Plaignant
Gilles Breton et Johanne Lemieux
Mis en cause
Marie-Claude Roy, journaliste, et Junior,
le magazine préféré des parents (Dominique Raymond, directricegenerale)
Résumé de la plainte
Dans son numéro de novembre 1998,
le magazine Junior publie un dossier sur l’adoption internationale,
signé par la journaliste Marie-Claude Roy.
De l’avis du plaignant, environ 60%
du dossier publié a été plagié sur le site Internet dont il est l’auteur. Les
textes de ce dernier n’auraient pas été identifiés par des guillemets.
Les plaignants, coauteurs d’un site
Internet sur le même sujet, se sentent lésés et portent plainte.
Griefs du plaignant
Griefs de M. Gilles Breton :
De l’avis du plaignant, environ 60%
du dossier publié a été plagié sur le site Internet dont il est l’auteur. Les
textes de ce dernier n’auraient pas été identifiés par des guillemets. La
journaliste mise en cause, Mme Marie-Claude Roy, se serait contentée de
mentionner la source et le nom de l’auteur, ce qui, selon ce dernier, ne serait
pas suffisant.
Le plaignant accuse donc la
mise-en-cause de plagiat, en rappelant que les textes de son site Internet sont
protégés par des droits d’auteur.
Une page du site écrite par Mme
Johanne Lemieux, coplaignante, aurait été reprise et attribuée au plaignant.
Le plaignant explique qu’il a
accordé une entrevue à la mise-en-cause. À ce moment-là, il n’avait aucune
objection à ce que son site soit utilisé, mais dans les règles de l’art.
Le plaignant s’interroge sur la pratique
journalistique elle-même : et si son texte avait comporté des erreurs? Aucune
vérification n’aurait été effectuée par la mise-en-cause pour s’assurer de
l’authenticité des informations plagiées.
Enfin, le public aurait été lésé,
puisqu’il a payé pour avoir des informations diffusées gratuitement sur le site
du plaignant.
Ce dernier conclut en précisant que
son site existe depuis près d’un an. La date affichée sur les pages transmises
au Conseil est celle de la dernière modification apportée au texte.
Griefs de Mme Johanne Lemieux :
La plaignante est travailleuse
sociale, bénévole en adoption et mère adoptive. Elle aurait été la première à
découvrir le texte plagié de Mme Roy dans le magazine Junior de novembre
1998.
La plaignante avait offert sa
collaboration à M. Breton en ajoutant au site de ce dernier ses propres textes.
En novembre 1998, elle découvre le
plagiat : ses textes sont repris sans guillemets, sans citation. La plaignante
parle de » collage mal fagoté « . Elle considère qu’il s’agit d’un vol
de la propriété intellectuelle.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Marie-Claude Roy,
journaliste :
La mise-en-cause retrace la
chronologie des événements :
– En août 1998, Dominique Raymond,
directrice de la publication du magazine Junior, demande à la
journaliste un article sur l’adoption internationale.
– La journaliste commence son
enquête auprès de parents adoptifs, du Secrétariat à l’adoption internationale,
de quelques organismes. Elle explore des sites Internet et prend des contacts
téléphoniques pour obtenir des entrevues.
– De cette façon, elle interviewe
M. Breton en août dernier. Ce dernier lui fait part de son vieux rêve d’être
journaliste. La mise-en-cause lui fait savoir que son site est très intéressant
et qu’elle veut en extraire des informations. Le plaignant lui fait part de son
expérience de père adoptif.
– Vient le moment de rédiger
l’article. La mise-en-cause valide toutes les informations auprès du
Secrétariat à l’adoption internationale. Les deux articles qu’elle écrit sont
publiés dans le numéro de novembre 1998.
– Au début du mois de novembre, Mme
Raymond informe la journaliste des intentions de M. Breton de porter plainte.
Ce dernier aurait déclaré qu’elles allaient payer pour leurs erreurs.
– Le 29 novembre 1998, la journaliste
va consulter le site. Elle s’aperçoit qu’il a été modifié et que son auteur y a
incorporé des informations extraites des articles incriminés.
La mise-en-cause maintient qu’il
n’y a jamais eu de plagiat. Elle rappelle qu’elle a indiqué la source de ses informations
et que M. Breton est cité plusieurs fois. Enfin, elle regrette d’avoir
interviewé M. Breton, qui lui aurait fait croire qu’il était père adoptif,
alors qu’il n’a aucun enfant.
Commentaires de Mme Raymond,
directrice de la publication :
La mise-en-cause raconte son
étonnement lorsqu’elle a appris les intentions du plaignant. Elle considère en
effet la journaliste mise en cause comme étant digne de confiance. Elle
rappelle que cette dernière a plusieurs années d’expérience.
Lorsque M. Breton l’a informée de
sa volonté de porter plainte, Mme Raymond lui a proposé une rencontre avec
l’éditeur, la journaliste, et elle-même. Devant son refus, elle s’est engagée à
publier un erratum dans lequel M. Breton aurait été présenté comme coauteur de
l’article. Le plaignant aurait également refusé, tout comme d’ailleurs il
aurait refusé une somme d’argent.
