Plaignant
Adrian M. S. White
Mis en cause
William A. Bradshaw, journaliste et
CAmagazine (édition française et anglaise, Christian Bellavance
rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
M. White porte plainte contre le
périodique CAmagazine, édition d’avril 1998, pour un commentaire faux,
biaisé et injuste. L’article, publié sous les titres « Survival
Instinct » et « Écouter son intuition « , porte
le sous-titre « Avant certains désastres, il existe des signes
révélateurs de quelque chose qui ne va pas. Pourquoi n’agit-on pas pour
prévenir le pire? « . L’auteur cherchait à démontrer que l’intuition
est une alarme interne chez l’individu et que des accidents pourraient être
évités si certaines personnes l’écoutaient davantage. Dans son texte, le
journaliste fait référence à trois accidents dont celui à la mine de charbon
Westray, en Nouvelle-Écosse, où une explosion survenue le 9 mai 1992 coûtait la
vie à 26 mineurs.
Le plaignant est un comptable agréé
reconnu, qui a travaillé pour la compagnie Curragh, propriétaire de la mine
Westray. Selon lui, sur la base des faits connus au moment de la publication,
cet article est biaisé, faux et représente un commentaire inéquitable. Il
attaque injustement la réputation de deux professionnels, qui, au Québec,
peuvent être identifiables. Dans son cas, l’article l’associerait à un «
crime collectif (corporal crime) « . Le plaignant rappelle qu’il est celui
qui a découvert en 1998 que les moniteurs à méthane, à la mine Westray, étaient
défectueux et que cette évidence de première importance (critical evidence) a
pourtant été « oubliée » (overlooked).
Une annexe de 10 pages regroupe les
éléments-clés sur lesquels s’appuie sa plainte : ses états de services professionnels,
la reconnaissance internationale, le respect et les honneurs qu’il a mérités.
Il est membre de l’Institut canadien des comptables agréés (ICCA), organisme
chargé d’établir les standards de la profession. Ancien haut dirigeant de la
compagnie Curragh, en aucun temps il n’a fait l’objet d’enquête ni de mise en
accusation et n’a jamais été relié à l’histoire de l’accident de Westray. Il
faisait partie du personnel, mais n’était pas responsable des opérations et
n’avait pas à se rapporter à un président. Il n’était pas non plus autorisé à
descendre sous terre.
Le plaignant poursuit son exposé
pour préciser la place qu’il a occupée dans les événements relatés et les
efforts qu’il a déployés pour faire connaître les faits réels : recherches,
voyages, conférences, efforts pour faire corriger dans les médias des erreurs
de faits, offres d’assistance aux enquêteurs de la Commission d’enquête et à la
GRC, etc. En 1996, il donne une conférence sur les mesures de sécurité à
Westray, où étaient présents l’auteur de l’article ainsi que des personnes de
l’Institut, dont la vice-présidente. À ce moment, il a été présenté comme un
professionnel aux finances, au cœur de la compagnie Curragh.
À la suite de la publication, en
décembre 1997, par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse d’une version «
stylisée » du rapport de la Commission d’enquête sur l’accident de la
Westray, un article paraît dans le Globe 1/4 Mail. Le plaignant répond
publiquement pour en corriger les erreurs factuelles. Un second article paraît
dans le même quotidien en janvier 1998, contenant également des erreurs
factuelles, des éléments de libelle et des attaques contre un pseudo-conseil
d’administration de la division Westray de Curragh. En collaboration avec le Globe
1/4 Mail, M.White répond dans un article d’un tiers de page à large
diffusion pour tenter de corriger les dommages. Cet article était donc
disponible avant que le journaliste commence son travail. De plus, à la suite à
de nouvelles informations obtenues ultérieurement, M. White a avisé
simultanément les directeurs de CAmagazine et de l’ICCA concernant de
sérieuses erreurs au sujet de cette histoire et de la profession.
Griefs du plaignant
Selon le plaignant, l’article mis
en cause, publié pendant que des poursuites criminelles étaient en cours et
après une admission de responsabilité par la Province de la Nouvelle-Écosse,
contenait des propos qui, très en deçà de la vérité et du commentaire
équitable, constituait un libelle à l’égard du plaignant, violait la Loi des
comptables et occasionnait des dommages au plaignant. Cet article portait
gravement atteinte à sa réputation par des accusations fausses et
diffamatoires, le rabaissait dans l’estime des personnes bien pensantes, et en
faisait ainsi quelqu’un à éviter. L’article a nui à sa réputation, à ses
transactions, à son métier et à ses affaires du moment. Pour lui, les termes de
l’article le faisaient complice d’un crime collectif et propageaient des
allégations d’inconduite professionnelle et d’incompétence. Le plaignant a
tenté d’obtenir de l’ICCA des excuses, des rectifications et des compensations
pour dommages qui lui ont été refusées.
