Plaignant
Michel Patry
Mis en cause
Rollande Parent, journaliste, et la
La Presse Canadienne (Claude Papineau, vice-président aux services de
langue française)
Résumé de la plainte
Le policier Michel Patry porte
plainte contre la journaliste Rollande Parent suite à un article publié le 28
janvier 1999 dans le journal La Presse, et intitulé » Le rapport
Poitras dévastateur pour la S.Q.? ». Le plaignant reproche à la
journaliste d’avoir menti et induit le lecteur en erreur par des commentaires
erronés.
Griefs du plaignant
Le plaignant reproche à la
journaliste d’avoir écrit cette phrase au premier paragraphe de son article sur
les travaux de la Commission Poitras: » La fabrication de preuves
par des policiers de la S.Q. pour mieux épingler des criminels, comme cela
s’est produit dans l’affaire Matticks… ».
Selon le plaignant, la journaliste
ment puisqu’elle » sait très bien que les policiers accusés d’avoir
fabriqué des preuves dans l’affaire Matticks furent tous acquittés et que, ce
faisant, la fabrication de preuves ne fut pas prouvée ».
Pour Michel Patry, Rollande Parent
induit le lecteur en erreur et donc, outre la rétractation exigée de la part de
la journaliste, il demande la mise en application par le Conseil de presse
« de toutes autres mesures…pour éviter une répétition de ce genre de
commentaires erronés, mensongers et complètement inexacts ».
Commentaires du mis en cause
La journaliste Rollande Parent et
le vice-président aux services de langue française de La Presse Canadienne,
Claude Papineau, ont tous deux soumis des commentaires en réponse aux griefs du
plaignant.
Dans les siens, Mme Parent retourne
brièvement au procès des frères Matticks et aux faits justifiant l’arrêt des
procédures, décrété le 15 juin 1995 par la juge Micheline Corbeil-Laramée de la
Cour du Québec. Elle rappelle que suite aux allégations des avocats des
Matticks selon lesquelles des documents avaient été » plantés »
parmi d’autres saisis chez leurs clients afin de mieux les incriminer, la juge
» a conclu que tel était le cas et, pour cette raison, a ordonné l’arrêt
des procédures contre les Matticks ».
La journaliste cite alors plusieurs
passages du rapport de la Commission Poitras qui font référence au jugement et
à sa conclusion selon laquelle des documents avaient été
« délibérément ajoutés à la preuve par les policiers ».
Elle note que le rapport de la Commission contient même des éléments qui
indiquent » qu’il y avait également eu plantage de preuves à une autre
adresse, cette fois, chez Gérald Matticks ».
Rollande Parent admet que » le
policier Michel Patry a bien raison de dire que les quatre policiers accusés
d’avoir fabriqué des preuves dans l’affaire Matticks, par rapport à la
perquisition rue Prince, ont été acquittés ».
Mais selon elle, cela ne permet
aucunement au plaignant d’affirmer » que ce faisant la fabrication de
preuves ne fut pas prouvée ». Tout ce qu’on peut conclure de cet
acquittement, c’est que la preuve présentée en Cour supérieure était
insuffisante pour identifier les auteurs du » plantage ». Ce
n’est pas le fait qu’il y ait eu » plantage » qui est en cause
ici. Elle rappelle à cet égard que le » jugement de Mme Corbeil-Laramée
n’a d’ailleurs jamais été porté en appel ».
Pour sa part, Claude Papineau
précise que l’article incriminé a été publié dans La Presse par le biais
de son abonnement aux services de La Presse Canadienne: » Il s’agit
d’un texte annonçant la publication du rapport de la Commission Poitras et
résumant les questions abordées au cours des audiences ». Monsieur
Papineau souligne que » l’information que publie La Presse Canadienne est
clairement vérifiable et constitue en fait l’un des éléments déclencheurs de la
Commission Poitras ». Pour ces raisons, les mis-en-cause demande au
Conseil de rejeter la plainte de Michel Patry.
Réplique du plaignant
Le plaignant remarque que la
journaliste fait plusieurs fois référence à ce que la juge Corbeil-Laramée et
la Commission Poitras en seraient » venues à la conclusion qu’il y avait
eu « plantage » de documents. Cependant, Mme Parent « oublie »
de vous spécifier que la juge Corbeil-Laramée n’a jamais visé certains
policiers en particulier et que la Commission Poitras, quant à elle, se garde
bien elle aussi de pointer un coupable entre autres parmi les quatre policiers
accusés de fabrication de preuve ».
Pourtant, selon le plaignant, dans
son article madame Parent » n’hésite cependant pas à conclure qu’il y a eu
une fabrication de preuve et à identifier les « auteurs » ».
Pour ces raisons, Michel Patry maintient sa plainte.
Analyse
De l’avis du Conseil, il apparaît déraisonnable de prétendre comme le fait le plaignant, que parce que » les policiers accusés d’avoir fabriqué des preuves dans l’affaire Matticks furent tous acquittés… la fabrication de preuves ne fût pas prouvée ». On ne peut pas dire qu’un crime n’existe pas, du seul fait qu’on n’en a pas identifié les coupables!
À cet égard, les mis-en-cause ont raison de souligner que non seulement le jugement de la juge Micheline Corbeil-Laramée au sujet du » plantage de documents » tient toujours, puisqu’il n’a jamais été renversé par une instance supérieure, mais aussi, qu’il » constitue en fait l’un des éléments déclencheurs de la Commission Poitras ».
Par ailleurs, le plaignant affirme dans sa RÉPLIQUE que la journaliste « n’hésite cependant pas à conclure qu’il y a eu une fabrication de preuve et à identifier les auteurs ».
Le Conseil n’a pu retracer dans l’article incriminé aucun passage où la journaliste identifierait les auteurs de la fabrication de preuve dans l’affaire Matticks. Sa seule référence à l’événement vient au moment où Rollande Parent évoque les difficultés rencontrées par les policiers chargés de l’enquête interne à la S.Q.
Elle dit alors des trois enquêteurs » qu’ils ont reçu de l’aide trop tard pour être en mesure d’étayer la preuve à faire contre les quatre policiers accusés d’avoir participé à la fabrication de preuves dans l’enquête Matticks ».
Le Conseil ne voit rien là qui s’apparente à une déclaration de culpabilité comme le prétend le plaignant. La journaliste ne fait que relater certains des faits soumis à l’attention de la Commission Poitras par des témoins. Par ailleurs, le verdict de non-culpabilité dans un procès n’efface pas le crime, ni l’historique des accusations portées dans le cadre du dossier.
Aussi, en regard de ces considérations, le Conseil de presse rejette-t-il la présente plainte.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits
- C11H Terme/expression impropre