La mise-en-cause conclut en
affirmant que le plaignant, qui lui aurait également fait part de son vieux
rêve d’être journaliste, était de toute façon fermé à toute forme d’entente.
Réplique du plaignant
M. Breton refuse de répondre aux
attaques personnelles dont il est la cible.
Le plaignant fait remarquer que Mme
Raymond ne nie pas ses accusations, puisqu’elle fait état de tous les efforts
entrepris pour corriger la supposée erreur.
Le plaignant rappelle qu’il avait
accepté que la journaliste utilise son site, mais dans les règles de l’art.
Le plaignant nie avoir modifié le
texte de son site après la publication de l’article incriminé pour y incorporer
des éléments de ce même article. Pour preuve, il indique que plusieurs lettres
d’appui, accompagnées de copies du site, ont été transmises au Conseil de
presse sous pli séparé :
– Mme Monica St-Pierre, secrétaire
de l’Association des parents en adoption internationale du Saguenay-Lac
Saint-Jean, fournit au Conseil des pages du site. Elle les aurait
personnellement imprimées en janvier-février 1998 pour le conseil
d’administration de l’association. La carte du site est datée du 28 janvier
1998.
– Mme Lemieux, avec sa lettre de
plainte, a fourni une lettre de Mme Beaurivage, directrice de l’agence
d’adoption » Soleil des Nations « , ainsi qu’une copie de son texte
» Les pièges de l’adoption », que Mme Beaurivage posséderait
depuis février 1998. Cette dernière a publié des passages du texte de la
plaignante dans Le Rayon de Soleil en avril et décembre 1998.
– Mme Claire-Marie Gagnon,
présidente de la Fédération des parents adoptants au Québec, a fourni également
une lettre d’appui ainsi que plusieurs pages imprimées à partir du site. Ces
pages auraient été imprimées en août et septembre 1998. Y apparaissent ces
corrections manuscrites. Les pages portent une date d’impression et une date de
mise à jour à la fin de la page Internet.
Le plaignant conclut en soulignant
le comportement aggravant des mises-en-cause dans leurs commentaires : plutôt
que de manifester du remords, elles ont préféré rejeter la faute sur le
plaignant.
Analyse
Le Conseil tient à rappeler que le fait qu’une information soit diffusée sur le réseau Internet ne justifie pas un média de la reproduire impunément sans en mentionner la provenance ou sans l’autorisation de son auteur. Le fait d’effectuer des modifications à un texte original ne permet pas non plus de se l’attitrer. Non seulement la loi sur les droits d’auteur le réprouve, mais c’est là aussi une question d’éthique professionnelle.
Le cas qui nous est présenté est un peu différent. Mme Roy a obtenu la permission de M. Breton d’utiliser son texte et le cite à plusieurs reprises en plus de lui adresser des remerciements particuliers à la fin de son article. Le problème ne vient donc pas de l’utilisation elle-même mais plutôt de l’abus qui confine au plagiat et de la confusion créée dans l’esprit du lecteur qui ne sait plus qui, de la journaliste ou de M. Breton, est véritablement l’auteur des lignes qu’il a sous les yeux.
Plus de la moitié du texte signé par Mme Roy est constitué de passages entiers, parfois intégraux, parfois remaniés, du texte du plaignant et à un degré moindre, d’un autre de Mme Lemieux, qui l’avait publié dans une revue spécialisée sur l’adoption ainsi que sur Internet, texte dont Mme Roy a repris des pans entiers.
La signature et la présentation laissent entendre qu’il s’agit d’un article original. Un journaliste peut certes citer diverses sources, mais à l’analyse, l’article apparaît plutôt comme un collage d’éléments tirés majoritairement des textes de M. Breton et de Mme Lemieux, l’apport personnel de la journaliste ou le résultat de recherches additionnelles nous semblant plutôt minime.
Or, l’absence de guillemets ou d’éléments de présentation permettant clairement de dégager l’origine des textes porte le lecteur à attribuer au magazine et à sa journaliste des emprunts faits aux deux plaignants. Le Conseil y voit un manque de rigueur.
Le Conseil accueille donc la présente plainte à l’encontre du magazine Junior et de sa journaliste Marie-Claude Roy.
Les plaignants et les mises-en-cause s’accusant réciproquement de plagiat, il a d’abord fallu déterminer la date de parution pour permettre de départager le copieur du copié. La difficulté de statuer sur un tel cas réside cependant dans le fait que les textes des plaignants ont été diffusés sur Internet. Or, on connaît le caractère éphémère des informations véhiculées par un support semblable.
Le Conseil a dû examiner quatre versions du site Internet des plaignants pour arriver à démontrer l’existence d’un plagiat. C’est dire toute la volatilité des informations diffusées sur ce réseau, et le peu de prise offert à qui voudrait retracer le parcours d’un texte qui y est diffusé. C’est sans compter l’absence de réglementation sur Internet, et la difficulté d’en établir une suffisamment pragmatique pour pouvoir être respectée.
Analyse de la décision
- C23 Cueillette de l’information