Plaignant
Regroupement des Comités Logement et Associations de Locataires du
Québec (RCLALQ)
Mis en cause
Laurent Soumis, journaliste, et Le Journal de Montréal
(PauleBeaugrand-Champagne, rédactrice en chef) et Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
Denis Cusson, coordonnateur du Regroupement des Comités Logement et
Associations de Locataires du Québec (RCLALQ), porte plainte contre Le Journal
de Montréal, Le Journal de Québec et Laurent Soumis à propos d’une
série d’articles intitulée : » Locataires : les mauvais payeurs « .
Cette série a été publiée les 30, 31 janvier et 1er février 1999 dans Le
Journal de Montréal, les 31 janvier, 1er et 2 février 1999 dans Le
Journal de Québec. Le plaignant demande au Conseil de presse de blâmer
sévèrement les deux journaux ainsi que Laurent Soumis pour » information
erronée » et » propos pernicieux « .
Griefs du plaignant
Selon Denis Cusson, » Les propos qu’on y retrouve sont erronés,
démesurés, haineux et incitatifs au développement de pratiques discriminatoires
à l’égard des personnes à faible revenu ». La plainte s’accompagne
d’une lettre adressée au Journal de Montréal, datée du 8 février 1999,
dans laquelle le plaignant demandait la parution d’un rectificatif. La lettre
s’articule autour de quatre points du dossier qui sont remis en cause :
– les affirmations de Rodrigue
Dubé, l’ex-président de la Régie du logement.
– l’étude qui a servi de base
chiffrée à l’article.
– la description du marché
immobilier concernant la part des petits et moyens propriétaires.
– les propos malicieux qui
seraient employés.
L’essentiel des griefs exprimés porte sur la discrimination à l’endroit
des bénéficiaires de l’aide sociale. Les plaignants reprochent au journaliste
une assimilation entre » bénéficiaires de l’aide sociale » et «
mauvais payeurs » qui entretiendrait les préjugés existants. Au-delà de
cette critique, ce sont les méthodes employées qui sont contestées; il n’y aurait
notamment « aucune vérification sur la provenance des chiffres
« . De plus, le journaliste aurait usé d’un subterfuge en exagérant le rôle
des petits propriétaires sur le marché immobilier » car l’écoute
médiatique est bien meilleure « . Selon le plaignant, le journaliste aurait
donné trop d’ampleur au phénomène » qui fait en sorte que tous les
locataires sont des « fraudeurs potentiels » « . Enfin, le RCLALQ
proteste contre le fait que Le Journal de Montréal ne lui a pas
permis d’apporter un rectificatif aux différents articles.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du journaliste mis en cause Laurent Soumis et de Paule
Beaugrand-Champagne, rédactrice en chef du Journal de Montréal :
Les journalistes s’expliquent en premier lieu sur le fait qu’aucun
correctif n’a été apporté aux articles contestés : » jugeant la plainte
non fondée, nous avons décidé de ne pas y donner suite. Le ton et le moyen
employés n’y sont pas étrangers « . Il est reproché au plaignant de n’avoir
pas utilisé les autres moyens à sa disposition pour » réaffirmer son point
de vue : communiqués, conférence de presse[…] ».
En second lieu, ils répondent aux accusations point par point, telles
que présentées dans la plainte. Concernant les affirmations avancées par
Rodrigue Dubé : » À notre demande, M. Dubé a estimé, sur la base de son
expérience personnelle, l’étendue du « réseau de fraudeurs » « . Le
RCLALQ se plaignait également du fait que, selon eux, l’article » laissait
entendre que les régisseurs sont à la merci des pressions politiques « . Le
journaliste rétorque qu’il n’a fait que » rapporte[r] l’opinion d’une
personne respectable et expérimentée « . L’étude citée dans les articles
était aussi contestée par les plaignants. Pour leur défense, les mis-en-cause
rappellent que cette étude est, » jusqu’à preuve du contraire, la seule
disponible sur la question « . Pour ce qui est de l’accusation de
surévaluation du « rôle et de l’influence » des petits et moyens
propriétaires sur le marché, le journaliste renvoie le plaignant à sa propre
argumentation. Celui-ci contestait les informations produites sur la situation
du marché immobilier. Or Laurent Soumis commente l’accusation en disant :
« le plaignant conteste les résultats d’une étude gouvernementale
sans apporter le moindre fait ou chiffre à l’appui de ses prétentions « .
