio-Canada n’ont versé dans le sensationnalisme. L’utilisation faite des témoignages s’intègre dans un ensemble de points de vues diversifiés et contribue à une meilleure compréhension de l’événement plutôt qu’à une surenchère émotive.
La plainte de M. Jean Lanthier est donc rejetée.