Plaignant
Ève Lamont, camerawoman
Mis en cause
Louis Lemieux, journaliste, et Radio-Canada
« Bulletin denouvelles » (Jean Pelletier, dir. des
nouvelles télévisées)
Résumé de la plainte
Ève Lamont porte plainte contre le
journaliste Louis Lemieux, suite à la diffusion de son reportage, intitulé
» tentative d’entartage ratée « , aux bulletins de nouvelles de Radio-Canada
de 18 heures et 22 heures, le 25 janvier 1999.
Le reportage tendait à mettre en
évidence une entreprise avortée d’entartage dirigée contre Jean Monty. Bien
qu’il n’y ait pas eu de tentative ce jour-là, il s’agissait de prouver qu’un
entarteur connu était prêt à agir, aidé d’un photographe et sous l’œil averti
de la camerawoman prête à filmer l’offensive. Le journaliste s’interrogeait sur
la médiatisation de ce phénomène nouveau.
Griefs du plaignant
La camérawoman Ève Lamont reproche
au journaliste de » l’avoir mise en évidence et filmée plus que toute
autre personne […] en tant qu’instigatrice d’un complot « .
Louis Lemieux lancerait des «
affirmations mensongères » se révélant » fort préjudiciable[s] «
pour la plaignante. Elle motive particulièrement sa plainte sur le fait qu’
» aucune entrevue, aucune source d’information, aucun fait véritable
n’apparaissent dans le reportage pour prouver ou même soutenir les allégations
du journaliste « . Selon elle, le sujet lui nuit d’autant plus qu’il est
» monté sous forme d’enquête […] dévoilant les coupables d’un crime
« . Ève Lamont porte à l’attention du Conseil de presse l’écho médiatique
de ce reportage, aussi bien dans le public, que dans la presse écrite. Elle
joint les articles des chroniqueurs qui ont commenté cette diffusion :
Pierre
Foglia, dans La Presse du 6 février 1999, signe une chronique
intitulée » Les terroristes » en référence au qualificatif
employé par le présentateur du bulletin de nouvelles, Stephan Bureau.
N.
Collard dans le journal Voir du 4 février publie un article
titré: » Pas de la tarte « .
Francine
Grimaldi dans le journal La Presse du 29 janvier.
Yves
Schaëffner dans le journal Ici du 28 janvier.
A
cela s’ajoute une lettre dans le courrier des lecteurs du journal Voir.
Environ un mois et demi après le
dépôt de sa plainte, Ève Lamont fait parvenir des informations complémentaires
au Conseil de presse du Québec. Après avoir écrit à l’ombudsman de la
Société Radio Canada (SRC), elle fait part de ses réactions aux
explications qu’elle a reçues de Jean Pelletier, directeur des nouvelles
télévisées. Elle accuse alors le journaliste Louis Lemieux d’avoir inséré dans
son reportage » des faits arrangés de toutes pièces afin de créer un effet
dramatique et faire sensation « . Jean Pelletier lui aurait avoué oralement
que l’objet du reportage était de » démasquer les entarteurs « . Ce
dernier appuierait ses soupçons sur le fait qu’Eve Lamont ait déjà filmé des entartages
par le passé.
La plaignante prétend que le
journaliste » détourne des images de leur signification pour illustrer de
façon trompeuse son propos « .
Commentaires du mis en cause
A l’appui du texte du reportage, le
mis-en-cause, le journaliste Louis Lemieux, conteste une à une les accusations
portées par la plaignante. Selon lui, dans un premier temps, le texte » ne
dit ni plus ni moins que ce qu’on voit « . Dans un second temps, le
reportage tentait d’expliquer ce qui restait […] des questions sans réponses
formelles, et avec personne à qui les poser, l’entartage n’ayant de toute
évidence pas eu lieu « . De l’avis de Louis Lemieux, » il n’y avait
que la raison de l’échec qui variait dans la version officielle « .
En effet, il affirme que les
entarteurs ont produit des aveux par communiqué le lendemain.
Enfin, la conclusion du reportage
est expliquée comme » un condensé d’impressions et de réactions
recueillies « . L’absence d’entrevue serait compensée par le fait que
» les entarteurs eux-mêmes ont confirmé la tentative avortée ».
Louis Lemieux avoue que les » images […] associent effectivement Mme
Lamont à l’événement de la tentative d’entartage dans la mesure où l’hypothèse
du reportage est basée sur sa présence et son rôle sur place « . En
revanche, il indique » qu’il n’a jamais été dit ni prétendu […] que Mme
Lamont faisait partie d’un soi-disant complot ».
Réplique du plaignant
Aucune réplique n’a été faite par
la plaignante.
Analyse
Le phénomène de l’entartage se nourrit de l’écho médiatique qu’il reçoit. Le journaliste Louis Lemieux a tenté de faire une enquête sur une possible complicité entre journalistes et entarteurs. Le sujet ne manque pas de pertinence, cependant, il n’a pas été traité avec la profondeur que l’on pouvait en attendre. En fait d’enquête, le journaliste produit avant tout des accusations.
De l’avis du Conseil, l’introduction de ce reportage par le qualificatif de « terroriste » et sa dramatisation à outrance ont glissé sur le terrain du sensationnalisme facile. Le téléspectateur est attiré par des mots percutants qui apparaissent galvaudés dans ce cas-là.
La plaignante s’estime personnellement visée par le journaliste. Le Conseil considère à ce propos que les allégations au sujet de la plaignante, plus ou moins sous-entendues dans le reportage en cause, ne sont pas étayées clairement, et apparaissent gratuites.
Aussi, pour ces motifs, le Conseil de presse retient-il la présente plainte sur la base d’un traitement sensationnaliste.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17G Atteinte à l’image