Plaignant
Thérèse Landry
Mis en cause
Laurent Soumis, journaliste, et Le
Journal de Montréal (Paule Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef)
Résumé de la plainte
Le 10 août 1998, le journaliste
Laurent Soumis signe sept articles, dont quatre dans Le Journal de Montréal
et trois dans Le Journal de Québec. Ces articles dénoncent les pratiques
douteuses de l’infirmière Thérèse Landry, employée de la Curatelle publique, à
l’égard d’un de ses patients.
La plaignante considère que les
articles de M. Soumis véhiculent des informations erronées. Ces informations
auraient été par la suite reprises par les autres médias (télévision, radio et
lignes ouvertes) dont certains auraient conclu qu’ » une infirmière a été
incriminée « .
Griefs du plaignant
La plaignante considère que les
articles de M. Soumis véhiculent des informations erronées. Ces informations
auraient été par la suite reprises par les autres médias (télévision, radio et
lignes ouvertes) dont certains auraient conclu qu’ » une infirmière a été
incriminée « .
La plaignante dénonce également
l’inexactitude des propos rapportés par le mis-en-cause qui aurait écrit «
le contraire de ses réponses « .
La plaignante accuse les mis-en-cause
d’un manque de professionnalisme. Le journaliste n’aurait pas validé ses
sources d’information.
Ce manque de professionnalisme
aurait porté atteinte à sa crédibilité et à sa réputation personnelle et
professionnelle. Les articles du mis-en-cause auraient également porté
préjudice non seulement à la plaignante, mais aussi à son entourage familial et
professionnel. Elle énumère les impacts négatifs de l’article : sa résidence
prise d’assaut par le public, ses vacances compromises, sa mère en prise à un
choc émotif, sa famille et ses employés consternés, son entreprise victime
d’impacts financiers. L’article aurait également porté préjudice à son patient
qui aurait » manifesté son insécurité de façon pitoyable » et que le
public aurait empêché de sortir de sa résidence.
Elle reproche également au
journaliste d’avoir » adopté le comportement d’un enquêteur, très
vindicatif, voire même agressif « .
La plaignante reproche en outre au
journaliste d’avoir dépeint l’état de maladie du plaignant, en divulguant le
nom de sa maladie et en exagérant ses symptômes, sans jamais chercher à valider
ses affirmations auprès d’une autorité médicale.
La plaignante conclut en précisant
que, dans la région du Saguenay, tous les gens se connaissent et que le
journaliste aurait débâti sa vie entière.
Commentaires du mis en cause
Dans une lettre commune, Paule
Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef, et Laurent Soumis, journaliste,
répondent aux reproches de la plaignante, en les reprenant un par un.
-Allegations erronees
lancer une accusation générale sans pointer du doigt avec précision une
information supposément erronée.
Manque de professionnalisme
Les mis-en-cause soutiennent que le
journal a vérifié et contre-vérifié chacune des informations publiées. La
plaignante a en outre pu faire valoir sa version des faits, et ce faisant, a
validé et complété les informations déjà connues.
-Inexactitude des propos rapportes
Le journal aurait rapporté
fidèlement les propos de la plaignante. En outre cette dernière n’aurait relevé
aucun propos précis supposément déformé.
-Comportement du journaliste
difficilement joignable, ce qui aurait amené le journal à retarder la
publication de l’article. Après plusieurs appels sur le téléavertisseur de la
plaignante et à son domicile, le journaliste aurait réussi à la joindre à son
bureau. Il se serait identifié en expliquant les motifs de son appel, et aurait
obtenu de la plaignante un témoignage volontaire. Lors de cet entretien, le
mis-en-cause n’aurait dérogé ni à ses devoirs professionnels ni aux règles les
plus élémentaires de politesse.
-Traitement des autres medias
De l’avis des mis-en-cause, le
journal ne saurait être tenu responsable de la couverture de l’événement ou de
sa mauvaise interprétation dans d’autres médias. Le journal n’a jamais affirmé
que la plaignante était » incriminée ».
– Préjudices personnels et à son
entourage
Le journal ne saurait non plus être
tenu responsable des supposés préjudices causés par des fautes professionnelles
qui n’ont pas été démontrées. En outre, le journal n’a publié aucune
information nominative concernant l’adresse du domicile de la plaignante, ses
employés, et les membres de sa famille.
