Plaignant
Jennie Skene
Mis en cause
Gaétan Fontaine, journaliste, et Le
Journal de Québec (Serge Côté, rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
La présidente de la Fédération des
infirmières et infirmiers du Québec, Jennie Skene, porte plainte contre le
journaliste Gaétan Fontaine, suite à un article publié le 29 janvier 1999 dans Le
Journal de Québec et intitulé, » Une infirmière poursuit une
avocate pour 500 000 $ ». La plaignante considère que cette
nouvelle n’est ni complète, ni impartiale.
Griefs du plaignant
La plaignante reproche au
journaliste d’avoir écrit son article sans contacter la FIIQ ou sa procureure,
Me Caron, pour connaître leur version des faits. Madame Skene reproche de plus
à Gaétan Fontaine de ne mentionner que le nom de Me Caron dans son article,
alors qu’il tait ceux de Hélène Châteauneuf, l’infirmière qui intente la
poursuite, et de Daniel Petit, son avocat.
Pour toutes ces raisons, et parce
que la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec croit qu’il est
important pour les médias de respecter les conditions et les exigences du droit
à l’information, Jennie Skene dépose une plainte devant le Conseil de presse.
Commentaires du mis en cause
Le rédacteur en chef du Journal
de Québec, Serge Côté, rappelle que l’article en question a été
« bâti à partir de données contenues dans une procédure légale et
publique. On ne parle pas ici d’une entrevue ou d’une conférence de presse.
Dans ces deux derniers cas, nous aurions tenté d’avoir la version de la partie
visée ».
Et de toute façon, ajoute M. Côté,
» nous ne croyons pas être tenus, dans les circonstances, d’aller chercher
les versions des faits. Ce sera au tribunal concerné d’établir la véracité des
affirmations contenues dans la poursuite ».
» Quant au fait de citer
un nom ou de ne pas citer l’autre, il relève du choix du journaliste dans le
traitement qu’il fait de l’information. Nous ne sommes pas tenus de citer les
éléments selon le goût des parties impliquées. Nous le faisons en fonction de
la compréhension qu’aura le lecteur d’une information ».
Pour ces raisons, M. Côté juge que
l’information telle que présentée permettait une bonne compréhension de la
nouvelle.
Réplique du plaignant
La plaignante rejette les arguments
du mis-en-cause, en particulier celui où Serge Côté prétend que l’article de
son journaliste n’a été bâti qu’à » partir de données contenues dans une
procédure légale et publique ».
Mme Skene en veut notamment pour
preuve, deux détails qui font partie de l’article de Gaétan Fontaine, mais que
l’on ne retrouve pas dans la poursuite déposée devant la Cour.
» Elle s’était infligé une hernie discale en
soulevant des paraplégiques. Cet accident avait été déclaré à l’employeur et à
la CSST, qui avait conclu plutôt à l’existence d’une entorse lombaire…
…Les commissaires ayant refusé d’ajourner la cause aux
fins de lui permettre de se constituer un nouvel avocat … »
Pour la plaignante, il est clair
que le journaliste a fait une » entrevue » avec la partie
demanderesse. Dans ce cas, si la règle citée par M. Côté dans ses COMMENTAIRES
devait s’appliquer à Gaétan Fontaine, celui-ci aurait » tenté d’avoir la
version de la partie visée ». Or il ne l’a pas fait.
Par ailleurs, Mme Skene ne voit pas
comment le fait de ne nommer que Me Caron dans l’article permet au lecteur une
» bonne compréhension » de l’information contenue dans l’article,
comme le prétend Serge Côté.
Par conséquent, la plaignante
maintient que » l’information telle que traitée par le journaliste Gaétan
Fontaine et Le Journal de Québec dans l’article publié le 29 janvier
1999 n’était ni complète ni impartiale contrairement aux règles élémentaires de
l’art en matière d’information ».
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entrave ni menace ou représailles. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à orienter l’information.
L’article de Gaétan Fontaine est une courte nouvelle qui rapporte et résume une poursuite déposée en Cour supérieure. Les éléments mis en lumière sont conformes aux faits présentés dans le texte du recours.
Lorsque les médias font état de poursuites judiciaires, ils n’ont pas coutume de rapporter systématiquement, dans tous les cas, le point de vue des deux parties. Dans ce cas, aux yeux du Conseil toutefois, il aurait été préférable que l’article du Journal de Québec présente la version des faits de la Fédération des infirmières du Québec ou de sa procureure, Me Caron, puisque la réputation personnelle de celle-ci était directement mise en cause.
En outre, le fait de choisir de ne nommer qu’une seule partie visée dans cette affaire, soit uniquement la personne poursuivie, soulève un problème d’équité. Le Conseil ne voit aucune raison valable qui aurait pu justifier de taire le nom de l’infirmière Hélène Châteauneuf à l’origine de la poursuite ou de son avocat, Me Daniel Petit, et ne peut qu’accueillir la plainte sur ce grief.
En regard de l’ensemble de ces considérations, le Conseil de presse accueille partiellement la plainte à l’encontre du Journal de Québec.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C03B Sources d’information
- C03C Sélection des faits rapportés
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits