Plaignant
Me André Ramier
Mis en cause
Suzanne Chénier, journaliste et L’Écho
du Nord (Jacques Laplante, directeur général)
Résumé de la plainte
La plainte vise trois
articles de Mme Suzanne Chénier publiés dans l’édition du 21 octobre 1998 de L’Écho
du Nord. D’abord son texte principal intitulé « De faux buvards
d’acide… mais du vrai pot à l’école primaire Mariboisé », où
la journaliste fait état de l’intervention des policiers pour une histoire de
drogue dans cette école de St-Jérôme. Ensuite deux textes plus courts où sont
présentés les commentaires de la directrice de l’école, et ceux d’un parent qui
dénoncent la situation.
Me André Ramier, au nom de l’école
Mariboisé et de la Commission scolaire de la Rivière du Nord, dénonce le
« travail journalistique inacceptable » de la mise-en-cause
dans ce reportage.
Griefs du plaignant
Le plaignant reproche à Mme Chénier
et à L’Écho du Nord, de laisser entendre qu’il y a un
« problème » de consommation de drogue à l’intérieur de
l’école Mariboisé. Dans le premier paragraphe de son article principal la
journaliste écrit:
« À l’instar des grands
centres urbains, le fléau de la drogue a traversé les murs de nos écoles
primaires. C’est du moins ce qui est permis de croire à la suite des récents
événements qui se sont produits à l’école primaire Mariboisé… où des enfants
ont acheté et consommé de la drogue ».
Ensuite selon le plaignant, et à
partir de cette fausse « nouvelle », la journaliste présente
la directrice de l’école qui déclare s’occuper de « la
situation », comme si elle réagissait au
« fléau » que la journaliste a imaginé. Finalement, dans le
texte donnant la parole à un « père en colère », André
Raymond révèle qu’il s’est « plaint à plusieurs reprises du
« problème » de la drogue à cette école mais que la
direction n’a rien fait. Il ajoutait même que sa fille avait été victime de
représailles à chaque fois qu’il se serait plaint ».
Selon André Ramier, rien de cela
n’est vrai, et la journaliste aurait dû le savoir.
En réalité « deux
adolescents, ne fréquentant évidemment pas cette école, auraient tenté de
vendre de la drogue à deux élèves de Mariboisé, dans la cour d’école, mais bien
après les heures de fréquentation et de surveillance normale. Cette situation,
tout à fait ponctuelle et nouvelle, a immédiatement été signalée aux instances
policières par la direction. On est donc loin du scénario plus
« vendeur » qu’a choisi de présenter L’Écho du Nord ».
Pour ces raisons, et parce que L’Écho
du Nord n’a jamais rétabli les faits à sa satisfaction, Me André Ramier
demande au nom de ses clients, que le Conseil de presse blâme la journaliste
Suzanne Chénier et son journal.
Commentaires du mis en cause
Le directeur général de L’Écho
du Nord, M. Jacques Laplante, rejette les allégations du plaignant. Le
mis-en-cause rappelle que le journal a été alerté par le père d’une élève, que
les propos recueillis auprès des policiers et de la directrice ont été
rapportés fidèlement, sans déformation. La directrice a admis « qu’au
moins un élève de son école avait fumé de la drogue. De plus, elle n’a pas nié
la présence de drogue à son école. Pour sa part, le policier a confirmé qu’il y
avait une recrudescence du trafic de drogue près des écoles primaires ».
Dans ce contexte, monsieur Laplante
considère qu’il n’était pas exagéré d’écrire que « le fléau de la
drogue a traversé les murs de nos écoles… ».
Le mis-en-cause rappelle aussi que
suite à la publication des articles incriminés, le journal a publié le
commentaire du président du conseil d’établissement de Mariboisé, ainsi qu’une
mise au point où le journal précise qu’il n’a jamais voulu dire qu’il y avait
eu consommation de drogue « à l’intérieur des murs de l’école
Mariboisé ».
Pour ces raisons, Jacques Laplante
considère que le dossier de l’école Mariboisé a été traité avec
professionnalisme, et que la plainte doit être rejetée.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’accepte pas les
explications du mis-en-cause. Tout d’abord, le directeur général de L’Écho
du Nord a tort d’affirmer que « la directrice de l’école a
confirmé qu’au moins un élève de son école avait fumé de la drogue. De plus,
elle n’a pas nié la présence de drogue à son école ». Au contraire. À
la « connaissance de la directrice ou des autres intervenants
professionnels de cette école, aucun élève fréquentant l’école Mariboisé n’a
consommé de drogue à l’intérieur des murs de celle-ci ».
Le plaignant constate que le
mis-en-cause ne fait pas de différence entre la présence de drogue à
l’intérieur des murs des écoles, et le fait que de « petits
revendeurs profitent de la cour d’école, après les heures de surveillance, pour
distribuer leurs produits. Il est évident que la première situation avait de
quoi inquiéter davantage les parents que la seconde ».
Pour ce qui est de la mise au point
publiée par la rédaction du journal, elle n’a pas convaincu le plaignant. Tels
qu’ils étaient rédigés, les articles amenaient bel et bien à conclure à la
présence et à la consommation de drogue à l’intérieur des murs de l’école Mariboisé.
D’ailleurs là-dessus, Jacques Laplante se contredit puisqu’il conclut son
commentaire en réaffirmant « que le fléau de la drogue a traversé les
murs de nos écoles primaires ».
Pour ces raisons et parce que les
articles publiés par L’Écho du Nord ont eu « un effet négatif
important tant sur les élèves que sur les parents et le personnel de
l’école », Me Ramier et ses clients maintiennent leur plainte.
Analyse
Le Conseil de presse tient tout d’abord à rappeler un principe fondamental en matière d’information: les médias et les journalistes doivent livrer au public une information complète et conforme aux faits et aux événements. La rigueur intellectuelle et professionnelle dont ils doivent faire preuve constitue la garantie d’une information de qualité.
Dans le présent cas, ce principe n’a pas été totalement respecté. Les articles de l’Écho du Nord ont manqué de rigueur, par l’usage de termes imprécis et généralisateurs permettant de conclure que le problème de consommation de drogue à l’école primaire Mariboisé était plus étendu que les faits le démontraient. Plus spécifiquement, l’utilisation dans l’un des articles de Mme Chénier de la phrase suivante » le fléau de la drogue a traversé les murs de nos écoles « présentait à la fois un problème de nuances et d’exactitude.
Toutefois, si l’on en croit la mise au point publiée par le journal à ce sujet, il ne fallait pas prendre cette phrase au pied de la lettre; la direction de l’Écho du Nord y assurait alors ses lecteurs sur le fait que le journal n’avait pas voulu dire que la consommation de la drogue se passait à l’intérieur même de l’école primaire.
Dans son examen de la plainte, le Conseil a également pris en compte l’ouverture du média d’information vis-à-vis l’un des plaignants, soit le président du Conseil d’établissement de l’école Mariboisé, lequel a pu exprimer son insatisfaction à l’égard des articles de Suzanne Chénier dans les pages de l’Écho du Nord.
Même si la publication de lettres de lecteur ou de mises au point ne constitue pas toujours le meilleur moyen de réparer le préjudice causé, les médias doivent s’ouvrir aux personnes victimes d’erreurs. C’est ce qu’a fait le journal incriminé; aussi, pour cette raison et en regard de tout le contexte, le Conseil de presse ne retient aucun blâme à l’encontre de l’Écho du Nord et de sa journaliste Suzanne Chénier.
Analyse de la décision
- C09 Droit de réponse du public
- C11B Information inexacte
- C15 Rigueur de l’information
- C15A Manque de rigueur
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C15H Insinuations
- C19 Rectification de l’information