-Prejudices pour le patient
Le journal rappelle que, depuis la
parution de l’article, la Curatelle publique a ouvert une enquête, entrepris
d’obtenir les pièces justificatives des dépenses, retiré le patient de la garde
de la plaignante, et fait en sorte qu’il soit bientôt confié à sa famille en
curatelle privée. En outre, la plaignante fait présentement l’objet d’une
enquête du syndic de l’Ordre des infirmières et pourrait être poursuivie en
justice par la famille du patient.
-Sensationnalisme
C’est avec l’accord de la famille
du malade que le journal a informé ses lecteurs du nom exact de la maladie et
des symptômes. Toutes les informations concernant cette maladie ont pour source
les rapports officiels de la Curatelle publique et les rapports signés par la
plaignante elle-même.
-Considerations generales
Le journal dit ne jamais avoir
voulu marquer d’ostracisme la plaignante. L’article incriminé s’inscrivait dans
une enquête en sept volets sur la Curatelle publique. Les mis-en-cause estiment
avoir respecté les règles de leur profession et le droit du public à
l’information en s’acquittant de leur mission de service public. En outre, les
enquêtes en cours à la Curatelle attestent de la justesse de la couverture
accordée à ce dossier.
Les mis-en-cause concluent en évoquant
les menaces de la plaignante à l’égard du journaliste, qu’ils préfèrent mettre
sous le coup de l’émotion.
Réplique du plaignant
Aucune réplique.
Analyse
La rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes constitue la garantie d’une information de qualité. Elle est synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, et de respect des personnes, des événements et du public. Les médias et les professionnels de l’information ne doivent pas déformer la réalité en recourant au sensationnalisme.
Dans le cas soumis à l’attention du Conseil de presse, il apparaît que la plaignante n’a pu prouver ses accusations concernant la publication d’informations inexactes, l’utilisation de sources non validées, et la mauvaise utilisation de son témoignage. Le Conseil rappelle que c’est aux plaignants de regrouper toutes les informations pertinentes pouvant appuyer leurs accusations. En l’absence de telles informations, et face à l’imprécision des accusations, le Conseil ne peut, à moins de verser dans le procès d’intention, douter de la bonne foi des mis-en-cause.
Le Conseil ne peut non plus blâmer le journal pour avoir été à l’origine de la diffusion de l’information dans les autres médias. Une fois publiée dans un média, toute information passe dans le domaine public et peut être reprise par d’autres organes de presse. En outre, le mauvais traitement médiatique qu’ont pu en faire certains médias ne peut être imputé aux mis-en-cause.
Concernant les griefs relatifs au sensationnalisme et au manque de courtoisie du mis-en-cause, le Conseil rappelle que les journalistes ne doivent pas, au nom du journalisme d’enquête, dépasser certaines limites éthiques. Dans ce cas précis, il ne semble pas que le mis-en-cause ait eu recours au sensationnalisme dans le traitement de l’information. Les problèmes concernant la Curatelle publique, et plus généralement tous les services publics, se doivent d’être connus des citoyens. Que le journaliste ait dévoilé le nom et les symptômes de la maladie du patient semblait nécessaire à la compréhension de la situation, et n’a pas été sujet à une quelconque exagération. Quant au supposé manque de courtoisie du mis-en-cause à l’égard de la plaignante, le Conseil accorde le bénéfice du doute au journaliste, tout en rappelant que les entreprises de presse se doivent de manifester du respect envers leur public.
En regard de tout ce qui a pu être observé précédemment, le Conseil ne peut conclure à une atteinte à la réputation et à la vie privée de la plaignante et de son entourage. L’information publiée était d’intérêt public et méritait une couverture médiatique, malgré la délicatesse du sujet et son caractère désagréable autant pour la plaignante et pour ses proches, que pour le malade et sa famille.
Enfin, et pour toutes ces raisons, le Conseil rejette la plainte de Mme Landry à l’endroit du Journal de Montréal et de son journaliste Laurent Soumis.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15D Manque de vérification
- C15I Propos irresponsable
- C16G Manque d’égards envers les victimes/proches
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17E Attaques personnelles
- C17G Atteinte à l’image
- C23J Intimidation/harcèlement
- C23L Altercation/manque de courtoisie