Plaignant
Serge Bourque
Mis en cause
René d’Anjou et Claude Fortin,
journalistes, et l’impact (Jean-Paul Giguère, directeur général)
Résumé de la plainte
Dans son édition du 26 décembre
1997, puis dans celle du 26 juin 1998, l’impact publie deux photos de M.
Bourque, bien que ce dernier ait notifié au journal son refus d’être
photographié.
Griefs du plaignant
Le journaliste René d’Anjou aurait
passé outre le refus du plaignant d’être photographié dans son journal.
Le plaignant explique que sa tenue
vestimentaire – des culottes courtes en hiver – attire l’attention de nombreux
badauds dans sa ville, et que c’est à ce sujet que le journaliste l’a un jour
accosté pour lui demander de le photographier. Malgré son refus, le plaignant a
vu une photo de lui publiée dans l’édition du 26 décembre 1997. Selon lui,
cette photo a été prise en février 1997, alors qu’il participait à une activité
de sensibilisation pour la sécurité routière dans le cadre d’un comité d’école.
La photo n’a pas été publiée au moment de l’événement, mais le journal s’en est
servi dans son édition du 26 décembre 1997. Le plaignant considère que la photo
a été publiée hors contexte : le journal n’explique pas pourquoi le plaignant,
revêtu d’un dossard, se trouve sur la voie publique. La publication de cette
photo aurait suscité des moqueries à l’endroit du plaignant, aussi bien
de la part de sa famille, ses amis, que de ses collègues de travail.
Le plaignant reproche au
journaliste Claude Fortin de l’avoir photographié quelques mois plus tard, à
l’occasion d’un tournoi de pêche auquel le plaignant participait avec sa fille.
Cette fois-ci, le journaliste n’aurait même pas demandé l’autorisation au
plaignant. La photo venait illustrer un article sur la tenue du tournoi.
Le plaignant dit ne pas se
considérer comme un personnage public ayant des comptes à rendre à la société.
Il trouve les pratiques du journal étranges et désagréables.
Il conclut en espérant que l’impact
lui adressera une lettre d’excuses et qu’à l’avenir, le journal
demandera l’autorisation de publier des photos de personnes du public.
Commentaires du mis en cause
Jean-Paul Giguère, directeur
général de l’impact, répond aux reproches du plaignant en quatre points
:
– Concernant le journaliste M.
d’Anjou, il s’est abstenu de photographier le plaignant quand ce dernier s’y
est opposé: il n’y aurait donc, de l’avis du mis-en-cause, aucun motif de
plainte contre lui.
– D’autre part, M. d’Anjou
travaillerait pour le journal à temps partiel depuis son domicile, situé dans
une autre municipalité : ce qui expliquerait que la direction n’ait pas été
tenue au courant du refus de M. Bourque et aurait publié la première
photographie, prise lors d’une manifestation publique.
– Cette photo présente une personne
qui, selon le mis-en-cause, n’est » pas identifiée, ni identifiable, son
visage étant presque totalement caché « . Le mis-en-cause objecte donc
qu’il était impossible pour le journal de demander une autorisation à un
inconnu, pour une photo qui en outre ne présentait aucun préjudice envers le
plaignant.
– La publication de la seconde
photo était, de l’avis du mis-en-cause, totalement justifiée pour illustrer la
couverture du tournoi de pêche. Qu’il s’agisse encore une fois de M. Bourque
serait purement fortuit. Selon le mis-en-cause, le lien entre les deux photos
était de toute façon difficile à faire, puisque la première photo ne permettait
pas d’identifier le plaignant. En outre, la seconde photo servait à illustrer
une manifestation publique à laquelle participait le plaignant: il n’y aurait
donc pas non plus matière à plainte.
Le mis-en-cause conclut en assurant
au plaignant que le journal n’a jamais cherché à lui porter préjudice.
Réplique du plaignant
Le plaignant tient à préciser que
si la première photo a été prise lors d’une manifestation publique, rien dans
le journal ne le mentionnait : le journal se serait plutôt attardé futilement
sur l’habillement du plaignant. Ce dernier s’insurge donc contre la publication
de cette photo hors de tout contexte. Il aurait été plus opportun, de l’avis du
plaignant, d’obtenir son autorisation, surtout lorsque la photo est coupée de
son contexte, et publiée plus de 10 mois après avoir été prise. Au-delà des
arguments légaux invoqués par le mis-en-cause, il s’agit selon le plaignant de
bon sens.
Dans une lettre d’information
complémentaire, le plaignant joint au dossier deux exemplaires supplémentaires
du journal afin de mettre en évidence l’implication de M. D’Anjou au sein du
journal.
Analyse
Le Conseil de presse est d’avis que les personnes, qu’elles soient publiques ou non, ont le droit fondamental à la protection de leur vie privée et de leur intimité. Si des événements de leur vie privée peuvent, dans des circonstances particulières, contenir certains éléments d’intérêt public, la presse peut en rendre compte, mais avec prudence et discernement.
Dans le cas soumis à l’attention du Conseil, la première photographie ne semble pas présenter un caractère d’intérêt public supérieur qui aurait pu rendre légitime sa publication malgré le refus du plaignant. l’impact aurait dû alors s’abstenir d’avoir recours à une photographie d’archives sortie de son contexte. Que la direction du journal n’ait pas été mise au courant par son journaliste du refus du plaignant ne la soustrait en rien à ses responsabilités d’éditeur. En effet, les médias sont responsables de tout ce qu’ils publient et ils ne doivent en aucun temps se soustraire à cette responsabilité ou s’en dégager sous prétexte de difficultés administratives ou de contraintes de temps ou autres.
En outre, le Conseil rappelle que les légendes des photos doivent respecter le sens et l’esprit des photographies qu’elles accompagnent. Or, dans ce cas, il semble que ces exigences de rigueur et de fidélité n’ont pas été respectées. La légende de la photo laisse croire en effet que cette dernière n’est pas une photographie d’archives, et qu’elle a été prise quelques semaines avant sa publication.
En ce qui concerne la deuxième photographie, le Conseil rappelle que l’existence d’une presse libre et le droit à l’information seraient gravement compromis si quelqu’un s’arrogeait le droit d’interdire aux médias de prendre et de diffuser les photos qu’ils jugent d’intérêt public. Dans ce cas précis, le caractère d’intérêt public de la photo était justifié par le fait qu’elle illustrait une manifestation publique. En y participant, le plaignant devait s’attendre à la présence des médias.
Pour toutes ces raisons, le Conseil accueille la plainte de M. Bourque à l’endroit du journal l’impact en ce qui concerne la publication de la première photographie, mais la rejette pour la seconde.
Analyse de la décision
- C02B Moment de publication/diffusion
- C12D Manque de contexte
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C23M Violation d’un interdit de publication