Plaignant
Mme Raymonde G. Gauvin
Mis en cause
M. Martin Bourassa, journaliste, et Le Courrier de Saint-Hyacinthe (Jean Vigneault, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
La plaignante a été secrétaire-trésorière et présidente d’élections lors du scrutin du 1er novembre 1998 dans la municipalité de Saint-Hugues.
Suite à des incidents lors du dépouillement des votes dans le bureau de vote de la plaignante, Le Courrier de Saint-Hyacinthe publie un commentaire du journaliste Martin Bourassa, le 4 novembre 1998.
Puis dans son édition du 25 novembre 1998, le même journal publie une nouvelle humoristique évoquant le changement d’emploi de la plaignante, dans la rubrique « Rumeurs et indiscrétions ».
Cette dernière se sent lésée et porte plainte.
Griefs du plaignant
Concernant l’article publié le 4 novembre 1998 :
La plaignante considère qu’il porte atteinte à sa réputation dans le cadre de ses fonctions de présidente d’élections. Selon elle, les propos tenus par le journaliste sont erronés et discréditent tout le personnel ayant travaillé à cette élection.
Concernant la nouvelle humoristique publiée le 25 novembre 1998 :
La plaignante estime qu’elle fait état d’une information à caractère personnel. Cela porterait atteinte à sa réputation. La plaignante se serait gardée de faire connaître son nouvel emploi parce qu’elle aurait subi à deux reprises des actes de vandalisme sur son véhicule. Elle précise que la publication d’une telle information a eu des effets négatifs dans ses relations avec son nouvel employeur.
Commentaires du mis en cause
M. Jean Vigneault, rédacteur en chef du Courrier de Saint-Hyacinthe, répond aux griefs de la plaignante :
Concernant l’article publié le 4 novembre 1998 :
Le mis-en-cause précise qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle, mais d’un commentaire clairement identifié comme tel. à ce titre, le journaliste avait le droit d’exprimer son opinion : il avait le droit de faire état, « dans des termes sévères mais polis », de l’incompétence de la plaignante lors de la soirée des élections. Le mis-en-cause ne considère pas qu’il s’agissait d’une atteinte à la réputation. Il précise également que jamais la plaignante n’aurait tenté de communiquer avec le journal pour manifester son mécontentement, par la voie du courrier des lecteurs. Le mis-en-cause joint à ses commentaires un article publié en octobre 1997, qui démontrerait le désaccord de la plaignante et de la municipalité quant à la couverture médiatique du Courrier de Saint-Hyacinthe.
Concernant la nouvelle publiée le 25 novembre 1998 :
Le mis-en-cause en rappelle le caractère humoristique. En soulignant que le nouvel emploi de la plaignante ne se situait pas dans le secteur des relations publiques, cette nouvelle aurait eu comme but de faire allusion avec humour à la piètre performance de la plaignante lors de la soirée électorale. Selon le mis-en-cause, cette nouvelle se contentait de constater une évidence et n’apprenait rien aux lecteurs. Le but de ce billet n’était pas de nuire à la plaignante, mais de faire sourire les lecteurs. Le mis-en-cause conclut en rappelant que les actes de vandalisme commis sur la voiture de la plaignante sont antérieurs à la parution de ce potin. Il met en doute le fait que la plaignante ait reçu des commentaires négatifs de la part de son nouvel employeur suite à la publication de cette information et précise que l’institution dans laquelle elle travaille n’a pas contacté le journal à ce sujet.
Réplique du plaignant
Concernant l’article publié le 4 novembre 1998 :
La plaignante accuse le journaliste d’avoir mentionné des faits non véridiques :
– Les bureaux de vote n’auraient pas « ouvert avec 35 minutes de retard après que l’on ait constaté qu’il n’y avait pas de crayons et de règles de bois en quantité suffisante ». La plaignante rappelle qu’elle n’a pas quitté les lieux avant l’ouverture des bureaux de vote et se demande alors comment le matériel aurait pu parvenir à l’endroit où se tenait le scrutin puisqu’elle aurait été la seule à détenir les clés du bureau municipal.
– La plaignante nie avoir déclaré que le retard lors du dépouillement était dû entre autres à quelques erreurs sur les bulletins de candidature.
