Plaignant
Office de la langue française
(Gilles-Louis Racine, secrétaire et directeur de l’information et de
l’administration)
Mis en cause
Peggy Curran, chroniqueuse, et The
Gazette (Alan Allnutt, président et éditeur)
Résumé de la plainte
Le 25 avril 1998, The Gazette
publie une chronique intitulée » Get a straitjacket, the OLF crazies are
here « . La journaliste, Peggy Curran, y dénonce des excès de la politique
linguistique de l’Office de la langue française. L’OLF, en la personne de son
secrétaire et directeur de l’information et de l’administration, Gilles-Louis
Racine, porte plainte.
Griefs du plaignant
Le plaignant reprend les reproches
formulés par l’OLF dans une lettre adressée aux mis-en-cause datant du 27 avril
1998, et à laquelle ces derniers n’auraient pas répondu.
Le plaignant admet, au nom de la
liberté d’opinion et d’expression, l’opposition du journal à la politique
linguistique du gouvernement du Québec. Cependant, il considère que la
journaliste mise en cause est allée trop loin dans sa chronique.
Il lui reproche en effet d’avoir tenu
des propos injurieux et vexatoires à l’endroit des fonctionnaires québécois,
qui ne feraient qu’appliquer la loi. Aussi considère-t-il l’article comme
diffamatoire. Il y dénonce les
injures de la journaliste, telles que: » Clearly, we are dealing
with crazy people here. Not flaky,
wrestle-with-your-half-sister-on-Jerry-Springer crazy people, but dangerous,
out-of-control, OLF crazy people. Scary, evangelical bureaucrats, only no one
in power has the courage to call for a straitjacket « . Le plaignant
considère que le langage injurieux et ordurier dépasse les bornes. Mme Curran
peut être opposée à la Charte, mais ce n’est pas en insultant et en diffamant
les messagers qu’elle va changer le message.
Il reproche également à la
mise-en-cause d’avoir propagé des fausses informations sur la loi et sa mise en
application. Le plaignant relève des erreurs qu’il qualifie de «
flagrantes » :
il n’existerait pas, contrairement à ce qu’affirme la
mise-en-cause, de plaintes anonymes logées à la CPLF (Commission de protection
de la langue française), pas plus que d’ » anonymous snoops »
dont parle la mise-en-cause;
la mise-en-cause aurait confondu l’OLF et la CPLF,
cette dernière étant chargée de veiller au respect de la Charte de la langue
française. Le plaignant explique que l’OLF avait déjà contacté le journal pour
tenter d’éclaircir cette confusion;
la mise-en-cause affirme erronément que l’OLF a le
pouvoir de retirer la reconnaissance accordée à un organisme public qui dessert
une clientèle majoritairement non francophone. Le plaignant réplique qu’en
vertu de l’article 29.1 de la Charte, le retrait de cette reconnaissance ne
peut se faire que sur demande de l’organisme en question, et la décision ultime
revient au gouvernement, et non à l’OLF. Quant au cas soulevé par l’hôpital BMP
(Brome-Missisquoi-Perkins), le plaignant affirme que ce dernier n’a jamais eu
de reconnaissance quelconque… Comment alors l’OLF aurait-il pu lui retirer
cette reconnaissance?
Le plaignant conclut sa lettre en
invitant les mis-en-cause à consulter le site de l’OLF pour s’informer
éventuellement sur la Charte de la langue française, les lois et les règlements
et il propose à l’éditeur de The Gazette une rencontre avec la
présidente de l’Office de la langue française.
Enfin, il joint à sa plainte une
étude de la revue de presse des articles publiés entre le 1er
janvier 1997 et le 30 avril 1998, et traitant de la politique linguistique.
Commentaires du mis en cause
Alan Allnutt, rédacteur en chef
reconnaît que depuis deux ans son journal a eu quelques difficultés avec la
nomenclature de l’OLF, qui pour bon nombre de ses lecteurs représentait «
l’outil juridique qui réprimait leur langue « . Il admet cependant qu’il
faut éviter la confusion entre les différents organismes.
Quant à la nature des propos tenus
par la journaliste, le mis-en-cause invoque la liberté généralement accordée au
genre particulier que constitue la chronique.
Enfin, le mis-en-cause revient sur
les informations supposément erronées contenues dans l’article. Il affirme ne
pas avoir eu en main la lettre du plaignant adressée au journal. Il rappelle
que l’inégalité qui prévalait dans l’application des lois linguistiques – comme
l’admet, selon lui, le plaignant – expliquerait que l’hôpital Perkins de
Brome-Missisquoi enfreindrait la loi depuis 1974. Le plaignant en conclut que
l’OLF et la CPLF jouissaient d’une grande latitude pour appliquer lesdites
lois.
Réplique du plaignant
Le plaignant refuse les
explications qu’il considère comme plutôt désinvoltes et il maintient sa plainte.
Analyse
Le mis-en-cause invoque la latitude reconnue aux chroniqueurs pour récuser la plainte et les débordements de langage de la journaliste. Le Conseil de presse est d’avis que cela serait sans doute suffisant pour l’excuser si Mme Curran avait souscrit à tous les principes de l’éthique journalistique.
En effet, la déontologie reconnaît une grande latitude aux auteurs de chroniques, à la condition que ceux-ci respectent les faits. Or l’examen de la plainte soumise au Conseil révèle des inexactitudes sur des éléments que la journaliste n’aurait pas dû ignorer, comme le fait que l’hôpital Perkins de Brome-Missisquoi n’avait jamais obtenu de statut d’institution bilingue.
Cette information inexacte vient s’ajouter à des éléments erronés relativement secondaires, en l’occurrence la distinction entre l’Office de la langue française et la Commission de protection de la langue française, ainsi que l’accueil présumé de plaintes anonymes. Au surplus, le niveau de langage de la chronique apparaît discutable.
Le Conseil de presse déplore donc les imprécisions manifestes de cette chronique et accueille partiellement, sur cette base, la présente plainte.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C15A Manque de rigueur
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C15C Information non établie
- C15D Manque de vérification
- C15E Fausse nouvelle/information
- C17A Diffamation
- C17B Diffamation (citation)
- C17C Injure
- C17D Discréditer/ridiculiser