Plaignant
M. Florent Charest
Mis en cause
Mme Diane Lapointe et M. François Laramée, journalistes et Le Courrier du Sud, M. Jean-Paul Auclair, directeur général
Résumé de la plainte
Le 6 septembre 1998, Le Courrier du Sud publie un article de la journaliste Diane Lapointe intitulé : « L’Opposition refuse de justifier ses promesses électorales ». Lors de la séance du Conseil municipal de Longueuil du 2 septembre, le plaignant, également porte-parole du parti de l’opposition, avait invoqué le règlement pour ne pas répondre à des questions sur des promesses électorales de l’Opposition. Il avait expliqué que seules des questions portant sur l’administration municipale pouvaient être admises durant la période inscrite à l’agenda sous le titre « La parole au public ».
Le 20 septembre 1998, le journaliste François Laramée traite du déroulement de la réunion suivante, soit celle du 16 septembre, dans un article intitulé « L’Opposition refuse, encore, d’expliquer ses promesses électorales au Conseil! ». Le plaignant conteste le traitement journalistique du compte rendu, considérant que cette forme de journalisme ne rend pas justice à une des parties.
Griefs du plaignant
Le plaignant déplore que les deux journalistes n’aient pas livré une information objective, en ayant avantagé une formation politique au détriment de l’autre. Les journalistes n’auraient pas couvert complètement et objectivement le débat qui a eu lieu sur le respect du règlement municipal.
M. Charest considère que le titre coiffant l’article du 6 septembre est faux et tendancieux. Le texte renfermerait des inexactitudes et l’expression « monter aux barricades » serait fausse, péjorative, belliqueuse, dénigrante et agressante. De plus, l’utilisation de son nom et de sa photo associés « à ces propos ignares et incomplets » lui porterait préjudice. De même en est-il pour ses collègues de l’Opposition qui sollicitent un renouvellement de mandat. Enfin, le plaignant met en doute l’intégrité du parti politique en place qui soutiendrait généreusement le journal, et dont une candidate vedette est l’épouse du président de Quebecor, entreprise copropriétaire du journal Le Courrier du Sud.
Le plaignant déplore cette forme de journalisme qui porte ombrage à ses collègues et à sa formation politique de même qu’à son image, au moment où il s’apprête à quitter, après 16 ans de politique municipale active.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. François Laramée, rédacteur en chef :
M. Laramée répond en son nom et en celui de sa journaliste. Il rappelle d’abord les états de service de sa collègue Diane Lapointe ainsi que les siens, accumulés au cours des 15 dernières années.
Il explique que si le choix éditorial a voulu insister sur le silence et l’attitude de l’Opposition, c’est que cette attitude était apparue étonnante. Le mis-en-cause explique que ce n’est pas la première fois que le public questionne l’administration sur des sujets qui sortent parfois « des cadres stricts de l’intendance de l’administration publique », mais à Longueuil, on a toujours fait preuve d’ouverture d’esprit, même du temps où le plaignant était président. Ce sont ces propos qui ont été relatés par son journal.
Dans le cas présent, l’Opposition a préféré se taire, refusant d’expliquer deux engagements électoraux lancés la semaine précédente, mais sans dire pourquoi. Le rédacteur en chef estime avoir rapporté avec justesse les principaux propos tenus lors des assemblées publiques. Il relève dans la lettre du plaignant des allusions à son amitié avec le président du Conseil municipal, et à un lien avec l’épouse du président de Quebecor, allusions qui, selon lui, tiennent du procès d’intention.
Réplique du plaignant
M. Charest rappelle qu’il a été président du Conseil municipal de 1990 à 1994 et que, pendant ce temps, toutes les interventions du public et des membres du Conseil ont porté sur des sujets de compétence municipale. Pour lui, le laxisme de la présidence actuelle ne justifie pas qu’un journaliste travestisse la conduite d’un élu qui demande le respect et l’application des règles. Selon le plaignant, les deux journalistes ont laissé croire que lui et ses collègues inventaient des nouvelles règles de procédure.
Analyse
Le Conseil de presse rappelle que les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entraves ni menaces ou représailles.
Le choix d’un sujet, sa pertinence, de même que la façon de le traiter leur appartiennent en propre et relèvent de leur jugement rédactionnel. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Toutes légitimes que soient les attentes du plaignant de voir la présidente de son Conseil municipal respecter le règlement, il ne pouvait pour autant attendre des journalistes qu’ils partagent obligatoirement sa perception des événements.
La déontologie professionnelle permet aux journalistes de traiter un sujet sous l’angle de leur choix, et de lui accorder l’importance et la visibilité qu’ils estiment raisonnables. Cette latitude est cependant assortie d’une condition, celle de respecter les faits.
Or, dans le cas soumis à son attention, le Conseil de presse considère que les mis-en-cause ont souscrit à cette obligation. Bien que le récit ne corresponde pas nécessairement aux attentes du plaignant, et en vertu de sa liberté éditoriale, Le Courrier du Sud avait le droit de présenter un tel récit des événements et à choisir ce titre.
Le Conseil ne pourrait, sans donner dans le procès d’intention, endosser la position du plaignant selon laquelle l’angle de traitement des journalistes aurait été dicté par la parenté d’intérêts entre ceux d’une candidate du parti au pouvoir et ceux des journalistes sensibles à des avantages pour la direction de leur journal.
En ce qui a trait aux griefs d’atteinte à l’image du plaignant et de sa formation politique, le Conseil considère que c’est davantage la réaction publique du plaignant à la demande d’information, que le récit qui en est fait, qui laisse une image discutable.
Sans prendre partie en matière municipale – ce qui n’est pas le rôle du Conseil de presse – il est possible d’observer que nulle part, en effet, il n’est mentionné où et quand l’Opposition projette de répondre à ces questions. Une telle précision aurait sûrement ajouté au fait que ce n’était ni le lieu, ni le moment de répondre à cette question.
Décision
En conséquence et pour ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C13A Partialité
- C13B Manipulation de l’information
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image