– Le journaliste aurait mentionné que c’est à 20 heures, soit avec une heure de retard, que le dernier électeur aurait déposé son bulletin. La plaignante rappelle que tout électeur présent lors de la fermeture du bureau de vote peut encore voter.
– Dans son article, le journaliste dénonce l’expulsion hors du bureau de vote de quelques personnes, à commencer par lui. La plaignante explique que toutes les personnes qui n’avaient pas de procuration signée par un candidat ont quitté la salle après la fermeture du scrutin. Seul le journaliste a insisté pour rester, malgré les explications de la plaignante. Il aurait ainsi retardé de 15 minutes le début du dépouillement.
– Le préposé à l’information et au maintien de l’ordre a mentionné aux personnes à l’extérieur que le résultat serait annoncé environ vers minuit.
– La plaignante relève d’autres inexactitudes, concernant la présence policière sur les lieux.
La plaignante considère que la métaphore de la contraception utilisée par le journaliste démontre un manque total de respect et constitue une atteinte à la charte des droits de la personne.
La plaignante dit avoir communiqué une seule fois avec le journaliste de manière informelle, suite à une nouvelle parue le 8 octobre 1998. Dans cet article, le journaliste aurait utilisé des propos de la plaignante à son insu.
La plaignante conclut en regrettant que le journal se serve d’elle comme bouc émissaire pour expliquer les mauvaises relations qu’il entretient avec la mairie de Saint-Hugues.
Concernant la nouvelle publiée le 25 novembre 1998 :
La plaignante réplique au mis-en-cause sur la question de ses compétences en relations publiques, en rappelant son ancien emploi de téléphoniste au sein du Courrier de Saint-Hyacinthe. Elle tient également à rappeler que seul ce journal-là a remis en cause ses compétences professionnelles.
La plaignante dit ne jamais avoir affirmé que le journal était responsable des dommages faits à sa voiture. Mais c’est par crainte de récidives qu’elle préférait taire son nouvel emploi.
De par la faible pénétration du journal dans la ville de Saint-Hugues, la plaignante doute que le mis-en-cause ait atteint son but : faire sourire les lecteurs.
La plaignante reconnaît que l’article n’a pas entraîné directement des commentaires négatifs de la part de son nouvel employeur. Mais elle affirme avoir été soumise à une surveillance inhabituelle dans les semaines qui ont suivi la publication de l’article. De plus, son employeur se chargerait maintenant, à sa place, de communiquer avec le journal.
Selon la plaignante, les gens qui ne la connaissaient pas ont pu prendre au sérieux les informations négatives publiées sur elle.
Analyse
Le Conseil rappelle que l’information communiquée au public fait nécessairement l’objet de choix rédactionnels : le choix du genre journalistique est primordial pour permettre d’appréhender toute la latitude accordée à un journaliste dans son travail rédactionnel. Ainsi, le commentaire se distingue de l’information brute en ce qu’il constitue une tribune réservée au journaliste, pour qu’il exprime ses convictions, ses tendances et ses points de vue. Ce genre constitue essentiellement du journalisme d’opinion et il est une manifestation de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.
Dans le cas soumis à l’attention du Conseil, l’article incriminé était un commentaire, dûment identifié comme tel. Le journaliste était donc en droit de critiquer sévèrement le travail de la plaignante lors de la soirée électorale. Il était en droit également de souligner sa piètre performance professionnelle. Une seule limite devait baliser ses propos : le respect des faits et la rigueur dans leur traitement. Or, si la plaignante relève quelques inexactitudes dans les propos du mis-en-cause, elles se révèlent mineures. Et surtout, elles ne remettent pas en cause le principal reproche du journaliste, c’est-à-dire ce qui a motivé sa critique sévère : le retard dans le dépouillement des bulletins de vote.
Concernant le second article, celui faisant mention du nouvel emploi de la plaignante, rappelons qu’il avait été rédigé dans le cadre d’une chronique humoristique. Bien que ce genre journalistique ne donne pas toute latitude à l’auteur, l’article sous étude ne contenait rien de répréhensible.
Décision
Pour toutes ces raisons, le Conseil de presse n’accueille pas la plainte de Mme Gauvin à l’endroit du Courrier de Saint-Hyacinthe et de son rédacteur en chef, M. Jean Vigneault.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11H Terme/expression impropre
- C16D Publication d’informations privées
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17G Atteinte à l’image