Plaignant
Jacynthe Tremblay
Mis en cause
Isabel Authier, journaliste et Samedi
Express (Benoît Gaudreau, directeur général)
Résumé de la plainte
La plainte concerne un article
publié dans le journal Samedi Express le 9 mai 1998 et intitulé
« Chienne de vie « . Isabel Authier, rédactrice en chef, aurait
tenu des propos discriminatoires à l’égard des personnes assistées sociales et
démunies.
Suite à une demande de rétractation
de Mme Tremblay, le journal Samedi Express a fait paraître dans son
édition du 23 mai 1998, un second article intitulé » Un instant S.V.P.
« .
Griefs du plaignant
D’une part, Jacynthe Tremblay porte
plainte contre la journaliste Isabel Authier du journal Samedi Express
de Granby pour une » chronique haineuse » et pour » abus de la
discrétion rédactionnelle « . Mme Tremblay croit fortement que la
journaliste a tenu des propos méprisants et discriminatoires envers les
personnes assistées sociales et démunies. Elle relève certains termes employés
tels : « parasites, faiseurs d’enfants… des personnes avec tendance
à l’obésité « .
La plaignante soutient que même si
le terme » assistés sociaux » n’est pas mentionné, il est facile de
deviner que la journaliste s’adresse à une catégorie de personnes précise.
D’autre part, Mme Tremblay se dit
insatisfaite de la rétractation parue dans l’édition du 23 mai 1998 et affirme
que : » cette mise au point ne constitue en rien une rétractation des
propos diffamatoires tenus par madame Authier « .
Elle demande au Conseil de presse
du Québec d’intervenir afin d’éviter que Mme Authier ne reproduise d’éventuelles
chroniques semblables à celle-ci.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Mme Isabel Authier,
journaliste :
La mise-en-cause explique que ses
propos lui ont été inspirés par l’observation d’une famille de personnes pour
le moins » passives « . Il s’agissait pour elle d’une constatation qui
ne concernait que cette famille. Sa condition sociale lui importait peu et
c’est son inactivité qui était visée. Elle ajoute qu’elle n’a jamais tenté de
dénigrer les assistés sociaux, qu’elle éprouve généralement une réelle empathie
pour ces gens et qu’elle prête avec empressement sa plume aux activités de
plusieurs organismes de la région.
Isabel Authier considère sa note
rectificative du 23 mai 1998 satisfaisante.
Selon la journaliste, Mme Tremblay
se sent persécutée, à tort, et elle considère que la plaignante a généralisé la
portée de ses propos. Elle juge cette plainte injustifiée.
Commentaires du directeur général,
M. Benoit Gaudreau :
M. Benoit Gaudreau, directeur
général du journal Samedi Express, s’insurge contre les propos de la
plaignante, plus spécialement contre l’expression » chronique haineuse
« . Il soutient que Mme Authier n’a jamais visé à faire du mal à qui que ce
soit par ses propos du 9 mai 1998. Il rappelle que la plaignante a reconnu d’elle-même
que la rédactrice en chef n’a jamais employé le terme » assistés sociaux
« .
M. Gaudreau considère que la
rétractation dans la rubrique du 23 mai 1998 est claire et précise à cet effet.
Enfin, il souligne les compétences
et le professionnalisme de Mme Authier et se dit très satisfait de son travail
de rédactrice en chef. Il lui réitère son indéfectible confiance.
Réplique du plaignant
Aucune réplique du plaignant.
Analyse
Les médias et les journalistes doivent éviter de cultiver ou d’entretenir des préjugés. Leur devoir est plutôt de les dissiper. Ils ne peuvent se permettre d’utiliser à l’endroit des personnes et des groupes, des termes méprisants ou propres à les ridiculiser ou à les discréditer auprès de l’opinion publique.
Dans la chronique en cause, la journaliste Isabel Authier n’utilise pas formellement le terme » assistés sociaux « , mais elle fait usage de nombreuses épithètes qui discréditent un groupe social implicitement identifiable : » je vois des familles complètes de parasites qui ne font strictement rien de leur vie… sans aucun remords apparent, et ils me font chier… ils restent là, détendus et pleinement satisfaits de la petitesse de leur vie « .
Le comportement que dénonce Mme Authier dans sa chronique pointe sans équivoque du doigt le groupe social que constituent les personnes assistées sociales et démunies. Or, bien que le genre particulier de la chronique accorde à son auteur une grande latitude rédactionnelle, le Conseil de presse considère que la journaliste en cause a outrepassé sa liberté d’expression dans son texte paru le 9 mai 1998, en y tenant des propos porteurs de discrimination.
Le Conseil a par ailleurs examiné et pris en compte le billet rectificatif de Mme Authier publié dans l’édition du 23 mai 1998. Sans mettre en doute la bonne foi de la journaliste, le Conseil a constaté avec étonnement que celle-ci a maintenu dans ce second texte l’utilisation du terme » parasites « , continuant de juger « scandaleux » le comportement de personnes inactives dans son entourage.
Les rétractations ou les rectificatifs doivent être faits de façon à remédier pleinement aux torts causés. Aux yeux du Conseil de presse, le rectificatif ne peut être, dans le présent cas, jugé satisfaisant.
Pour ces raisons et en regard de ces principes, le Conseil juge répréhensibles les propos tenus par Isabel Authier, et accueille la plainte de Mme Jacynthe Tremblay.
Analyse de la décision
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C18D Discrimination
- C19B Rectification insatisfaisante