À ses arguments, le plaignant
ajoute que de nouvelles révélations, plus tard en 1998, sont venues
pratiquement exonérer tous ceux qui ont été accusés injustement depuis
l’explosion de 1992 et confirmer en même temps qu’il n’avait lui-même aucune
possibilité d’anticiper l’accident. M.White précise que l’éditeur
(publisher) est un CA et le CAmagazine, la publication officielle de
l’ICCA. Les standards professionnels exigent des CA attention, intégrité et
compétence afin qu’on ne les associe pas à des documents trompeurs. Le respect
de la réputation est de première importance, spécialement pour un comptable
agréé. M. White annexe également copie d’une lettre à la présidente de l’ICCA,
dans laquelle il demande, à la suite de la publication de l’article, des
précisions ou des rectifications : les erreurs (flaws) dans l’histoire de la
mine Westray et dans les enquêtes, les mises en accusation erronées contres les
gestionnaires de la mine. Il ajoute que ni lui, qui était le professionnel aux
finances au cœur des activités de Curragh, ni son vis-à-vis à VIA Rail,
n’avaient le moindre indice (inkling) d’un désastre, ni n’étaient en position
de le savoir. De plus, il ne manquerait pas de courage et il n’a jamais été
tenu responsable ni mis en accusation durant l’enquête, ce qui contredit
l’article visé. La mine elle-même (Westray underground) avait obtenu un
bulletin de santé sans taches jusqu’en mai 1992, de la Banque de la
Nouvelle-Écosse, de deux groupes d’experts, de la Province de la
Nouvelle-Écosse et de hauts dirigeants des opérations chez Curragh. En outre,
si les informations alléguées dans l’article avaient été connues, le
vice-président de Curragh, un éminent juriste, se serait fait un devoir d’y
répondre. Aucune évidence n’existe en ce sens et cette question n’est pas
mentionnée non plus dans les comptes rendus des réunions de Curragh.
Commentaires du mis en cause
Le rédacteur en chef, Christian
Bellavance, considère que l’article a été écrit selon les règles reconnues de
la pratique journalistique. Il rappelle en outre que CAmagazine
reconnaît à l’auteur le droit d’exposer un point de vue qui peut ne pas
correspondre à celui de l’Institut des Comptables Agréés.
M. Bellavance précise que William
Bradshaw est un membre éminent de la profession de comptable agréé et une
autorité reconnue en matière de critères de contrôle. L’article reposerait sur
une recherche fouillée et la section concernant l’explosion à la mine Westray
reposerait essentiellement sur le rapport de la Commission d’enquête Richard.
L’article ne permettrait en aucun cas d’identifier ni de relier le plaignant à
l’affaire Westray.
De plus, M. White aurait refusé
l’offre de faire connaître son point de vue par le biais d’une lettre dans la
rubrique réservée aux lecteurs.
Le rédacteur en chef annexe à son
commentaire copie d’une lettre de plainte de M. White, datée du 6 mai et de la
réponse qu’il lui a faite le même jour. Dans celle-ci, il dit ne pas considérer
qu’un lecteur objectif ne verrait de la part de l’auteur diffamation, malice ou
mépris volontaire de la vérité. Compte tenu de l’immense couverture médiatique
de l’histoire de Westray, l’article de M. Bradshaw ne saperait la réputation de
personne en particulier. Il a utilisé le rapport du juge Peter Richard pour
illustrer l’importance d’un système de gestion solide. C’est le système tout
entier qui était impliqué dans l’histoire de Westray.
M. Bellavance insiste sur le fait
que ni l’Institut ni le magazine n’endossent spécifiquement quelque point de
vue de ses collaborateurs. Mais il croit cependant que l’auteur soulève des
questions importantes d’une façon responsable et qu’il était libre de le faire
dans ses pages. Il invite donc M.White à répondre par une lettre à
l’éditeur.
Réplique du plaignant
M. White fait observer d’entrée de
jeu que le rédacteur en chef est sélectif dans le matériel qu’il a annexé à son
commentaire et que par sa lettre, il lui refusait des excuses et une
rétractation. Il s’indigne de la position du rédacteur en chef qui suggérerait
que M. Bradshaw est un professionnel éminent mais que lui ne l’est pas.
Le plaignant inclut à sa réplique
24 pages de correspondance illustrant les démarches de recherche et de
rectification qu’il a tentées pour rétablir la vérité. La lettre de 7 pages du
1er août 1998 au président de l’Institut contient une chronologie
des événements significatifs et une analyse détaillée des éléments reprochés à
l’auteur de l’article.
Analyse
Après étude du dossier, le Conseil de presse considère la présente plainte irrecevable. La décision du comité des plaintes et de l’éthique de l’information repose sur la base suivante :
· Le périodique CAmagazine ne peut être considéré comme un véritable média d’information, publié par une entreprise de presse.
· Le périodique est édité par une corporation professionnelle, soit l’Institut canadien des comptables agréés, et constitue par le fait même l’organe officiel de l’organisme, donc son bulletin de liaison.
Conséquemment, le contenu de CAmagazine n’entre pas sous la juridiction du Conseil de presse du Québec.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C15C Information non établie
- C15D Manque de vérification
- C17A Diffamation
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C17H Procès par les médias
- C19A Absence/refus de rectification