Plaignant
Mme Anne Robillard-Saucier
Mis en cause
Mme Renée Labonne, journaliste, M. Ronald Brisson, directeur général et L’écho abitibien;
M. Ghyslain Loiselle, journaliste, M. André Renaud, directeur général et La Frontière
Résumé de la plainte
Le 16 septembre 1998, deux hebdomadaires abitibiens – La Frontière et L’écho abitibien – publient chacun un article qui relate la mort d’un jeune homme de 20 ans.
La plaignante considère que les mis-en-cause ont dérogé aux règles de l’éthique journalistique.
Griefs du plaignant
De l’avis de la plaignante, les deux journalistes ont manqué de respect envers le jeune garçon en portant atteinte à sa dignité. L’entourage du défunt aurait été choqué et bouleversé par cette couverture médiatique.
Elle regrette que la recherche de sensationnalisme ait abouti à deux articles truffés d’inexactitudes. Elle en fait l’inventaire : la personne qui a retrouvé Gilles, la journée où on l’a retrouvé et surtout le lieu de sa mort. Le jeune homme ne serait pas mort sur un tas de fumier, mais dans une meule d’ensilage.
La plaignante conclut sa lettre en rappelant que les journalistes doivent vérifier les faits auprès de plusieurs sources, même s’ils leur sont racontés par un agent de la Sûreté du Québec.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Ronald Brisson, directeur général et Mme Renée Labonne, journaliste pour L’écho abitibien :
Les mis-en-cause considèrent que des informations incomplètes leur ont été transmises par la Sûreté du Québec. Ils auraient cependant réagi immédiatement dans l’édition suivante en publiant la lettre de la plaignante expliquant les circonstances du drame, suivie d’une note de la direction confirmant le tout.
Les mis-en-cause concluent en affirmant ne jamais avoir été mal intentionnés dans le présent cas.
Commentaires de Mme Karen Villeneuve, directrice de l’information et M. Ghyslain Loiselle, journaliste pour La Frontière :
Les mis-en-cause disent avoir rapporté fidèlement les renseignements transmis le 13 septembre 1998 par le porte-parole autorisé de la Sûreté du Québec. Ce n’est que le 5 octobre, date de réception de la lettre de la plaignante, que les mis-en-cause auraient été avisés que des informations inexactes avaient été publiées. Ils maintiennent qu’ils ne pouvaient mettre en doute des informations émanant de sources sûres. Auraient-ils pu téléphoner aux parents du jeune homme, alors sous le choc, pour leur demander si leur fils était bien mort sur un tas de fumier ?
Les mis-en-cause concluent leurs commentaires en niant l’accusation de sensationnalisme et en assurant comprendre la sensibilité qui entoure un tel drame.
Réplique du plaignant
La plaignante n’a pas répliqué aux commentaires des mis-en-cause. Mais le conseil municipal de Rivière-Héva, en la personne de sa secrétaire-trésorière adjointe, Mme Louise Ayotte, a fourni au Conseil de presse une lettre de soutien pour appuyer la plaignante dans ses démarches.
Analyse
En ce qui a trait aux faits divers relatant des drames humains, les journalistes doivent redoubler de vigilance à l’égard des exigences d’exactitude et de rigueur, pour ne pas déroger à la fois aux règles d’éthique et à celles plus élémentaires de respect envers les familles des victimes. Pour ne pas ajouter à la douleur des proches, l’information se doit au moins d’être exacte et rigoureuse.
Dans le cas soumis à l’attention du Conseil, il ne fait aucun doute que les deux hebdomadaires abitibiens ont publié des informations inexactes. Mais il apparaît que l’information diffusée était inexacte parce que les journalistes ont été eux-mêmes mal informés. De là l’importance pour un organe d’information et tout journaliste de prendre tous les moyens pour vérifier leurs informations. De là aussi l’importance du souci que doivent avoir les corps publics, en l’occurrence la Sûreté du Québec, de renseigner correctement les médias et les professionnels de l’information qui seront ainsi mieux à même de bien informer la population. Le Conseil invite également les journalistes à faire preuve de prudence dans le processus de cueillette d’informations, leur rappelant l’importance du travail effectué à cet égard sur le terrain même de l’événement.
Quoi qu’il en soit, les médias en question n’avaient aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils devaient consacrer à leur rectification une forme, un espace et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses.
L’écho abitibien a reconnu ses erreurs en publiant une lettre rectificative de la plaignante et une note de la direction confirmant le tout. Il appert aussi que la direction du journal ait pris le temps de rencontrer la famille du défunt pour expliquer à cette dernière comment les informations leur avaient été transmises.
Le journal La Frontière, quant à lui, n’a pas pris la peine de rectifier ses erreurs, et en ce sens, il a fait preuve d’un manque de rigueur journalistique autant que de respect envers la famille de la victime.
Décision
Pour toutes ces raisons, le Conseil n’adresse aucun blâme à l’égard de L’écho abitibien, mais déplore que le journal La Frontière n’ait pas jugé nécessaire de corriger les inexactitudes publiées dans ses pages.
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C11B Information inexacte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C15D Manque de vérification
- C16G Manque d’égards envers les victimes/proches