Plaignant
Ministère de la solidarité sociale
par Danielle-Maude Gosselin
Mis en cause
Lianne Castelino, journaliste, et CFCF-12
(Suzanne Gouin, vice-présidente, Nouvelles et Affaires publiques)
Résumé de la plainte
Au nom du ministère de la
Solidarité sociale, Danielle-Maude Gosselin porte plainte contre la journaliste
Lianne Castelino et la station de télévision CFCF-12. Selon la
plaignante, le reportage de la journaliste diffusé les 19 et 20 janvier 1999,
dans le cadre du bulletin de nouvelles de « Pulse News « ,
est faux.
Non seulement cette histoire d’un
prestataire de la sécurité du revenu privé de ses chèques à cause d’un
changement d’adresse est-elle inexacte, mais de plus la journaliste a
enregistré et diffusé des conversations téléphoniques du prestataire avec deux
employées du ministère, sans autorisation.
Pour ces raisons donc, la
plaignante dénonce le » professionnalisme douteux » de CFCF-12
et de sa journaliste. Selon Danielle-Maude Gosselin, cet important manquement à
l’éthique journalistique a pour effet de ternir injustement l’image du
ministère de la Solidarité sociale et de ses fonctionnaires.
Griefs du plaignant
La plaignante reproche à Lianne
Castelino d’avoir présenté, les 19 et 20 janvier 1999, un reportage prétendant
qu’un prestataire de l’aide sociale était privé de ses chèques des mois de
décembre et janvier parce qu’il avait changé d’adresse. De plus, on expliquait
que les chèques n’avaient pas été remplacés, parce que cette personne n’avait
pas rempli les bonnes formules, et que le ministère de la Solidarité sociale
était à l’origine de cette situation fâcheuse.
Or, les vérifications effectuées
par le personnel du ministère ont démontré que ces » informations
diffusées par CFCF étaient totalement fausses. D’ailleurs, deux jours
après le reportage, M. Kowarsky a téléphoné au Centre local d’emploi de
Notre-Dame-de-Grâce et a reconnu avoir bel et bien reçu et encaissé les chèques
en question « . La plaignante souligne qu’à sa connaissance, CFCF
n’a pas reconnu son erreur et ne s’est pas rétracté.
Danielle-Maude Gosselin reconnaît
toutefois que la journaliste a tenté d’avoir la version du ministère sur le cas
de M. Kowarsky. Cependant, la Loi sur la protection des enseignements
personnels interdit de divulguer des renseignements sur un prestataire, à
moins d’avoir une déclaration signée de sa part autorisant le ministère de la
Solidarité sociale à le faire. Obtenir cette autorisation peut prendre quelques
jours selon la plaignante et » les journalistes sont très au fait de cette
situation « .
Finalement, Mme Gosselin reproche à
la mise-en-cause d’avoir enregistré et diffusé des conversations entre le
prestataire et des agentes du Centre local d’emploi, sans l’autorisation de ces
dernières. De ce fait, CFCF-12 a manqué à l’éthique journalistique et
présenté » un reportage tendancieux qui a contribué à développer une image
négative du ministère et des fonctionnaires ».
Commentaires du mis en cause
Au nom de CFCF-12 et de sa
journaliste Lianne Castelino, la vice-présidente Suzanne Gouin répond aux
griefs formulés par Danielle-Maude Gosselin.
D’abord, la mise-en-cause précise
que l’enregistrement de conversations téléphoniques n’est pas illégale «
lorsqu’une des parties consent de façon tacite ou implicite à l’enregistrement
d’une telle conversation. Dans le cas qui nous occupe, nous avions l’autorisation
de monsieur Kowarsky « .
D’autre part, Mme Gouin souligne le
fait que jamais, lors » des demandes répétées » de la journaliste
Lianne Castelino pour connaître la version du ministère, on ne lui a expliqué
les contraintes imposées par la Loi sur la protection des renseignements
personnels. Si cela avait été fait et une entrevue accordée dans ce
contexte, la journaliste aurait pu » faire état de la nature
confidentielle des dossiers traités par le ministère et ses représentants, tout
en informant le public des limites dans lesquelles certaines décisions sont
prises « .
Finalement, la vice-présidente de CFCF-12
indique que, lors du bulletin de Pulse du lundi 22 février, la
station a fait une mise au point concernant le reportage de Lianne Castelino.
Dans cette mise au point, CFCF-12 a reconnu que contrairement à ce qui
avait été soutenu dans le reportage, M. Kowarsky avait bien reçu ses deux
chèques et que le ministère avait réagit rapidement à son changement d’adresse.
Réplique du plaignant
La plaignante n’a produit aucune
réplique.
Analyse
La plaignante reproche d’abord à Lianne Castelino et à CFCF-12 d’avoir diffusé une information » qui s’est avérée inexacte « . Les faits soumis à l’attention du Conseil confirment que ce grief est fondé.
La journaliste a fait erreur quand elle a présenté la version des faits d’un prestataire de la sécurité du revenu. Celui-ci prétendait être privé de ses chèques d’aide sociale depuis deux mois, par la faute du ministère de la Solidarité sociale. Après la diffusion du reportage incriminé, les fonctionnaires du ministère ont pu établir que les chèques avaient bien été émis, qu’ils l’avaient été à la bonne adresse, et même qu’ils avaient été encaissés.
Selon les commentaires de la mise-en-cause, lesquels ne seront pas contredits par la plaignante, la journaliste a tenté à plusieurs reprises de faire confirmer par le ministère les prétentions de Warren Kowarsky. On lui a refusé toute entrevue.
Dans sa plainte, Danielle-Maude Gosselin soutient que la Loi sur la protection des renseignements personnels empêche la divulgation de » quelque renseignement que ce soit sur une personne prestataire de la sécurité du revenu à moins que cette dernière ne signe une déclaration écrite qui nous autorise à le faire « .
Or, selon la vice-présidente de CFCF, aucun des responsables à qui la journaliste a parlé n’a fait allusion à cette contrainte; personne n’a mentionné la possibilité d’obtenir l’autorisation écrite du prestataire, même si la journaliste a elle-même accompagné M. Kowarsky au Centre local d’emploi!
Dans ce contexte, et en l’absence d’une version officielle du ministère, la décision de diffuser sur la base des informations disponibles à ce moment-là apparaît, à tout le moins, compréhensible, quoique prématurée. La journaliste avait la version du prestataire, et elle avait des enregistrements de conversations qui ne démentaient pas la version des faits de M. Kowarsky. Elle a fait le choix d’aller de l’avant et elle s’est trompée.
L’erreur de faits de CFCF n’en demeure pas moins sérieuse et la brève rectification apportée par CFCF le 22 février n’apparaît pas suffisante, aux yeux du Conseil.
En conséquence, le Conseil de presse retient la plainte contre la journaliste Lianne Castelino et CFCF-12, en prenant soin toutefois de préciser qu’il est légitime que la presse puisse continuer de s’intéresser aux difficultés que rencontrent les personnes socialement démunies.