Plaignant
Ernest Haim
Mis en cause
Bill Brownstein, journaliste et The
Gazette (Raymond Brassard, directeur de l’information)
Résumé de la plainte
Le plaignant dénonce l’utilisation
de néologismes empruntés à d’autres langues, dans les textes du quotidien The
Gazette.
Griefs du plaignant
M. Haim porte plainte contre le colomnist
Bill Brownstein pour l’utilisation du mot « shticking » en
première page du quotidien The Gazette du 22 mars 1999. Le plaignant dit
avoir déjà écrit au journal pour protester contre l’utilisation du mot «
tochoes » par Josh Forest. Il s’agit d’un mot vulgaire pour désigner les
fesses. Selon M. Haim, il est bien vu dans le milieu que des journalistes juifs
introduisent dans le langage des nouveaux mots issus de langues étrangères,
inconnus de leurs lecteurs et qu’on ne retrouve pas dans les dictionnaires. La chutzpah
(supreme self confidence) des journalistes juifs devrait donc être limitée
avant que, pour cette raison, notre presse ne devienne écrite dans un anglais
abâtardi ou en français. Le plaignant ajoute, pour dissiper tout malentendu,
qu’il est lui-même juif mais qu’il ne croit pas qu’imposer des néologismes
juifs (Yiddishisms) puisse contribuer à l’amélioration des relations entre les
différentes cultures.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du directeur de
l’information Raymond Brassard
Le quotidien The Gazette
considère la plainte de M. Ernest Haim non fondée et futile. Selon
M.Brassard, la langue anglaise adopte constamment de nouveaux mots des
autres langues comme on peut le constater en jetant un coup d’œil rapide aux
dictionnaires anglais. Des mots comme » chutzpah » et » shtick
» sont bien connus des lecteurs de langue anglaise et, contrairement aux
allégations de M. Haim, se retrouvent actuellement dans les dictionnaires.
Au quotidien The Gazette on
utilise le dictionnaire Merriam-Webster où » shtick » est défini
comme » a show-business routine, gimmick or gag « . C’est exactement
en ce sens que l’a utilisé M. Brownstein dans son commentaire sur les «
Academy Awards « . Le directeur de l’information exprime également son
désaccord avec la prétention de M. Haim que l’utilisation de néologismes juifs
peut nuire aux relations entre personnes de cultures différentes. Au contraire,
l’adoption d’expressions et de traditions d’autres cultures ne peut porter
atteinte qu’aux idées stéréotypées.
Commentaires du journaliste,
Bill Brownstein
M. Brownstein commence ses
commentaires en reconnaissant que s’il est accusé de construire des ponts en
introduisant un mot inoffensif dans une chronique, alors il est coupable. Des
écrivains et des radiodiffuseurs de toute dénomination religieuse utilisent ce
mot pour décrire le jeu d’un comédien depuis le tournant du siècle. Il l’a
utilisé durant le Festival de l’humour de Montréal. Personne ne s’était plaint
jusque-là. Le mot est si répandu qu’il est même dans le dictionnaire où «
shtick » est défini comme » show-business routine « .
M. Brownstein reconnaît qu’il a
déjà tenté occasionnellement d’introduire de nouveaux mots qui peuvent être
discutables ou controversés. Mais il estime que le plaignant ne prendra pas
ombrage de l’utilisation d’un mot qui glorifie une performance mais qui
transcende les divisions culturelles.
Le journaliste ajoute qu’à cette époque
où les gens utilisent les médias pour répandre leurs messages de haine, il
trouve particulièrement attristant que quelqu’un se plaigne de quelque chose
d’aussi inoffensif.
Réplique du plaignant
M. Haim affirme que contrairement
aux croyances de M. Brossard, l’expérience démontre que l’usage de néologismes
yiddishs sont des catalyseurs à la promotion de la haine et des stéréotypes sur
les juifs. D’autre part, le mot » shticking » est une «
monstruosité grammaticale » démontrant que M. Brownstein utilise les néologismes
yiddishs pour leur effet choc.
Analyse
Un des principes les plus souvent rappelés par le Conseil de presse du Québec est que les choix rédactionnels, le traitement journalistique de même que la façon de présenter l’information relèvent du jugement et des prérogatives des médias et des professionnels de l’information, qui sont par ailleurs tenus de respecter les faits en tout temps.
L’examen des documents soumis par le plaignant et les mis-en-cause n’indiquent aucune transgression de ce principe. Les mots utilisés n’avaient pas pour effet de déformer le sens des faits exposés. Quant à la portée à long terme de l’utilisation d’un vocabulaire particulier, cette question dépassant les cadres de l’éthique journalistique, il n’appartient pas au Conseil de trancher sur la question.
Ces précisions ayant été faites, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Ernest Haim contre le quotidien The Gazette.
Analyse de la décision
- C11H Terme/expression impropre