Plaignant
Stationnement de Montréal
Mis en cause
Amanda Jelowicki, journaliste, et The
Gazette (Alan Allnutt, président et éditeur)
Résumé de la plainte
Le 31 juillet 1998, The Gazette
publie un article signé par Amanda Jelowicki et coiffé du titre
« Time to feed a meter – a 2-pence « . Il y est question de
certains parcomètres de la ville qui fonctionneraient avec des pièces de
monnaies étrangères, dont le 2-pence anglais.
Me Nicole Forget, présidente du
conseil d’administration de Stationnement de Montréal, considère que cet
article est une incitation à la fraude.
Griefs du plaignant
La plaignante considère que le
titre et le ton de l’article ainsi que les commentaires de la journaliste,
banalisent une pratique criminelle. L’article présente la nouvelle non comme
une tricherie, mais comme une façon d’économiser. En ce sens, la plaignante
déplore un manque de professionnalisme de la part des mis-en-cause, qui
auraient pu ne consacrer qu’un entrefilet à l’événement.
Commentaires du mis en cause
La mise-en-cause récuse
l’accusation qui lui est faite d’avoir incité les contribuables à frauder. Elle
rappelle que de nombreux médias s’étaient déjà penchés sur l’existence de
rondelles de métal vendues dans les quincailleries et qui pouvaient être utilisées
à la place de la monnaie canadienne dans les parcomètres. Elle considère donc
que les pièces de monnaies étrangères ne sont qu’une variante de ces rondelles
de métal.
La mise-en-cause dit ne jamais
avoir voulu banaliser la pratique, ni la promouvoir. Le but de son article
était de montrer le dysfonctionnement de ces machines que par ailleurs bon
nombre de Montréalais utilisent chaque jour. Elle rappelle que le sujet a même
été soulevé par un élu en conseil municipal. Son article aurait en outre forcé
Stationnement de Montréal à trouver une solution au problème.
La mise-en-cause conclut en
rappelant que le sujet a par la suite largement été couvert par l’ensemble des
médias, écrits et électroniques. The Gazette n’a donc pas été le seul
journal à faire état du problème.
Réplique du plaignant
La plaignante réplique sur quatre
points aux commentaires de la mise-en-cause :
Contrairement aux affirmations de la mise-en-cause, la
série d’articles sur les rondelles de métal aurait suivi la publication de
l’article incriminé et non l’inverse. La plaignante précise d’ailleurs que
c’est l’article de la mise-en-cause qui aurait donné l’idée à un conseiller
municipal de tester les rondelles en métal dans les parcomètres. C’est ce même
conseiller qui aurait par la suite livré aux médias sa trouvaille.
La plaignante maintient qu’il y avait dans le titre et
le contenu de l’article une volonté de banaliser la fraude, notamment en la
présentant comme une façon d’économiser, voire même de faire du profit. Les
fraudeurs seraient présentés comme de sympathiques universitaires, et la fraude
serait justifiée par l’incompétence des machines. De l’avis de la plaignante,
tout dans l’article – son titre, son amorce, son développement, et sa
conclusion – présentait la fraude sous un angle favorable et incitatif.
La plaignante déplore que la couverture qu’ont pu en
faire les autres médias par la suite serve de justification à la mise-en-cause
pour donner un caractère légitime à son article. Elle considère que la
journaliste est responsable de la diffusion de l’information dans les autres
médias.
Enfin, la plaignante déplore que les médias aient
provoqué un » effet d’entraînement » : une fois la pratique
frauduleuse révélée, bon nombre de Montréalais s’y seraient adonnés.
La plaignante conclut en rappelant
l’irresponsabilité de The Gazette.
Analyse
Le Conseil de presse rappelle que l’attention que les médias décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre.
Dans ce cas précis, le service qu’offre Stationnement de Montréal aux automobilistes est un service public, et les problèmes qui peuvent l’affecter méritent l’attention des médias. L’article incriminé était bien d’intérêt public, et sa publication était tout à fait justifiée pour rendre compte de l’utilisation frauduleuse des parcomètres de la ville.
De l’avis du Conseil, il ne constitue en rien une incitation à la fraude, en ce qu’il reste circonscrit aux faits. La journaliste s’est contentée de livrer au public la version de chacune des parties – celle des fraudeurs, et celle de Stationnement de Montréal.
Le Conseil ne peut non plus reprocher à la mise-en-cause l’agencement de son article. Certes les parties les plus exposées à l’œil du lecteur – le titre, l’amorce, la conclusion – sont consacrées à la présentation de la fraude et des fraudeurs. Mais il relève de la prérogative de chaque journaliste de décider de la structure et du contenu de ses écrits. Le Conseil ne saurait s’ingérer dans de tels choix rédactionnels, sans risquer de revêtir l’habit du censeur.
En conclusion, le Conseil considère que l’article de la mise-en-cause ne dérogeait pas aux règles d’éthique journalistique. C’est pourquoi il rejette la plainte de Stationnement de Montréal à l’endroit de The Gazette et de sa journaliste Amanda Jelowicki.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C11F Titre/présentation de l’information
- C15I Propos irresponsable