Enfin, le mis-en-cause réagit sur l’accusation de « propos malicieux
« . Il se défend d’avoir présenté les locataires comme des » fraudeurs
potentiels « . » Au contraire [dit-il] à de nombreuses reprises […],
nous avons souligné que la frange des mauvais payeurs nuit à la réputation de
la majorité des assistés sociaux qui respectent leurs obligations « .
Le journaliste explique qu’il » a tenté de communiquer avec le
coordonnateur du Regroupement, M. Denis Cusson [et que] celui-ci n’a pas retourné
l’appel « . La conclusion des commentaires fait apparaître que Le
Journal de Montréal aurait une politique éditoriale sur le logement locatif
l’amenant à publier depuis le 1er janvier 1998 » 15 articles rapportant le
point de vue des associations de locataires sur diverses questions « .
Réplique du plaignant
Le plaignant précise dans sa lettre de réplique que sa plainte porte
uniquement sur le dossier réalisé par M. Laurent Soumis (paru aux dates
mentionnées plus haut). Denis Cusson dément avoir demandé au Journal de
Montréal une publication de leur bilan de travail. De même, il mentionne
que le RCLALQ a » organisé une conférence de presse pour répondre à ces
articles le 4 février à Québec » contrairement à ce qu’affirment Paule
Beaugrand-Champagne et Laurent Soumis. Denis Cusson joint à sa lettre de
réplique une facturation de Bell tendant à prouver que « trois appels
ont été logés au Journal de Montréal le 27 janvier 1999. Deux fois à M.
Laurent Soumis […] et une fois à M. Luc Rufiange « . Enfin, il revient sur
le fait que, selon lui, » monsieur Soumis n’a pas fait les vérifications
nécessaires ou exigé de ses interlocuteurs des preuves au soutien de leurs
affirmations ». Il appuie ses propos en citant ses différentes
références, souhaitant montrer que ses informations sont, quant à elles,
vérifiables.
Analyse
Le Journal de Montréal a publié, sur trois jours, une série consacrée au problème des locataires mauvais payeurs, série publiée également par Le Journal de Québec. La présentation des articles pouvait donner, à première vue, l’impression que le phénomène avait été traité avec exagération. Cependant, une analyse en profondeur des articles fait apparaître que le journaliste a tout de même apporté un minimum de nuances à la tonalité générale des textes. Un certain nombre de précisions ont permis d’éviter les généralisations tendancieuses et discriminatoires à l’égard des personnes à faible revenu.
Le coordonnateur du Regroupement des Comités Logement et Associations de Locataires du Québec (RCLALQ) reproche au journaliste Laurent Soumis d’avancer des chiffres non vérifiés. Le journaliste s’est appuyé sur une enquête gouvernementale, qui, si elle est remise en question par certains, reste la seule source du genre qui soit utilisable. Par conséquent, le Conseil ne peut retenir ce grief.
Le mis-en-cause a su démontrer pour sa défense qu’il existait au Journal de Montréal une politique éditoriale sur le logement locatif. Celle-ci a amené le quotidien à publier cinq articles, de mars 1998 à mars 1999, en plus de la série en question, qui dévoilaient d’autres points de vue sur le phénomène. Or, le Conseil de presse rappelle que les choix faits par les journalistes ne se mesurent pas seulement sur la base d’une seule édition, mais aussi de façon qualitative, tout étant fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public. Il y a eu, en effet, dans le suivi de cette question, un souci d’enquête et d’équilibre.
Par ailleurs, M. Denis Cusson, le plaignant, a été largement cité dans les articles sur le sujet avant et après la série contre laquelle il porte plainte. Il a pu donner son point de vue et il apparaît que Le Journal de Montréal a recherché, sur le long terme, à confronter les opinions sur ce délicat problème de société.
Pour toutes ces raisons, le Conseil de presse rejette l’ensemble des griefs exprimés contre le journaliste Laurent Soumis et les deux quotidiens.
Analyse de la décision
- C14 Pondération de l’information
- C15 Rigueur de l’information
- C18 Respect des groupes sociaux
- C19 Rectification de l’information